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Quand Babelio rencontre L’âme des peuples

Par Samy20002000fr

En direct du salon Étonnants Voyageurs qui se déroule à Saint-Malo du 14 au 16 mai, nous avons posé quelques questions à Richard Werly, le directeur de la collection L’âme des peuples des éditions Nevicata. Son mot d’ordre ? Connaître les peuples pour mieux les comprendre. Fidèles compagnons de bourlingue à glisser dans la poche, ces petits ouvrages aux couleurs bigarrées n’ont pas fini de vous faire voyager.

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La collection L’âme des peuples fait partie de la maison Nevicata. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

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Nevicata est une maison basée à Bruxelles depuis 2011 et possède un catalogue spécialisé dans le voyage depuis sa création. Elle fait d’ailleurs partie de l’Union des Editeurs de Voyage Indépendants (l’UEVI) aux côtés de maisons comme Magellan, Ginkgo ou encore Transboréales. Si le voyage constitue le cœur de sa ligne éditoriale, Nevicata laisse une place importante aux récits portant plus précisément sur la montagne. Cette dimension fait partie intégrante de son fondateur, Paul-Erik Mondron, qui entretien une véritable passion pour les hauteurs. Nevicata c’est un peu la culture des sommets en quelque sorte.

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Plus globalement, le fondateur a très vite exprimé un fort intérêt pour la  non fiction dans son sens anglophone, à savoir les récits de voyage, les enquêtes au long-cours, souvent écrites par des journalistes. Le grand jeu de Peter Hopkirk, publié en 2011 chez Nevicata, illustre parfaitement la ligne éditoriale de la maison. L’ouvrage est celui d’un grand reporter qui retrace la lutte entre l’Empire britannique et la Russie qui a eu lieu au sujet des Indes. Je citerai également Africa de Richard Dowden, qui relate le parcours de son auteur sur le continent africain pendant trois décennies, de ses incidents à ses rencontres.

En termes de références, cette collection est pour moi la digne héritière de “Terre Humaine”, la collection des éditions Plon. Jean Malaurie, le fondateur et directeur de cette collection a d’ailleurs préfacé plusieurs ouvrages de chez Nevicata.

Plus précisément, comment est née L’âme des peuples ?
La devise de “L’âme des peuples” est  “Parce que pour connaître les peuples, il faut d’abord les comprendre” ; elle s’intègre donc parfaitement dans le projet de Nevicata. A cette dimension globale s’ajoute une double rencontre, qui fut directement à l’origine de la création de cette collection. A l’époque, j’étais correspondant du journal suisse Le Temps à Bruxelles et ce depuis six ans. Mon travail consistait à courir l’Europe afin de réaliser des reportages et des interviews. J’ai, par le biais de mon travail, rencontré Paul-Erik Mondron et ai été immédiatement séduit par son approche. Parallèlement à notre entrevue, j’ai également fait la rencontre d’un journaliste qui s’exprimait à propos de la Belgique en soulignant qu’il serait impossible de la réformer sans comprendre son peuple au préalable. Bien sûr, rien de révolutionnaire à cette déclaration : pour comprendre, il faut connaître. Cet article a cependant bénéficié d’une certaine résonance en Belgique au moment de sa parution et c’est à ce moment que j’ai eu envie de porter ma pierre à l’édifice : il fallait créer une maison qui permettrait de mieux comprendre les peuples afin de pouvoir éventuellement en gérer les crises.  

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D’un point de vue purement littéraire, “L’âme des peuples” est la fille de deux collections que je considère comme mythiques bien qu’elles n’existent plus aujourd’hui : “Petite planète” publiée au Seuil à partir de 1952 et dirigée par Chris Marker, ainsi que “Monde” des éditions Autrement. Fort de ces deux filiations, il fallait trouver comment entretenir leur démarche tout en apportant une nouvelle dimension. C’est alors que j’ai eu l’idée d’un petit livre en version française mais rédigé par des auteurs locaux. Une sorte de version originale française.

Comment sont organisés ces ouvrages ?

