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Mustang - 8/10

Par Aelezig

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Un film de Deniz Gamze Ergüven(2015 - Turquie, France, Allemagne) avec Günes Nezihe Sensoy, Doga Zeynep Doguslu, Elit Iscan Tugba Sunguroglu, Ilayda Akdogan  

Edifiant.

L'histoire : Turquie, de nos jours. Cinq soeurs orphelines sont élevées par leur grand-mère, qui a bien du mal à se faire obéir car, comme toutes les adolescentes du monde, elles virevoltent dans tous les sens et ont envie de mener leur propre vie. Mais la tradition est là, dans cette société masculine, patriarcale, où les parents décident des mariages. Et il va de soi qu'une jeune femme ne doit avoir qu'un seul objectif en tête : se faire épouser par un bon mari. Sans cesse punies pour leurs folles bêtises, les filles commencent à mûrir ; certaines ne veulent pas déplaire à la famille, d'autres rusent pour faire accepter leurs choix, et la plus petite tire les leçons de tout ça, devenant la vraie rebelle de la famille.

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Mon avis : Je vais joindre ma voix au concert de louanges que ce film a suscité. J'avais peur d'être déçue, de tomber sur une "bande de filles" à la mode ottomane. Non, c'est beaucoup plus fort, beaucoup plus émouvant, beaucoup plus édifant. Dans le film de Sciamma, nous avons bien également ce malaise de très jeunes femmes dans une société, masculine, qui veut les soumettre, mais la chappe de plomb qui pèse sur elles est bien plus lourde ici ; disons qu'elle est beaucoup mieux décrite, plus réaliste, et pleine d'émotion car on oscille constamment entre la drôlerie des jeunes filles, qui sont terriblement attachantes, l'envie de baffer ces rétrogrades qui veulent les enfermer... tout en gardant une empathie même pour les geôliers car le poids de la tradition fait d'eux, non pas des monstres, mais en personnes de bien qui pensent faire ce qu'il faut pour que leurs filles soient heureuses. Tout ce mélange est détonnant et bouleversant. Les filles aiment profondément tous les membres de leurs famille ; chacune basculera vers son destin, voulu ou non, soumise ou pas... quand aux deux petites dernières, elles se forgeront le leur. Et c'est une magnifique ode à la liberté, à la féminitude, à l'espoir que peuvent porter en elle ces jeunes femmes pour l'humanité de demain.

C'est tellement plus profond, sur un air qui reste pourtant léger et souvent amusant (elles font les 400 coups, les mômes), que le tristounet Bande de filles. La façon dont on les prive d'école pour les punirs, puis dont les aînées acceptent les maris qu'on leur a choisis, c'est stupéfiante. Même si on sait comment ça se passe, pour l'avoir lu dans des journaux, des romans, vu dans des reportages... là, on lit sur les visages ce qui se passe réellement dans leur tête. Il y a celle qui a bien manipulé son petit monde et parvient à épouser celui qu'elle avait choisi, elle, ni vu ni connu ; l'autre qui accepte parce qu'elle n'a pas d'arguments à opposer, pas de passion à prétexter ; une autre qui ne supporte pas la pression... Chacune a ses propres réactions, chacune à son caractère et c'est ça qui est formidable. On est face à cinq individus, et non pas à une "bande", concept flou et dérangeant, car dénué justement de l'individulaité qui fait l'être humain.

Les gamines sont géniales... surtout la benjamine, qui regarde tout ce qui passe au-dessus d'elle en observant et en analysant. On sent peu à peu monter en elle le sentiment puissant que ce destin-là ne sera pas pour elle. Cette adorable jeune fille joue avec un naturel comme s'il s'agissait de sa propre vie, et c'est bouleversant.

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Certains dialogues sont carrément crus, ce qui étonne dans cette société musulmane, mais c'est j'en suis sûre bien plus authentique que n'importe quel film qu'on a pu voir sur le sujet. Parce que les mômes ne sont pas des idiots, les secrets qu'ils se confient, les questions qu'ils se posent, sont les mêmes que partout ailleurs, depuis l'aube des temps, et que quand ils en parlent entre eux, à l'écart des adultes, ils ne font pas dans la dentelle et appellent un chat un chat.

Bouleversant de vérité, de sincérité, d'humour et d'espoir. Et une découverte de la Turquie d'aujourd'hui, totalement partagée, déchirée, entre les séculaires traditions islamiques et le désir d'appartenir au monde moderne, de calquer le modèle occidental dans ce qu'il a de bon (liberté, instruction). La réalisatrice, d'origine turque, a voulu montrer la fougue qui anime la jeunesse de son pays natal, brisant les carcans les uns après les autres, arrachant tous les baillons qu'on voudrait lui faire porter...

Un petit bémol : le rôle de l'oncle, qui apporte un peu plus de noirceur et de pathos, il n'était pas forcément besoin d'en passer par là.

On pense forcément un peu à Virgin suicides... et on réalise soudain à quel point cette histoire peut être bien plus universelle qu'on ne le croit au premier abord.

Du vrai beau cinéma intelligent.

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Un film qui a conquis tout le monde, presse et public. Faut le faire ! A noter qu'il n'a fait que 200.000 entrées... on supposera donc que c'est via DVD et téléchargement (est-ce la fin annoncée des salles ? je le crois) qu'il a connu la gloire.

Le titre bien sûr se réfère au cheval sauvage et indompté, avec sa longue crinière qui flotte au vent. Car, tradition oblige, les filles ont toutes les cheveux très longs... mais certainement pas enfermés dans un foulard ! Ils suivent avec grâce et sensualité tous leurs mouvements. 


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