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Civic Hall encourage l’innovation civique à New York

Publié le 10 mai 2016 par Pnordey @latelier

Les 15 employés de Civic Hall s’emploient à fédérer une communauté d’acteurs aussi talentueux que divers autour de la Civic Tech à NYC. Comment fonctionne Civic Hall ? Quelles sont les initiatives lancées par sa communauté ? Pourquoi avoir choisi New York ? Andrew Rasiej a répondu à nos questions.

Le concept de Smart City englobe l’ensemble des technologies et innovations sociales et politiques qui permettent aux citoyens de mieux vivre dans une ville plus propre, plus sûre, plus économe, plus attractive. Les citoyens sont donc au cœur des problématiques de cette ville intelligente et connectée. La Civic Tech regroupe ces innovations qui permettent d'accroître le pouvoir du citoyen dans la ville, de le rendre acteur de sa relation avec le gouvernement et de rendre plus accessibles les services publics qui lui sont destinés.

Civic Hall est une de ces innovations, un espace de travail collaboratif au coeur de New York City, qui rassemble une communauté d’acteurs autour de la Civic Tech. L’Atelier a rencontré Andrew Rasiej, fondateur et CEO de Civic Hall.

L’Atelier : Comment vous est venue l’idée de fonder Civic Hall et quel est son objectif ?

Andrew Rasiej : Nous organisons chaque année la conférence Personal Democracy Forum – qui aura lieu les 9 et 10 juin 2016 à New York. Cet événement est unique car il rassemble différents secteurs/domaines/mondes qui n’ont pas pour habitude d’interagir : la politique, la technologie, le monde académique, la presse, l’entrepreneuriat social, les professionnels de la RSE (Responsabilité sociale de l’entreprise) etc.

Après 12 années, l’événement a rencontré un tel succès, que les participants ont émis le souhait d’avoir un lieu pour se rassembler plus régulièrement. Civic Hall est donc un espace de travail communautaire et un lieu de rencontres qui oeuvre dans le domaine de la Civic Tech. Par Civic Tech, j’entends toute technologie conçue pour contribuer au bien public.

L'espace de travail collaboratif de Civic Hall

Civic Hall rassemble donc des entrepreneurs sociaux, des employés du secteur public, des hackers, des universitaires, des journalistes, des artistes et bien d’autres. Comment avez-vous construit cette communauté ?

Pour intégrer la communauté Civic Hall, vous devez postuler, expliquer pourquoi vous êtes intéressé, pourquoi vous voulez faire partie de cette communauté, et qu’est-ce que vous pouvez lui apporter. Il existe 3 types de membres : temps complet, temps partiel, et les membres organisationnels qui s’impliquent de façon différente dans les projets. Parmi ces derniers, on compte des employés de nos sponsors Google et Microsoft, des agences gouvernementales (le bureau du maire, le département de la protection de l’environnement…)

Nous faisons le maximum pour nous assurer que la communauté est aussi diversifiée que possible. Genre, race, âge, géographie, compétences professionnelles… : la diversité fait partie intégrante de Civic Hall, et nous mettons un point d’honneur à la cultiver. Nous pensons que pour résoudre les problèmes civiques et urbains auxquels font face les villes aujourd’hui de façon mesurable et pour développer des modèles réplicables, nous avons besoin d’une communauté de partenaires et collaborateurs aussi divers que possible.

Nous offrons aux membres de cette communauté un espace pour rencontrer leurs pairs. Ils travaillent donc ensemble naturellement en se retrouvant dans cet espace et nous avons aussi un ambassadeur pour favoriser la rencontre sur des projets communs.

Le travail collaboratif au coeur des initiatives de Civic Hall

Il y a donc deux types d’initiatives, celles issues de rencontres spontanées entre les membres et celles encouragées par Civic Hall, pouvez-vous nous donner des illustrations de ces initiatives ?

Un exemple de projet monté spontanément par nos membres est celui porté par Kristen Rouse. Après 3 passages en Afghanistan et 30 mois sur place au total, Kristen a souhaité créer une organisation pour les vétérans afin de s’attaquer aux problèmes auxquels font face les nouvelles générations ayant servi en Iraq ou en Afghanistan. S’il existe déjà la populaire organisation Veterans of Foreign Wars (VFW) et plusieurs clubs associés dans le pays, celle-ci rassemble de nombreux vétérans de la guerre du Vietnam et ne répondait pas aux problèmes des militaires de retour de guerres plus récentes.

Kristen ne connaissait rien sur les nouvelles technologies. Mais elle a rencontré un membre de la communauté et lui a raconté ce qu’elle était en train de construire. Cette personne lui a recommandé de placer son projet sur une plateforme appelée Nation Builder, une plateforme en ligne de management de campagne. Au détour d’un café, une autre personne lui a appris à utiliser les réseaux sociaux, puis quelqu’un a dessiné un logo pour son organisation. Elle a ainsi créé la NY Veterans Alliance. En 3 mois, 400 vétérans se sont inscrits sur sa plateforme. Ils ont ensuite convaincu le conseil de la ville de créer le département des services aux vétérans.

