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Et si on ne faisait rien ?

Publié le 18 mai 2016 par Chroom

Et si on ne faisait rien ?Parfois il est bon de prendre un peu de recul sur ce que l'on fait pour voir les choses de manière différente. Je ne résiste ainsi pas à la tentation de vous livrer quelques morceaux choisis faisant l'apologie de la paresse. Ils sont extraits de l'ouvrage de Michel Piquemal "Paroles de Paresse - Et si on ne faisait rien ?". Vous constaterez que certains de ces textes, même s'ils datent un peu, conservent encore tout leur sens aujourd'hui. La paresse est en effet sans aucun doute le meilleur antidote à la Rat Race.

Pourquoi le Travail serait-il une vertu naturelle et la Paresse un vice ? Pourquoi ne nous définirions-nous que par notre statut professionnel ? Qui a dit que l'homme était fait pour visser des boulons, pour classer des fiches, ou pianoter éternellement sur un clavier d'ordinateur ? .... Il est fait pour vivre ... et vivre inclut aussi bien l'inspiration que l'expiration, l'agir et le non-agir.

Si la paresse est devenue dans notre civilisation l'ennemie suprême, c'est parce que l'individu qui paresse ne produit ni ne consomme. Or notre société marchande ne nous reconnaît plus que ces deux tristes rôles " produire et consommer ", sans lesquels son équilibre est rompu. Selon la sacro-sainte morale de consommation, les loisirs même doivent être des loisirs actifs. Il faut faire du bricolage, du parapente, du jardinage, du footing ou du canyoning ... Faire et toujours faire, c'est-à-dire en clair acheter et consommer. Nous croyons être actifs, nous sommes activisés ... Jusqu'aux enfants de nos société modernes qui ne cessent de travailler : bachotage dès la maternelle pour les nantis de l'Occident et esclavage dans les mines et les fabriques pour les pays pudiquement appelés " en voie de développement " ...

Or à force d'être actifs et activisés, nous perdons contact avec les réalités essentielles. L'oisiveté que Thomas Hobbes appelait " la mère de la philosophie " est un temps nécessaire, un indispensable " lâcher prise " qui permet à l'homme de se recentrer. Il faut redécouvrir les délices de la paresse qui est sans aucun doute le meilleur médicament contre le stress fébrile de la vie moderne.

Michel Piquemal

Ne pas dire un mot de toute la journée, ne pas lire le journal, ne pas entendre la radio, ne pas écouter de commérages, s'abandonner absolument, complètement à la paresse, être absolument, complètement indifférent au sort du monde, c'est la plus belle médecine qu'on puisse s'administrer.

Henry Miller

Il est un temps pour aller à la pêche et un temps pour faire sécher les filets.

Proverbe chinois

L'essentiel de la civilisation c'est le travail, le Travail avec un grand T, le nouveau Dieu. C'est la pire invention, c'est la grande aliénation de l'homme, la parfaite mystification.

L'animal naturellement ne travaille pas. Tout animal, oiseau ou poisson, possède son domaine propre, un lopin d'air, un arpent de sol, où il chasse et pêche de plein droit. Pendant des millions d'années, l'homme n'a pas plus travaillé que le condor, la gazelle ou le rhinocéros. C'était le paradis terrestre.

Joseph Delteil

Une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis des siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l'amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu'à l'épuisement des forces vitales de l'individu et de sa progéniture.
(...)
Notre époque est, dit-on, le siècle du travail ; il est en effet le siècle de la douleur, de la misère et de la corruption.
(...)
Si, déracinant de son coeur le vice qui la domine et avilit sa nature, la classe ouvrière se levait dans sa force terrible, non pour réclamer les Droits de l'homme, qui ne sont que les droits de l'exploitation capitaliste, non pour réclamer le Droit au travail, qui n'est que le droit à la misère, mais pour forger une loi d'airain, défendant à tout homme de travailler plus de trois heures par jour, la Terre, la vieille Terre, frémissant d'allégresse, sentirait bondir en elle un nouvel univers ...

Paul Lafargue

C'est l'histoire d'un homme d'affaires qui est en vacances en Inde. Sur la grève, il voit un pêcheur qui revient avec un poisson. Il admire sa prise et lui dit :
- C'est le bonheur. Tu retournes en chercher ?
Je vais avec toi. Il faut que tu m'expliques comment tu pêches.
- Retourner en chercher ! ... mais pour quoi faire ? demande le pêcheur.
- Mais parce que tu en auras plus, répond l'homme d'affaires.
- Mais pour quoi faire ?
- Parce que, quand tu en auras plus, tu en revendras.
- Mais pour quoi faire ?
- Parce que, quand tu l'auras vendu, tu auras de l'argent.
- Mais pour quoi faire ?
- Parce que tu pourras t'acheter un petit bateau.
- Mais pour quoi faire ?
- Eh bien, avec ton petit bateau, tu pourras avoir plus de poissons.
- Mais pour quoi faire ?
- Eh bien, tu pourras prendre des ouvriers.
- Mais pour quoi faire ?
- Ils travailleront avec toi.
- Mais pour quoi faire ?
- Tu deviendras riche.
- Mais pour quoi faire ?
- Tu pourras te reposer.
Le pêcheur lui dit alors :
- Mais c'est ce que je vais faire tout de suite.

Abbé Pierre

A quelle heure faut-il se lever ?

Nasr Eddin ne se lève pas tôt le matin, en règle générale ; de là des discussions à l'infini avec sa femme pour savoir qui sortira le baudet de l'étable.

Ses voisins au contraire, tous des paysans, sautent du lit au chant du coq, et ils ne voient pas d'un bon oeil ces manières de fainéant.

Un jour donc, l'un d'eux se rend à son champ à l'heure où le soleil perce juste à l'horizon, et trouve une pièce d'or sur son chemin. Le soir, tout heureux, il vient raconter sa bonne fortune à Nasr Eddin :

- Regarde comme cela m'a porté bonheur de me lever de grand matin ! Quand je pense qu'il y en a qui paressent au lit ... Si j'étais passé plus tard, jamais je n'aurais trouvé cette pièce : quelqu'un d'autre l'aurait ramassée avant moi.

- Mais qui te dit, objecte le Hodja, qu'elle n'était pas déjà là hier soir ?

- Si elle y avait été, je l'aurais vue en revenant hier.

D'ailleurs là n'est pas la question.

- O marcheur sans tête ! Toute la question est là, au contraire : celui qui a eu la malchance de la perdre s'était donc levé encore plus tôt que toi !

Nasr Eddin Hodja


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