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Epicerie centenaire et héros ordinaires

Par Liseron

De l’épicerie fine au hard-discounter en passant par la supérette, l’épicerie japonaise, la coopérative bio ou les étals du marché des petits producteurs locaux, la façon dont nous faisons nos courses alimentaires parmi cette offre pléthorique obéit à un état d’esprit et à un comportement bien différents. Il y a tout un monde entre le prêt-à-manger barquetté et saucissonné et les palettes odorantes et chromatiques qui nourrissent les fourneaux les plus créatifs. Si depuis les années 1980 les débats autour de l’assiette tiennent le haut du panier, comment le remplit-on ? Dis-moi comment tu fais tes courses, je te dirai qui tu es, ce dicton populaire s’applique plus que jamais aux consomma(c)teurs que nous sommes. Car derrière chaque mangeur se cache un consommateur, mais hélas il n’est pas toujours évident d’évaluer ce qui prime pour chacun(e) de nous.

Se nourrir est une nécessité, et il faut manger pour vivre et non vivre pour manger, enseigne-t-on aux bambins en culottes courtes dérobant leurs premières tartines mais rechignant à terminer la dernière cuillerée de soupe... L’explosion de la blogosphère culinaire à l’échelon national et international témoigne fortement de la dimension plaisir indissociable de la table, et à la nécessité heureuse et conviviale de renouveler ses attaches gastronomiques en cuisinant tant et plus. Malheureusement, des temps maussades règnent sur l’économie et le panier de la ménagère connaît lui aussi une sévère phase récessive.

Lors de nos étés estudiantins ma sœur et moi remplacions nos parents juillettistes derrière la caisse, dans les rayons, aux carnets de commande et, si l’activité d’épicière nous lassait parfois, de multiples aspects nous ont toujours interpellé. Depuis toutes gosses, nous adorions scruter avec minutie les caddies des clients de supermarché où, enfants, nous n’allions pourtant guère. Cet épisode constituait pour nos gobilles avides d’observation sur fond de néons un moment d’excitation suprême : untel achète des hectolitres d’eau minérale tandis que telle autre ne jure que par des semi-remorques de viennoiseries pré-mâchées. Ce tic atrocement indiscret mais si riche d’enseignement ne m’a pas quitté et si souvent j’en ris, parfois j’en tire des conclusions peu réjouissantes. Encore très éloignée des habitudes occidentales dominantes en matière de supermarchés, j’ai la possibilité (paradoxalement on dirait que c’est presque un privilège) de faire le marché deux, voire trois fois par semaine si je le peux. Cela tient à mon emploi du temps mais par-dessus tout à l’offre primeure de la Touraine, dont je ne me demande plus, depuis que j’y vis, pourquoi elle a engendré le génial Rabelais.

Mais si les villes et leurs centres grouillent de citadins friands de maraîchers charmants, à ce niveau-là les campagnes perdent parfois pied… Jeudi 19 juin à 18h40, ce jeudi donc, sera diffusé en direct un reportage sur France 3 édition région Bourgogne-Franche-Comté, tourné dans l’épicerie de village que gèrent mes parents. Son originalité tient dans un vieux concept de gestion : les clients qui le désirent deviennent sociétaires, c'est-à-dire qu’ils comptabilisent tous les mois un total de leurs achats, sur lequel ils touchent un dividende annuel. C’est comme dans les cartes Chance du Monopoly mais là c’est la vraie vie. Et cela fait donc 100 ans que le système perdure, bon an mal an. Bien sûr, ils rencontrent des difficultés, devant sans cesse faire face à la «concurrence» des groupes alimentaires, grands ou non d’ailleurs. Bien sûr, leur clientèle majoritairement composée de personnes âgées diminue inéluctablement, car les jeunes se tournent vers d’autres commerces jugeant leur offre trop onéreuse ou pas assez diversifiée ou carrément les deux. Mais là, le serpent se mord la queue, et il faut aussi remettre les pendules à l’heure : quand on va chez l’épicier du quartier, on ne demande pas des produits à prix dégriffés ni qu’il nous présente des promotions toute l’année.

Je ne connais évidemment pas la substance de ce reportage encore dans son oeuf, mais vous invite vivement à le visionner si vous le pouvez. La diffusion régionale limite le nombre des téléspectateurs mais le site de F3 permet de consulter les émissions de toutes les régions. Gastronaute, gastronome, food addict, citoyen de tous poils, j’attend vos commentaires, coups de gueule, coups de cœur quant aux petits commerces de bouche et aux effets de la grande distribution. Merci et je vous souhaite toujours un très bel appétit.

Des héros de la vie ordinaire : voici les informations disponibles sur le site pour le 19 juin sur France 3 Edition Régionale Bourgogne-Franche-Comté.

"Jeudi 19 juin à Vaux-lès-Saint-Claude (39360)
"Quand la petite épicerie s'accroche..."
 

Pensaient-ils en se réunissant et en créant ensemble une épicerie coopérative que 100 ans après, elle compterait encore une centaine d’actionnaires, tous du cru ? Pouvaient-ils imaginer que 100 ans après, on se battrait toujours pour faire vivre ce petit commerce contre vents et marées ? Eux, ce sont ces villageois visionnaires qui ont constitué en 1908 la Coopérative l’Union afin de doter Vaux les Saint Claude d’une épicerie, indispensable à la vie de la commune et dont chacun pourrait tirer des dividendes. Et en dépit des difficultés, le petit commerce en général et l’épicerie de Vaux en particulier ont peut-être de nouveaux atouts à jouer…"


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