L’œuvre de Roland Topor, depuis longtemps épuisée, revient progressivement dans les rayonnages grâce aux Editions Wombat. Celles-ci viennent d’en publier deux nouveaux volumes que les amateurs devraient s’arracher. Le premier est un roman au titre trompeur : Joko fête son anniversaire (Wombat, 124 pages, 14 €). Trompeur car il ferait volontiers penser à un conte pour enfants, alors qu’il met en scène de mystérieux et puissants congressistes qui, dans une ville imaginaire, se font transporter à dos d’homme pour quelques pièces d’or par les ouvriers d’une citerne locale. A mi-chemin entre la dialectique du maître et de l’esclave et le discours sur la servitude volontaire, ce texte à l’épilogue sanglant réserve, comme souvent chez l’auteur, une belle part à l’absurde, à l’humour grinçant, au sexe. Il traite aussi, en filigrane, de la cruauté des rapports sociaux dans un monde fantasmé qui, in fine, ressemble furieusement au nôtre. A sa sortie, en 1969, ce livre fut couronné par le prix des Deux-Magots. Il fut ensuite porté au théâtre.
Ainsi, dans Le bébé de Monsieur Laurent, on cloue un nourrisson à une porte devant laquelle se succède une galerie de personnages bien moins choqués que curieux, dans une suite de très courtes scènes hilarantes. L’humour ultranoir de Topor dépasse ici celui de Jonathan Swift qui proposait, dans son pamphlet comique Modeste proposition pour empêcher les enfants pauvres d’être à la charge de leurs parents ou de leur pays et pour les rendre utiles au public (1729), de manger ces bébés à l’âge d’un an… Dans Fatidik et Opéra (« pièce écœurante en quinze reprises »), un couple s’enlace dans des ébats successifs et passionnés jusqu’au dernier tableau. Quant à la troisième pièce, Vinci avait raison, son intrigue purement scatologique traitée en parodie du théâtre boulevardier provoqua l’ire de la presse belge lorsqu’elle fut jouée pour la première fois à Bruxelles. Le livre inclut d’ailleurs un débat télévisé fictif dans lequel l’auteur, par jeu, devance les critiques les plus sévères et les plus conservateurs.