
1) Qui es-tu et d’où viens-tu ?
Mon nom est Jun Gobron et je suis un Architecte d’intérieur et Designer belgo-japonais. Je suis né en Namibie d’un père belge et d’une mère japonaise. Mes parents sont revenus en Belgique peu de temps après ma naissance et depuis lors j’ai toujours vécu à Bruxelles et ses environs, je suis donc un bruxellois avant tout !
2) Qu’est-ce qui t’a amené au design ?
J’ai un peu touché au Design durant mes études à Saint-Luc Bruxelles mais je me suis plutôt dirigé vers l’Architecture d’intérieur à la sortie de mes études. J’ai effectué mon stage dans un grand bureau d’Architecture bruxellois et j’ai eu la chance d’y être engagé avant même l’obtention de mon diplôme
Cependant dans un grand bureau on ne fait pas toujours ce que l’on veut d’un point de vue créatif et il faut souvent attendre de nombreuses années avant de voir la concrétisation d’un projet… je me suis donc petit à petit tourné vers le design sur le côté où les projets sont plus personnels et les échéances plus courtes.
3) Où as-tu étudié ? Parle nous de ton parcours.
Je me sens encore jeune à 33 ans mais j’ai le sentiment d’avoir déjà eu deux vies professionnelles. A la sortie de mes études secondaire je me suis inscrit en Sciences-Economiques à l’ULB. Je n’ai jamais été convaincu par le choix de ces études car au fond de moi j’ai toujours voulu faire des études artistiques mais on m’avait persuadé que c’était le bon choix de faire l’Université… et comme je mets un point d’honneur à terminer tout ce que j’entreprends je me suis retrouvé diplômé et sur le marché du travail à 22 ans. J’ai ensuite travaillé trois années dans des multinationales dans lesquelles j’ai pu mettre à profit mon japonais mais je ne me sentais pas épanoui dans un travail administratif. A 25 ans j’ai donc prix la décision de tout recommencer et je me suis inscrit à Saint-Luc Bruxelles en Architecture d’intérieur. Je m’y suis directement senti comme un poisson dans l’eau et les choses se sont bien déroulées. J’ai même eu l’occasion de passer un semestre à Montréal, une expérience très enrichissante !
4) Quelle est ton approche du design ?
Je tente de créer des objets simples, sobres et subtils pouvant s’adapter à n’importe quel environnement. Je recherche la justesse des proportions et je prends soin d’étudier toutes les jonctions, les imbrication des éléments les uns avec les autres.
Ce qui m’intéresse c’est la capacité de dépouiller au maximum un objet et de lui enlever tout élément superflu à la manière de la table ‘Maru’ faite d’assemblages de bois ou encore le lampadaire ‘Yume’ où l’abat-jour joue à la fois le rôle de source lumineuse et de structure.
J’aime les objets à l’aspect minimaliste et aux lignes pures comme le beurrier ‘Bread & Butter’ où des éléments de matériaux différents s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres. J’essaye de dessiner des pièces intemporelles qui ne suivent pas forcément la tendance du design actuel mais avec un caractère qui leur est propre.
5) Peux tu définir ton travail en un mot ? Un objet ?
Je prendrais en exemple la lampe ‘Hikari ‘(‘Lumière’ en Japonais) pour résumer mon travail. Il s’agit d’une petite lampe de table faites de tiges métalliques et dont le socle se veut le reflet de l’abat-jour. Pour que la lampe puisse être vendue à un prix final abordable en magasin malgré une production artisanale en petite série, le socle et l’abat-jours sont fait dans les mêmes matériaux pour qu’un seul artisan puisse réaliser la pièce.
L’angle de diffusion de la lumière a été pensé de sorte que le plafond et le mur puissent être éclairés et on observe un carré lumineux se dessiner au niveau de la base, donnant un aspect léger à la lampe.
C’est une lampe au design simple où tous les aspects ont été réfléchis. La forme de la lampe découle de sa fonction, en l’occurrence celle d’éclairer mais de manière quelque peu différent d’un abat-jour traditionnel.
6) Quels sont les designers qui t’inspirent ou que tu apprécies particulièrement ?
Je suis d’avantage influencé par les designers des années 50’ & 60’ que par mes contemporains. Cette période représente l’âge d’or du Design à l’image de la chaise de bureau Eames qui n’a pas pris une ride depuis. Je suis tout particulièrement admiratif du travail d’Isamu Noguchi, un designer et sculpteur américain d’origine japonaise.
J’ai dessiné la table basse ‘Turtle’ comme une version contemporaine de sa table basse en verre et le nom ‘Hikari’ de mes lampes de tables est un clin d’œil à ses lampes ‘Akari’ dont le nom signifie également lumière en japonais.