Kristen Rouse après la création du Département des services pour les vétérans

Kristen Rouse

Concernant les initiatives où nous avons contribué plus activement, une belle illustration est Open Refferal, une idée de Greg Bloom. Le but est de résoudre le problème de l’accès à l’information concernant les services offerts par les organismes publics et les organisations à but non lucratif, particulièrement les services s’adressant aux populations marginalisées ou défavorisées. Ces informations sont introuvables en ligne, encore moins accessibles sur une plateforme.

Un exemple très concret de problème issu de cette absence de digitalisation des données : la bibliothèque municipale de NY publie un livre tous les ans de 300 pages environ qui contient toutes les informations dont un ancien détenu a besoin pour se réinsérer dans la vie : comment trouver un logement, des formations, un travail, comment avoir accès aux soins. C’est un livre, ce n’est pas accessible en ligne! Ou encore, si un officier de police trouve un adolescent dans la rue, la nuit, il ne peut pas utiliser son smartphone pour chercher un foyer pour sans-abris qui est ouvert, et a un lit disponible pour la nuit car cette information n’existe pas !  

Donc comme nous connaissons des gens dans les agences gouvernementales, dans plusieurs organismes à but non lucratif, et dans la technologie, nous menons des projets rassemblant ces différents acteurs pour amener une douzaine d’agences publiques et une douzaine d’organismes à but non lucratif à partager toutes leurs données sur une seule et même plateforme.

Une fois que ça sera fait, les autres organismes seront obligés de suivre, car s’ils ne sont pas connectés, ils n’existeront pas. C’est le genre de projet qui, s’il fonctionne ici à New York, pourrait facilement être déployé dans les villes du monde entier.

Pouvez-vous nous donner un exemple de collaboration issue d’une demande émanant des pouvoirs publics ?

Le procureur général de NYC nous a approché récemment, et nous a demandé de construire une application qui permettrait aux victimes de violence domestique d’avoir sur leur smartphone leur ordre de protection. L’ordre de protection est un document légal qui indique qu’une personne doit être protégée, de sorte que si un officier de police intervient lors d’une dispute conjugale, la victime peut prouver que le conjoint n’est pas autorisé à être près d’elle. Nous avons donc pensé que c’était une très bonne idée, mais que l’on pouvait aller bien plus loin. Nous avons rassemblé le bureau du procureur général, le bureau des violences domestiques de la mairie de NY, plusieurs organismes à but non lucratif, globalement tous les acteurs new-yorkais travaillant sur les problématiques liées aux violences domestiques. Et nous leur avons demandé « de quoi cette communauté a-t-elle besoin en termes de technologies ? » Peut-être une messagerie instantanée vers un conseiller spécialisé, peut-être un réseau de soutien. Nous avons donc commencé une collaboration avec 6 agences et 6 organismes à but non lucratif pour fournir des solutions technologiques en réponse au problème de violence domestique.

Quels sont les avantages à être basé à NYC plutôt que dans la Silicon Valley, où l’écosystème Tech est plus en avance ?

Aujourd’hui, nous pensons qu’un espace comme Civic Hall ne peut exister qu’à New York. Je suis moi-même Président du NY Tech meetup qui rassemble aujourd’hui 51,000 membres et représente l’industrie Tech à NY. Ce qui est unique dans notre structure c’est que la plupart des membres ne sont pas issus du monde de la Tech. Ce sont des professionnels issus de toutes les autres industries majeures : des professionnels des média, de la santé, des avocats, des journalistes etc. Ce qui nous distingue de la Silicon Valley, c’est que nous avons un écosystème de professionnels bien plus diversifié qui utilisent la technologie pour transformer leur entreprise, leur vie et se transformer eux-mêmes.

New-York a aussi une longue histoire d’organismes à but non lucratif œuvrant dans les services sociaux, et a également plus de ce que j’appellerais l’empathie civique, que n’importe quel autre endroit. Il est important de comprendre que la technologie devient de plus en plus banalisée, elle est partout, le facteur différenciant aujourd’hui, ce n’est pas la technologie, mais les gens qui l’utilisent. Et New-York rassemble plus de talents de grande qualité que n’importe quelle autre ville dans le monde. Enfin, concernant l’innovation dans le domaine civique, je pense que si l’on peut résoudre un problème à New York, il y a de fortes chances que l’on puisse résoudre le problème ailleurs.

L'espace évènement de Civic Hall

Quelle est l’ambition de Civic Hall à plus long terme ?

New York est la meilleure ville pour commencer mais notre idée à long terme n’est pas de n’avoir qu’un Civic Hall ici, nous espérons un jour en avoir plusieurs dans d’autres villes.

Peut-être y aura-t-il des espaces physiques comme celui dans lequel nous sommes, mais nous pensons que les activités et projets que nous menons ici devraient aussi être accueillis dans les bibliothèques, car les bibliothèques sont les espaces municipaux les plus sous-utilisés dans notre société, tout en renfermant un grand potentiel sur la scène civique.

Alors que nous travaillons à démanteler l’âge industriel et les structures économique et politique que celui-ci nous a apportées, le moyen de reconstruire de nouvelles structures au XXIème siècle passera par la collaboration, la communauté, et par des espaces séculaires qui favorisent les rencontres entre citoyens comme Civic Hall.


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