Magazine Cinéma

[Critique] MONEY MONSTER

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] MONEY MONSTER

Partager la publication "[Critique] MONEY MONSTER"

Titre original : Money Monster

Note:

★
★
★
★
☆

Origine : États-Unis
Réalisatrice : Jodie Foster
Distribution : George Clooney, Julia Roberts, Jack O’Connell, Caitriona Balfe, Dominic West, Lenny Venito, Giancarlo Esposito, Emily Meade…
Genre : Thriller/Drame
Date de sortie : 12 mai 2016

Le Pitch :
Lee Gates anime tous les jours de la semaine l’émission à succès Money Monster, dans laquelle il dispense conseils et analyses au sujet de la finance. Ayant perdu tout son argent à la suite d’un mauvais placement, après avoir justement écouté les recommandations du présentateur, Kyle, un jeune homme aux abois, décide de débarquer sur le plateau, en plein direct, et de prendre en otage la production, menaçant à la moindre contrariété, de tuer Lee et tous ceux qui se trouvent dans un périmètre proche…

La Critique :
À l’occasion de son quatrième passage à la réalisation, cinq ans après sa dernière livraison, Le Complexe du Castor, Jodie Foster a choisi un genre qu’elle n’avait jamais abordé, à savoir le thriller. Selon son propre aveu, Money Monster est un pur film de genre. Un film par ailleurs adapté d’un script ayant figuré pendant longtemps sur la fameuse black list hollywoodienne, qui regroupe les scénarios les plus prometteurs qui n’ont pas encore trouvé preneur. Plutôt encline à orchestrer des histoires de famille, la réalisatrice a surpris son monde et a plongé de plein pied dans une histoire non seulement dans l’air du temps, mais qui se trouve également être un pur thriller, palpitant, haletant, dont la volonté de distraire n’est jamais démentie.

Money-Monster-Julia-Roberts

Et autant le dire tout de suite, le seul véritable problème de Money Monster est justement de ne pas toujours arriver à assumer son côté hybride. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que la majorité du temps, conformément à tout ce qu’implique son histoire, le long-métrage n’a pas besoin de forcer le trait pour amplifier l’aspect dramatique. Pourtant, au fur et à mesure que le récit progresse, il nous rappelle, par petites touches plus ou moins pertinentes, qu’il désire également être divertissant. Il ajoute une blague ou deux, par-ci par-là et force un peu trop le trait pour être encore plus spectaculaire, cédant aux sirènes des clichés hollywoodiens alors qu’au fond, c’était tout à fait inutile. Suffisamment puissant, le scénario n’avait pas besoin de cela pour sonner avec efficacité. Contrairement à The Big Short ou à 99 Homes par exemple, qui abordent d’une certaine façon les mêmes thématiques, attenantes à la crise financière et aux dégâts qu’elle a occasionné sur les gens du peuple, Money Monster nous rappelle régulièrement qu’il n’ose pas se reposer uniquement sur ces dynamiques, préférant se réfugier derrière des gimmicks purement « divertissants », confortables et attendus, pour accrocher le public. Ainsi, et c’est particulièrement visible lors du dernier quart, le film double son discours social d’une légèreté apparente un petit peu hors sujet. Rien de très grave c’est certain, mais à l’arrivée, c’est précisément cela qui empêche Money Monster de s’imposer avec la même force que The Big Short notamment, qui pour sa part, ne diluait jamais son discours et prenait le risque d’y aller franco, quitte à perdre en chemin les spectateurs, dans les méandres de problématiques complexes dont il soulignait l’essence avec limpidité.

Pour autant, Jodie Foster livre un film remarquable, qui la plupart du temps, touche sa cible, en dézinguant à tout va sans mettre de gants. À lui tout seul, Money Monster tire à boulets rouges sur le monde de la finance, sur les médias, livre une réflexion bien sentie sur notre rapport aux nouvelles technologies et tend plus globalement un miroir à peine déformant, dans le but de mettre en évidence quelques-uns des travers les plus tragiques de notre société. Voir George Clooney faire le show en dispensant des conseils aux implications potentiellement très graves sur les mouvements de flux à Wall Street a quelque chose de très révélateur sur la place qu’ont pris les médias, et plus particulièrement la télévision dans le monde actuel. Le gars est une star du petit écran. Un type plein aux as qui se déguise, danse et se permet de conseiller aux gens d’investir leurs économies sans prendre la mesure de l’impact que ses paroles pourront avoir. Quand Jack O’Connell déboule sur le plateau et menace de le tuer, après avoir tout perdu à la suite d’un mauvais placement, l’univers de la star s’écroule. Le boomerang lui revient en pleine face. Le monde va assister à sa chute. À sa lutte puis au changement qui va s’opérer dans son esprit alors qu’il réalise quel rôle il a tenu toutes ces années, bien assis dans sa bulle, inconscient de l’état de décrépitude d’un modèle économique qui accumule les victimes. Des personnes flouées auxquelles Money Monster s’intéresse en les opposant à celui qui symbolise de part sa condition d’homme des médias, le capitalisme show-business, dont les actes, aussi répréhensibles soient-ils, se parent de beaux costumes et de sourires ultra-brite pour faire passer la pilule.

