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La smart city Montpellier cherche son second souffle

Publié le 18 mai 2016 par Pnordey @latelier

La fin de son partenariat historique avec IBM fait qu’aujourd’hui Montpellier vole de ses propres ailes. Forte des données collectées, elle propose une myriade de projets mais à quel prix ?

Une métropole mature et émancipée.” C’est par ces mots que Chantal Marion, vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole qualifie aujourd’hui Montpellier et sa cité intelligente. Car après 3 ans d’un contrat en Recherche & Développement avec le “faiseur” de smart city, IBM, Montpellier la Surdouée reprend le contrôle de ses données. Et de son destin ? Peut être bien quand on voit à quel point la ville selon IBM ou Cisco a désormais l’image d’une smart city “1ère génération”, désuète. Pire, on lui reproche parfois son manque d’indépendance comme nous l’expliquait récemment le chercheur américain Boyd Cohen, “la première génération de villes intelligentes s'appuyait sur l'expertise de grandes multinationales du domaine technologique qui imposaient clairement leurs concepts aux villes.

Pourtant, aux yeux de beaucoup, Montpellier est loin d’être considérée comme une ville intelligente dépassée. Si l’on se penche par exemple sur une étude de 2014 de la Commission en charge de l’industrie, de la recherche et de l’énergie du Parlement Européen, Montpellier est placée en haut du podium des smart city de France devant 18 autres villes. Et c'est ce qu'elle essaie désormais de démontrer - Montpellier sera la smart city à la française, mais pour cela, elle se lance dans une seconde phase de son développement. Plus applicative, avec plus de d'intégration des parties prenantes et la création de communauté par le biais de larges concept immobiliers intelligents, elle choisit désormais de s'ancrer de le concret.

Retrouvez l'intégralité de l'entretien avec Chantal Marion dans L'Atelier Numérique !

Les données stockées, terrain de jeu des startups montpelliéraines

Comme dans toute recherche technologique, il faut se dire à un moment donné qu’avec tout l’argent qui a été engagé, il est nécessaire qu’il en ressorte des outils que le citoyen pourra s’approprier” explique Chantal Marion. En effet, avec un investissement financier de près de 4 millions d’euros et une communication poussée sur la transformation de la ville, Montpellier se devait d’offrir à ses administrés des solutions “clé en main”. Mais pour que cela se concrètise, une ouverture des données récoltées depuis 5 ans par la ville et par IBM aux entreprises privées et aux startups était nécessaire. C’est à ce moment-là que l’idée d’un Challenge Big Data est apparue. Avec le soutien de l’Etat, Montpellier et IBM ont en effet donné accès à leurs plateformes big data afin de faire émerger des solutions web et mobiles au service du citoyen.

Présentation du Challenge Big Data proposé par la ville de Montpellier et IBM

Une intiative bien pensée au vu d'un terreau de startups montpelliéraines plus que fertile. En effet, chaque année ce sont 120 nouvelles entreprises qui sont créées sur le territoire, notamment avec le soutien de son incubateur, le Business Innovation Center, reconnu internationalement et le plus grand de France. C'est d'ailleurs ici que sont incubées certaines pépites s'étant démarquées par leur visée citoyenne et sociale lors du Challenge Big Data. C'est le cas notamment de Faciligo et Senior@home, toutes les deux s'attelant à offrir des services aux personnes diminuées par un handicap ou aux seniors.

Ainsi, quand le premier permet à son utilisateur de se faire accompagner dans les transports en échange de la prise en charge en partie du billet de l'accompagnant, le second s'attaque à la domotique et par le biais de sa solution Waterbrain détecte les anomalies de comportements des occupants de la maison pour alerter ses proches. Et si l'un pointe vers la mobilité, l'un des fers de lance de la stratégie de Montpellier depuis plusieurs années en matière de smart city, le second s'attelant au lieu de vie connecté est intéressant car à l'image de cette volonté de concrétisation - cette fois-ci par le développement de bâtiment intelligents, que Montpellier démontre plus récemment.

Retrouvez Faciligo et Senior@home en startup de la semaine sur L'Atelier Numérique !

