Partager la publication "[Critique] THE NICE GUYS"
Titre original : The Nice Guys
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Shane Black
Distribution : Ryan Gosling, Russell Crowe, Angourie Rice, Margaret Qualley, Matt Bomer, Keith David, Kim Basinger, Ty Simpkins…
Genre : Comédie/Policier
Date de sortie : 15 mai 2016
Le Pitch :
Los Angeles, 1977. Une star du porno se tue dans un accident de voiture plutôt suspect. Deux détectives privés que tout oppose vont s’unir bon grès mal grès pour tenter de démêler le vrai du faux. Leurs méthodes pour le moins atypiques vont les mener au centre d’une conspiration impliquant plusieurs personnalités très haut placées…
La Critique :
En 1987, Shane Black accompagnait Arnold Schwarzenegger dans la jungle à la chasse au Predator, en lançant des vannes, avant de se faire dessouder par l’extraterrestre auquel le futur gouverneur allait faire sa fête. La même année sortait L’Arme Fatale. Un film écrit par Shane Black destiné à sublimer le concept du buddy movie déjà au centre du 48 Heures de Walter Hill. Quelques années plus tard, Shane Black faisait encore mouche grâce à sa plume si particulière, avec Le Dernier Samaritain. L’air de rien, le mec a redéfini les contours du divertissement à l’américaine, imposant un nouveau modèle qui allait faire un maximum d’émules. Souvent copié, jamais égalé, Shane Black incarne d’une certaine façon le cinéma yankee des années 80. Et tant pis si la recette à la base de ses scripts a fini par ne plus rapporter autant de dollars, comme ont pu l’illustrer les échecs de Last Action Hero ou d’Au Revoir à Jamais, qui marqua d’ailleurs le retrait temporaire de Black d’une industrie qui se cherchait de nouveaux repères. Et c’est en 2005 que le scénariste culte est revenu au turbin en sublimant sa propre formule, avec Kiss Kiss Bang Bang, qu’il mit lui-même en scène, tout en réhabilitant plus ou moins Robert Downey Jr., le futur Iron Man. Intouchable, considéré par beaucoup de cinéphiles ayant grandi avec ses répliques comme une sorte de génie, Shane Black s’est même payé le luxe de s’approprier un blockbuster aussi énorme qu’Iron Man 3, qu’il a écrit et mis en scène, offrant à Marvel l’un de ses chapitres les plus irrévérencieux et les plus réussis. Dommage que beaucoup de ces mêmes fans n’aient pas compris la démarche du cinéaste, qui, il est vrai, s’était permis de changer quelques éléments phares du comic book pour mieux imposer sa patte. Conspué par cette frange de geeks revanchards, Black a ainsi décidé -peut-être indirectement- d’aller dans leur sens et de revenir à ses premières amours en mettant en boite The Nice Guys, un policier pur jus, insolent et cool à souhait, dans la grande tradition de ses créations passées. Un long-métrage adulé plusieurs mois avant sa sortie qui a vu ceux qui n’ont eu de cesse d’accuser Black, Marvel, l’un ou l’autre ou les deux, pour avoir sabordé Iron Man 3, de changer leur fusil d’épaule pour affirmer que Black avait retrouvé sa liberté. Mais si il ne l’avait jamais perdue ? Et si Iron Man 3 était exactement comme il l’avait souhaité ? Car c’est manifestement le cas. Peu importe…
The Nice Guys prend pied à la fin des années 70, à Los Angeles. La ville fétiche de Shane Black, lui qui, en choisissant cette époque en particulier, semble vouloir livrer d’une certaine façon la parfaite illustration de ce qu’est un Shane Black’s Movie : un truc funky, violent, bourré de punchlines, rythmé et d’une certaine façon tendre (et produit par Joel Silver. C’est peut-être un détail pour vous mais pour nous ça veut dire beaucoup). À l’arrivée, le long-métrage colle parfaitement avec cette description et si il existe quelque part un dictionnaire du cinéma dans lequel se doit de figurer le nom de Black, The Nice Guys doit impérativement être cité comme l’exemple typique amené à illustrer son style. The Nice Guys qui table à fond sur tout ce que le scénariste a pu insuffler à L’Arme Fatale ou Le Dernier Samaritain. Tout y est et même plus, puisque nous sommes par dessus le marché dans les années 70, qui n’ont jamais cessé d’inspirer ses scénarios à Shane Black. La cerise sur le gâteau si vous voulez. Les 70’s d’ailleurs reconstituées avec une grande minutie et un soucis du cool permanent, notamment grâce à la photographie de toute beauté de Philippe Rousselot. On s’y croirait vraiment, l’immersion est impeccable, et au final, tout est fait pour que le spectateur se sente bien.