Nos auteurs  sont des intimes du pays qu’ils traitent, et nous leur faisons entièrement confiance. Nous avons fait le choix de publier des livres dans un petit format parce qu’aujourd’hui je crois que les gens lisent plus vite et surtout un peu partout. Pour ces différentes raisons, il m’a semblé évident de proposer des ouvrages faciles à transporter et surtout rapides à lire. Parallèlement à ce constat, je suis persuadé que le gros guide de voyage tel qu’il existe depuis longtemps est en train de mourir. Internet permet de trouver toutes les informations fournies par ce genre de guide très facilement et son accessibilité est quasiment inégalable. Je ne voulais donc pas proposer quelque chose de déjà existant. Attention, je n’ai jamais eu l’intention de remplacer ces guides de voyage mais simplement de les accompagner, de les compléter avec des récits axés sur la culture du pays. Pour tenir compte de toutes ces nouvelles variables, j’ai finalement opté pour des petits ouvrages à lire le temps d’un trajet.

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Du point de vue de leur construction, ces derniers sont divisés en deux parties. La première moitié est toujours rédigée par un auteur français qui livre un portrait de l’âme du pays, au travers de sa culture dans son sens le plus large. Ces auteurs ont forcément une forte affinité géographique avec les pays qu’ils présentent. L’autre moitié des livres laisse la parole à plusieurs grands intellectuels locaux, souvent universitaires, qui confient leur propre lecture de leur pays suivant 3 thèmes : l’histoire, essentielle à la compréhension d’une culture à mes yeux, la sociologie ou toute autre forme d’étude du monde contemporain et enfin un dernier angle qui varie en fonction du pays choisi. En effet, il est impossible d’aborder l’Iran sans parler des femmes ou encore la Grèce sans parler de la crise. La thématique de cette dernière partie est laissée au choix de l’auteur et elle est souvent l’objet de débats !

Quel a été votre parcours professionnel ? Pouvez-vous nous parler de votre rôle d’éditeur sur les publications ?

J’ai toujours eu un pied dans la politique internationale. J’ai d’abord été journaliste en France pour des journaux tels que La Croix, La Vie, Télérama, Libération puis par la suite en Suisse pour Le Temps. J’étais par ailleurs régulièrement envoyé comme correspondant à l’étranger et principalement en Asie. J’ai ainsi vécu entre autres à Bangkok, Hong Kong, Tokyo. Je n’ai bien sûr pas voyagé dans tous les pays que présente “L’âme des peuples”, mais disons que j’ai une bonne connaissance de ces derniers.

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En tant que directeur de collection, mon travail consiste avant tout à trouver des auteurs et à les accompagner dans la démarche de publication. J’ai, pour ce faire, trois manières de procéder même si dans le meilleur des mondes, les auteurs viennent directement vers moi avec un projet en tête. Et cela arrive ! Je peux également me tourner vers les journalistes correspondants de presse à l’étranger, même si ça n’est pas mon vivier de plume favori. En effet, les journalistes sont déjà ceux qui prennent la parole pour s’exprimer à propos de leur pays dans les journaux. En contrepartie, pour ce qui est de leur capacité à écrire vite ainsi qu’à vulgariser, ce sont les meilleurs. Il faut donc savoir se tourner vers eux de temps en temps. Enfin, j’en appelle assez régulièrement appel à des expatriés du monde académique, souvent des universitaires ou bien des hommes d’affaires culturelles, ce qu’il s’est passé notamment pour avec ouvrage sur le Brésil.

Comment choisissez-vous les pays qui vont figurer dans votre catalogue ?

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Mon catalogue se créé au gré de mes rencontres et cette dimension hasardeuse de ma démarche me semble importante. Bien sûr, il y a des pays auxquels on pense spontanément lorsque l’on prononce le mot “voyage” : la Chine, l’Europe, l’Inde etc.. Et puis il y a les autres pays, les destination de niche dont on entend plus rarement parler mais qui drainent derrière elles de véritables tribus de voyageurs. C’est par exemple le cas de l’Ethiopie, du Costa Rica ou du Nepal : ces destinations ne sont a priori pas grand public et c’est justement pour cela que nous avons un grand rôle à y jouer car ces pays ont une âme forte et passionnent des groupes de gens susceptibles de s’agrandir.