7) Quelle a été ta première création ?
Il s’agit de la lampe ‘Bulbe’ faite de superpositions de feuilles translucides en pvc. C’est un projet de fin d’année en design de Saint-Luc que j’ai mis au point et simplifié par la suite. C’est un peu la pièce qui m’a donné le virus du design !
8) Parmi tes créations quelle est celle que tu aimes le plus ?
Je n’ai pas de pièce préférée car je mets toute mon énergie et mon enthousiasme dans chacune d’elles. Je suis toujours particulièrement fier de la dernière pièce réalisée car j’essaye de me surpasser à chaque nouvelle création. Il s’agit en l’occurrence du trophée réalisé pour les Visit. Brussels Awards. J’ai eu l’idée de prendre une pétale de l’iris représentant le logo de la ville de Bruxelles et de l’extruder afin d’en faire un élément sculptural. La réalisation a été quelque peu complexe afin de façonner la pièce en bois massive. Après le laquage de celle-ci nous avons soigneusement enlevé la peinture au laser afin de laisser le texte apparaître. On ressent une satisfaction quand le fruit de notre travail est remis à chaque gagnant du Visit. Brussels Awards !
9) Quelles sont tes influences ?
Je puise mon inspiration dans tout ce que je vois : la nature, l’architecture, les médias… mais je dirais que mon influence première est le Japon.
Il s’agit de mon pays maternel et même si je n’y ai jamais vraiment vécu, j’y suis allé à de nombreuses reprises depuis mon enfance.
Je pense donc que mon travail y est influencé naturellement et de manière inconsciente. Je ne vais jamais dessiner une pièce en imaginant un résultat japonisant, mais au final j’obtiens à tous les coups une pièce qui respire mes origines nippones.
10) A quoi ressemble une journée type pour Jun Gobron ?
Ma journée commence toujours par un bon petit déjeuner ! Indispensable pour pouvoir attaquer tous les projets de front. Je travaille aujourd’hui en tant que collaborateur indépendant dans un petit bureau d’Architecture d’intérieur où je passe sans cesse d’un projet à un autre et quand vient s’ajouter à cela des échéances pour mes projets en design, vous me verrez souvent courir et faire des allers retours incessants.
Par contre le soir une fois à la maison j’essaye de ne plus travailler et de me déconnecter en regardant un bon film ou en promenant mon petit chien japonais !
11) S’il y avait une chose à changer dans le design?
Je pense que la production à échelle industrielle de meubles à tendance à biaiser la perception des gens par rapport à la production artisanale. Il est tout à fait normal aujourd’hui d’acheter une table et quatre chaises pour une centaine d’euros…ce qui n’est pas mal en soit car j’ai moi même été client de ces produits de consommation de masse.
Par contre il devient impossible pour un artisan ou un petit designer de s’aligner sur ces prix ce qui est souvent mal perçu ou incompris par le client… je pense que le design ou l’artisanat méritent d’être mieux valorisés et mieux compris par un public plus large.
12) Un conseil à donner au personnes désireuses de se lancer et de devenir designer ?
Mon conseil serait de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
Il est aujourd’hui très difficile de pouvoir vivre que du design de produits et il faut souvent beaucoup de patiente avant de récupérer les fruits de son investissement. Personnellement je consacre 80% de mon temps à mon activité d’Architecte d’intérieur et 20% à celle de Designer proprement dit. Il n’y a pas vraiment de modèle à suivre mais je conseille à tout un chacun de diversifier ses activités et trouver son propre équilibre.
13) De ton point de vue, le métier de designer est-il enviable aujourd’hui?
Je pense que c’est un métier qu’on exerce par passion, rien ne vaut la sensation de voir un projet se matérialiser. La situation du designer n’est certes pas enviable financièrement mais c’est un métier qui rapporte beaucoup de joies et de satisfactions et qu’il ne faut surtout pas prendre trop au sérieux.
14) Quels sont tes projets encours ?
Je collabore avec l’Architecte d’intérieur Michel Penneman sur un projet d’hôtel japonais à Bruxelles pour lequel nous allons réaliser l’aménagement intérieur et dessiner tout le mobilier.
15) Pour finir, un livre, un site Internet, un film, une découverte récente… que tu aurais envie de partager avec nous?
Lors d’un récent voyage au japon j’ai pu visiter le musée Nezu de l’Architecte japonais Kengo Kuma que j’ai eu la chance de rencontrer il y a quelques mois à Bruxelles lors d’une conférence. C’est une vraie merveille architecturale qui vaut le détour, Je vous conseille vivement de prendre le thé en contemplant le magnifique jardin japonais.