Alors oui, on pourra probablement reprocher à Shane Black d’avoir fait du Shane Black. Il n’y a pas de grande surprise. Une dizaine d’années après, le gars nous a fait une déclinaison de Kiss Kiss Bang Bang, avec Russell Crowe et Ryan Gosling en lieu et place de Val Kilmer et Robert Downey Jr. L’enquête qui occupe les personnages rappelle celle de Kiss Kiss Bang Bang, de même que la relation que les deux acteurs principaux entretiennent. Il faut dire que celle-ci s’appuie sur un archétype, certes poussé à son paroxysme par Black, mais néanmoins connu. Tout spécialement par les trentenaires ayant bâti leur cinéphilie sur les répartis cinglantes de Riggs et Murtaugh. Oui on se sent de suite bien, on trouve nos repères, mais non, le film ne fait jamais preuve d’une audace folle. Comme à l’accoutumée, l’enquête compte beaucoup moins que tout ce qu’il y a à côté et Black prend ses distances face à la violence, verbale ou graphique, qu’il traite de la même façon, entre le style des romans pulp américains et des trips filmiques des glorieuses 80’s. Pour autant, il serait carrément incompréhensible de se priver d’une tel plaisir. Autant reprocher à AC/DC de faire du AC/DC depuis 40 ans. Après avoir mis un bon coup de pied dans la fourmilière Marvel, Black a tenu à s’amuser et en bon copain, il a aussi pris soin de nous inclure pour nous en faire profiter.
The Nice Guys est un film immédiatement jubilatoire. On se marre très vite et souvent, les répliques font systématiquement mouche, et certaines touchent même à une forme de génie oublié. Hors du temps, le métrage nous transporte à une époque où le cinéma policier d’action savait ne pas se prendre la tête et se tourner vers son public. Hyper généreux, Shane Black a mis les bouchées doubles. Du côté du casting notamment, en dirigeant de vraies tronches, à commencer par Russell Crowe et Ryan Goslling. Le premier est génial en brute épaisse prête à casser les dents au premier venu. Mais il sait aussi être drôle et touchant. Le parfait héros « Blackien » par excellence. Le second pour sa part sort enfin de son trip taiseux et crève l’écran, dans la peau d’un détective doué mais un peu à la ramasse. Excellent de bout en bout, Ryan Gosling va à rebrousse poil de son image de beau gosse, sans se départir d’une classe à l’américaine flamboyante, en sublimant le moindre mot qui sort de sa bouche enflée par les coups de poing. Cela dit, la révélation de The Nice Guys s’avère être la jeune Angourie Rice. Comme dans Iron Man 3 (on retrouve d’ailleurs au casting le gamin, Ty Simpkins), Black a réservé un rôle de choix à la jeunesse. Et si il n’y a effectivement pas beaucoup de grosses surprises dans The Nice Guys, la place qu’occupe Angourie Rice et la façon dont elle se démène avec son personnage, avec maturité, légèreté et gravité mêlées, fait indéniablement partie des bonnes surprises. En fait, le film repose davantage sur un trio que sur un duo. Un trio perdu dans les méandres d’une ville-jungle, peuplée de créatures fantasques, entre stars du porno, mafieux et victimes en devenir. Il est aussi important de préciser qu’on retrouve ici Margaret « je suis la fille d’Andie McDowell » Qualley, qui en profite, après The Leftovers, pour nous rappeler qu’elle fera probablement partie de ces stars amenées à faire la pluie et le beau temps du cinéma américain dans les années à venir.
Captivant au possible, parfaitement calibré, et d’un cool à tomber à la renverse, The Nice Guys fait un peu figure de buddy movie ultime. Il nous rappelle que fut un temps, le cinéma américain pouvait produire des trucs comme ça à la chaîne, même si l’Histoire ne se souvient que des meilleurs. Des pellicules pleines de « fuck », de sang, de picole et d’allusions salaces, où rien n’était jamais vraiment pris au sérieux, dans un soucis d’envoyer du lourd et de détendre l’audience. En patron de la discipline, Shane Black a senti qu’il était temps, en 2016, d’en remettre une couche. Pour les vieux cons nostalgiques que nous sommes mais aussi pour les jeunes. Juste histoire de leur montrer comment on doit faire les choses quand on prétend faire ce genre de films. Sans se prendre le chou ou considérer les spectateurs comme des moutons, mais en s’appliquant à nous livrer sur un plateau d’argent une définition cohérente du cinéma d’action à l’américaine. Dans le bon sens du terme, toutes options, mention coup de boules dans les dents.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : EuropaCorp