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Nous nous sommes rapidement tournés vers les villes ; Milan, Bruxelles, Vienne et Bordeaux pour le moment. De la même manière que les pays, les villes possèdent une âme propre et parfois plus qu’un pays entier et sont pour moi des bonnes façons de traiter de la réalité d’une nation. De plus, se concentrer sur l’histoire et la culture d’une ville permet de fournir du contenu différent de ce que l’on peut trouver dans la littérature d’un pays. Enfin, je crois que proposer des guides spécialisés dans les villes correspond peut-être un peu plus à la façon de voyager du touriste d’aujourd’hui. Nous avons par exemple beaucoup hésité à propos du Portugal, à faire un volume “Portugal” ou bien un volume “Lisbonne.” Nous avons finalement choisi Lisbonne, comme nous venons également de choisir Bruxelles pour ce qui est de la Belgique.

A qui exactement s’adresse votre catalogue ?

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“L’âme des peuples” ne s’adresse pas à un seul public spécifique. Au Salon du livre par exemple, nous avons vu des gens acheter nos livres sans avoir prévu de voyager. Il n’y a pas besoin d’avoir de connaissances préalables pour apprécier nos publications, la seule qualité à posséder est la curiosité ! Les gros avantages que présente notre collection sont la taille ainsi que le prix des livres : 96 pages pour 9 euros : à ce prix, on peut laisser parler sa curiosité sans culpabiliser !  

Plus concrètement, notre public est selon moi divisé en quatre catégories : les étudiants qui doivent travailler sur un pays, les touristes ayant prévu un voyage ou tout simplement les curieux qui fréquentent déjà les éditeurs de voyage sans avoir de destinations précises en tête. Il ne faut également pas sous estimer la clientèle de gens qui font des cadeaux, elle est plus importante qu’on le croit. Dans tous les cas, ces lecteurs sont tous des voyageurs, qu’ils soient réels ou potentiels.

La construction du livre dépend du pays choisi. Comment cela s’est-il passé pour Cuba, par exemple, où la censure est encore de mise ?

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J’essaye de donner à la collection une orientation moderne en choisissant de jeunes auteurs. J’avais trois possibilités concernant Cuba : me tourner vers le vieux cubanologue, consulter des universitaires latino-américains ou au contraire aller chercher un jeune auteur possédant un regard neuf sur son pays. J’ai rencontré une jeune journaliste amoureuse d’un cubain et réalisant de facto de multiples séjours là bas. Basée à Paris, j’ai pu la rencontrer sur sa demande. J’ai beaucoup aimé son approche du pays dont on n’entend que trop souvent des choses très sombres. Elle m’a proposé son projet que j’ai accepté, tout en discutant avec elle afin de veiller à ce qu’elle n’ait pas un regard trop biaisé par sa propre expérience du pays. Nous avons beaucoup travaillé pour finalement sortir l’ouvrage tel qu’il est vendu aujourd’hui. Ce qui est intéressant avec les jeunes, c’est qu’ils ne s’attachent pas aux mêmes aspects que les anciens.  Ils ont par ailleurs des manières d’écrire différentes. Je crois que l’âme d’un peuple passe aussi par les jeunes générations et c’est pourquoi j’aime pouvoir leur laisser la parole pour parler de chez eux.

La France est-elle au programme de L’âme des peuples ?

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Nous allons devoir le faire, c’est évident ! La France est un incontournable du tourisme et je tiens personnellement à publier un livre dessus. En revanche comment faire ? Le mystère est encore complet. Devons-nous choisir un jeune auteur ou bien un écrivain confirmé comme Jean d’Ormesson ? Nous sommes actuellement en cours de réflexion chez Nevicata, cela fait partie de nos projets en cours, mais je n’ai pas encore tranché sur l’approche à choisir. J’hésite encore. La difficulté est que nous serons beaucoup jugés par les lecteurs avec cette publication qui les concernera directement ! J’ai évité ce biais en commençant par publier des livres sur des villes comme Bordeaux, ce qui est un peu plus facile. Je suis actuellement en train de réfléchir à des auteurs connus qui auraient envie de parler de leur pays, comme Michel Houellebecq ou encore Virginie Despentes, même si je ne les connais pas directement et que je ne leur en ai encore jamais parlé !


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