David Rethgeber dans ses œuvres complètes et complètement délicieuses
L’Assiette existait déjà dans l’ancien monde. Aux fourneaux, la femme s’appelait Lulu, ce prénom qui semblait directement sorti d’un roman de Zola. Une femme, genre gouape parigote, qui nourrissait son monde, fidèle à l’image de la mère nourricière. Du plus petit margoulin jusqu’au Président de la République, qui venait s’y attabler régulièrement en toute simplicité, sans être pris 143 fois en photos, sans Facebook le lendemain matin. L’image et donc le voyeurisme n’étaient pas encore maitre du monde. Exigeante jusqu’au bout, fidèle à son savoir-faire et à sa cuisine, Lulu choisit elle-même son successeur pour qu’il perpétue le style et l’âme de la maison. Sur les rangs, un certain David Rethgeber.
Il arrivait avec l’atout Alain Ducasse en mains. Cautionné par le chef avec qui il avait travaillé pendant des années et pratiquement à tous les postes et dans tous les styles de restaurants, du Louis XV aux Lyonnais en passant par le Japon, et obtenant une étoile chez Benoit. Il avait côtoyé Le Squer époque Opéra, et démarré à Clermont-Ferrand, sa ville natale. Le candidat idéal ? Oui, répondit Lulu après un repas préparé par David, et voila Rethgeber propriétaire de l’Assiette, grâce d’ailleurs à un prêt personnel d’Alain Ducasse.
Ça tombait bien. L’homme ressentait le besoin d’avoir son restaurant après des années de bons et très loyaux services, ses goûts profonds allant plus vers une cuisine traditionnelle, familiale, de bistrot, après les grandes brigades des étoilés. En conservant l’esprit du lieu, il mit sa patte en cuisine, et tant mieux. Il connait la musique des pianos et sait comment être classique tout en assimilant parfaitement les techniques et les avancées de son époque. Sa carte reflète bien cet état d’esprit, par sa variété, son côté cuisine française assumée et surtout c’est une belle carte qui donne faim.
La preuve, en guise de bienvenue une assiette de jambon Pata Negra cuit et légèrement fumé, franchement délicieux. Le ton, le tempo, le style, la qualité, la générosité, sont déjà sur table avec une seule et simple assiette. La suite ne sera que multiples variations sur ce thème.
Superbe et généreuse Ballottine de volaille et salade de jeunes pousses.
Original et savoureux Oeuf mollet, comme avant pas « parfait », ni glaireux ni sous cuit, mais frémissant et coulant, chaud et beau, accompagné d’asperges vertes et d’un morceau d’anguille fumée remarquable. Un beau plat.
David Rethgeber connait autant son poisson que sa viande, les deux sur le bout des flammes.
Cuisson parfaite d’un Maigre rôti (quel beau mot), risotto d’asperges et écrevisses. Riche et plein de saveurs.
Côte de cochon (comme on en voit plus, ou peu), au sautoir et quelques légumes de saison pour équilibrer la bête. Pièce de maitre, bien grillotée, débordant de l’assiette et savoureuse, enrobée de son beau gras.
A bon auvergnat, son Saint-Nectaire. Le chef le fait venir d’un copain qui l’affine 12 mois. Il a raison. Jérôme Souchal, il s’appelle. A retenir en passant par Clermont-Ferrand.
Dessert mythique du chef, la Crème caramel au beurre salé. Présentée en pot en grés, elle est fidèle à sa réputation. Sublime, point.
David Rethgeber dans ses œuvres, ses œuvres complètes et complètement délicieuses. On est bien chez lui, on y mange bien, on a envie d’y rester, d’y revenir, dans cette belle salle de bistrot qui n’a pas pris une ride, avec ce service chaleureux et parfait, avec la jeune sommelière qui choisit de bonnes bouteilles ou des vins au verre à prix doux (de 6 € à 10 €), et au milieu de cette clientèle de gourmands. Une parenthèse de bonheur simple.
181, rue du Château75014 Paris
Tél : 01 43 22 64 86
www.restaurant-lassiette.com
M° : Mouton-Duvernet
Fermé lundi et mardi
Menu : 23 € (formule déjeuner)
35 € (3 plats)
Carte : 50 € environ