Un focus sur les lieux de vie intelligents

Ainsi, deux projets immobiliers connectés ont été élaborés ces dernières années à Montpellier. Le premier, La Mantilla est un travail de longue haleine de 6 ans, inauguré l'année dernière et un investissement pour la ville de 35 millions d'euros. Retenu dans le cadre de l'appel à projet dit "Ecocité", celui-ci cherche a créer par le biais de bâtiments intelligents une véritable communauté sur le thème de l'éco-responsabilité. Ainsi, chauffage et climatisation s'appuient sur des technologies d'énergies renouvelables mises au point par l'entreprise E3D-Environnement et 1000 capteurs sont reliés aux habitations pour sensibiliser l'habitant.

Et ce, notamment, via un visiophone connecté couplé à une application permettant aux habitants de suivre leur consommation énergétique dans leur appartement. Selon Gilles Marchal, dirigeant de E3D-Environnement, "notre but via cet habitat participatif est de créer un lien social et un sentiment d'appartenance". Car tous les mois des résultats chiffrés et concrets de l'action collective et l'action individuelle entraînant une forme de gamification citoyenne. Enfin, il y a un aspect prévention en cas d'intempéries puisque les habitants sont alertés par la mairie lors d'inondations via un flux d'information et des messages lumineux s'affichant directement sur le visiophone.

Visuel d'un bâtiment connecté et écologique

Bâtiment connecté du quartier de La Mantilla à Montpellier

Le second projet immobilier, le quartier Eureka, devrait voir officiellement le jour en 2018 et fait écho au travail de Senior@home de maintien et suivi à domicile des personnes âgées puisque celui-ci s'attèle au "bien-veillir". 39 hectares vont être ainsi confié à la SERM (Société d'Equipement de la Région Montpelliéraine) à Castelnau-le-Lez, dans la périphérie de Montpellier avec au programme évidemment des logements adaptés mais également des services innovants, tels qu'un portrail de suivi des consommations énergétique, comme à La Mantilla, mais également un service de conciergerie 2.0. De plus, le quartier a également été pensé pour une population active mais toujours dau service des personnes âgées puisque un pôle tertaire dédié à la Silver Economy devrait y voir le jour pour développer de nouveaux services innovants.

Visuel du quartier Eureka

Le quartier Eureka, au service du "Bien-veillir" à Castelnau-le-Lez

L’humain et plus d’interconnexions, les manques à gagner

Malgré un tableau qui semble idyllique d’une cité intelligente qui renaît en quelque sorte de ses cendres en choisissant de s’écarter doucement de son partenaire historique (sans toutefois le rayer de la carte), quelques axes d’amélioration sont quand même à prévoir. Le premier se trouve dans la multiplication des initiatives individuelles privées et publiques qui sont redondantes ou mériterait de s’associer et qui pour le moment semblent éparses. Le projet Eureka a pour but de maintenir les personnes âgées à domicile. Ne pourrait-on pas envisager que la solution Waterbrain de Senior@home puisse y trouver aussi sa place ?

Le second élément, qui n’est pas des moindres, est que l’on sent que la communication entre la métropole et le citoyen est pour le moment plutôt “top-down”. Quand on pose la question d’une ouverture des données directement au citoyen Chantal Marion donne un élement de réponse : “Les startups et les entreprises, ce sont aussi des citoyens. On oublie souvent qu’un entrepreneur, c’est aussi quelqu’un qui paie des impôts et qui crée des emplois.” Toutefois, quand on constate que l'interphone connecté du projet de la Manilla permet la descente de l'information jusqu'au citoyen via des alertes en cas d'inondations, il pourrait être intéressant que celui-ci puisse directement communiquer avec le ville par ce biais.

Graphique montrant le principe du bottom-up
légende la bottom-up approach

Principe de communication "bottom-up" pour le succès d'une smartcity selon le Parlement européen

L'étude du Parlement européen citée au début de cet article rappelle en effet que l'un des facteurs primordiaux au succès d'une ville intelligente aujourd'hui est l'inclusion du citoyen et de la communication "bottom-up". De par son dynamisme, on ne doute pas que Montpellier qui se qualifie elle-même de laboratoire vivant saura démontrer dans les années à venir cette volonté de laisser plus de voix à son citoyen, étant donné qu'elle-même vient de la retrouver pleinement en s'écartant d'IBM.


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