À l’écran, Jodie Foster navigue entre le plateau de télévision où tout se joue, la régie, où le personnage campé par Julia Roberts tente de garder un semblant de contrôle, et l’extérieur, où la police met en place un dispositif visant à neutraliser le preneur d’otages. En temps réel, la réalisatrice fait preuve d’un dynamisme parfaitement à propos. Sa mise en scène colle de près aux protagonistes et parvient à retranscrire l’angoisse en renforçant l’immersion. Elle nous place habilement au centre de l’action, nous faisant passer de la condition de simples spectateurs amusés par les blagues de Clooney en début de métrage, au statut de témoins d’une situation dramatique aux multiples ramifications. Et même si, comme nous l’avons souligné plus haut, Money Monster cède un peu trop souvent à quelques facilités, difficile de décrocher tout du long, tandis que le dénouement se voit précédé d’une somme de petits retournements de situations aussi maîtrisés formellement que bien intégrés à la sauce. Jodie Foster, avec une assurance folle, croit visiblement en ce projet qu’elle illustre avec force et respect, sans jamais défaillir. Une cinéaste qui fait en outre profiter au long-métrage de son talent pour tout ce qui touche à la direction d’acteurs. Le duo formé par George Clooney et Julia Roberts, plutôt glamour sur le papier, devient chez Jodie Foster le moteur d’un film dans lequel les deux comédiens mettent de côté tout ce qu’ils peuvent représenter de part leur condition de superstar, au service de l’histoire. Julia Roberts, que nous avions plutôt l’habitude de voir ces derniers temps dans les pubs pour du parfum par exemple, fait un boulot admirable, retrouvant la simplicité de ses plus grandes performances, à des lieues du star system, prouvant une nouvelle fois à ceux qui l’avaient oublié à quel point elle est grande. Clooney de son côté, visiblement très concerné par le discours de Money Monster incarne à lui tout seul toute l’absurdité qui peut caractériser le monde de la télévision spectacle, et profite de la partition mise à sa disposition pour livrer à la fois l’une des ses meilleures performances, mais aussi pour alimenter d’une certaine façon, par le biais de sa condition d’acteur-activiste, le combat qu’il mène contre les injustices depuis plusieurs années. Tout ceci avec une grande modestie et le recul nécessaire.
Cela dit, la dynamique qui anime cette excellente distribution ne serait pas vraiment la même sans Jack O’Connell. Prodige du cinéma, révélé par la série Skins, le jeune britannique est le grain de sable qui vient menacer toute l’intégrité d’une machinerie bien huilée. Tour à tour dangereux et fragile, brutal et même pathétique, son personnage est fascinant à plus d’un titre. Tragique aussi et touchant. Sans se laisser impressionner par les deux monstres sacrés à qui il fait face, il mène d’une certaine façon la danse, avec une prestance rare et contribue à conférer au film toute sa profondeur, en boostant son impact.

D’une intelligence probante, Money Monster se positionne donc dans le sillage de ces œuvres portées par un discours actuel. Sur plusieurs tableaux, d’un équilibre certes fragile mais la plupart du temps maîtrisé, il va au bout, avec ses forces et ses faiblesses et ne baisse pas les bras. Et au fond, c’est tout à fait à la fin, quand Jodie Foster tient à mettre en exergue la façon dont nous assimilons les informations, les scandales, ou les tragédies relayés par les médias, au fil de quelques détails finement intégrés, que Money Monster parvient vraiment à faire mal. Quand elle oppose le cynisme tout-puissant à la morale. On pourra regretter qu’il n’ait pas fait preuve du même caractère frondeur tout du long, mais en l’état, on ne peut que saluer son courage.

@ Gilles Rolland

Money-Monster-Jack-Oconnell-George-Clooney
  Crédits photos : Sony Pictures Releasing France


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onrembobine 57561 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazines