Cette 69è édition du festival de Cannes s'achève, tout comme notre triptyque Cannois, en bouclant deux semaines chargées où l'on aura pu admirer de nombreux échecs, quelques rares pépites et pas mal de médiocrité à l'instar d'un palmarès décevant.
Palme d'or
I, DANIEL BLAKE (Moi, Daniel Blake) réalisé par Ken LOACH
Grand Prix
JUSTE LA FIN DU MONDE réalisé par Xavier DOLAN
Prix de la mise en scène Ex-Aequo
Cristian MUNGIU pour BACALAUREAT (Baccalauréat)
Olivier ASSAYAS pour PERSONAL SHOPPER
Prix du scénario
Asghar FARHADI pour FORUSHANDE (Le Client)
Prix du Jury
AMERICAN HONEY réalisé par Andrea ARNOLD
Prix d'interprétation féminine
Jaclyn JOSE dans MA' ROSA réalisé par Brillante MENDOZA
Prix d'interprétation masculine
Shahab HOSSEINI dans FORUSHANDE (Le Client) réalisé par Asghar FARHADI
CAMÉRA D’OR
DIVINES réalisé par Houda BENYAMINA présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs
Copyright Le Pacte.Moi, Daniel BlakeJuste la fin du monde, Xavier Dolan, 2016 (CO) Grand Prix 8/10
L'ovni québécois retourne dans le Grand Théâtre Lumière pour recevoir le Grand Prix pour son dernier film Juste la fin du monde qui paraîtra le 21 septembre dans les salles françaises. Un film d'une grande justesse, peint dans une ambiance feutrée, vintage et caniculaire. Même avec un casting cinq étoiles, Xavier Dolan arrive à surprendre et à reconsidérer l'acteur magnifié comme jamais. Il aura fallu attendre une adaptation – une grande première pour ce prodige dont les anciens films étaient tous des scénarios originaux – pour voir éclore l'équilibre parfait de tous les éléments qui composent le film. La découverte d'un nouveau film de Xavier Dolan est toujours une expérience unique. Avec ce dernier long-métrage, il signe un passage à l'âge adulte encore plus prononcé qu'avec Mommy. D'une justesse implacable, les dialogues s'enchainent (très vite) dans ce huis clos frissonnant et chaque acteur trouve justement sa place dans cette cacophonie familiale. Marion Cotillard est très émouvante dans un rôle étrangement « malaisant » pour reprendre une expression québecoise, qui se détache des autres personnages – étant la seule à ne pas faire partir à proprement parler de la famille. Gaspard Ulliel dont la voix sentencieuse porte l'intégralité du film est remarquable tout comme une Léa Seydoux véritablement convaincante. Arrêtés par le temps, nous sortons de la séance scotchés, peut-être déçus. Déçu que le film se termine si vite, car ne traite-t-il pas principalement du temps qu'il nous reste à vivre ? Ce temps que nous avons passé devant le film fait notamment écho à la maturité précoce du réalisateur qui enchaine les films et aurait sans doute lui aussi, peur que le temps lui échappe.
Copyright Shayne Laverdière, courtesy of Sons of Manual . Juste la fin du monde
Swagger, Claude Debussy, 2016 (Acid) 5/10
Documentaire présenté à l'ACID, Swagger relate les expériences personnelles d'une dizaine de jeunes issus du collège Claude Debussy. Sans prétention, il arrive à émouvoir de par les différentes histoires qui nous sont racontées sans pour autant révolutionner le documentaire. Néanmoins, il a la particularité d'utiliser de nouveaux moyens de captation comme le drone qui cristallise parfaitement la banlieue et l'architecture hostile dans laquelle l'action se déroule ainsi que diverses méthodes de mise en scène permettant une certaine unification et créant un lien entre tous les protagonistes. Le procédé devient néanmoins vite répétitif même si les témoignages sont tous très riches émotionnellement.
American Honey, Andrea Arnold, 2016 (CO) Prix du Jury 6/10
Andrea Arnold est pour la troisième fois récompensé par le prix du jury à Cannes et nous offre – tout comme sa prestance lors de la remise des prix – une bouffée d'air frais dont Cannes avait grandement besoin cette année. L'émancipation du personnage principal est touchante, rafraichissante malgré l'inondation excessive des musiques qui tapissent le film trop régulièrement lui donnant un aspect vidéo-clip lassant. De belles images pour un beau portrait ; celui d'une femme warrior qui compte tout faire pour être heureuse dans une Amérique régressive.
Apnée, Jean-Christophe Meurisse, 2016 (Semaine de la critique) 7/10
Apnée est une comédie loufoque mettant en scène deux hommes et une femme voulant à tout prix se marier et vivre ensemble. Divisé en plusieurs tableaux, le film emprunte les codes du théâtre pour singulariser l'existence atypique de ces trois amants. En apnée dans le monde d'aujourd'hui, il leur est dur de se projeter à trois et d'envisager un futur concret. Habilement réalisé et merveilleusement bien interprété, Jean-Christophe Meurisse pioche dans différents aspects sociétaux français pour les détourner et les transformer en pièces comiques succulentes qui n'ont que pour but de critiquer, de se moquer et d'ironiser. Agréable surprise de la semaine de la critique, nous retrouvons Thomas Scimeca que nous avions découvert dans Voyage au Groenland àqui l'on prédit une grande carrière.
La fille inconnue, Jean-Luc et Pierre Dardenne, 2016 (CO) 7/10
Adèle Haenel interprète un jeune médecin généraliste qui se retrouve rongé par la culpabilité après ne pas avoir répondu lorsqu'une fille sonna à son cabinet. Cette jeune fille sera retrouvée morte le lendemain. Autour d'une intrigue à l'atmosphère bien marquée, les frères Dardenne réussissent à dépeindre un combat de déculpabilisation plein de sens. Là où la médecine peut soulager une indigestion ou un maux de tête, elle ne peut guère effacer les remords causés par ce rejet d'acceptation qui à l'échelle de notre société actuelle renvoie à divers conflits politiques. La force du film, à son apogée dans ce dernier long-métrage, est puisée dans une économie de mise en scène, toujours centrée sur l’héroïne que l'on suit dans son quotidien. Peu de moyens pour en dire beaucoup, La fille inconnue ronge le spectateur et le questionne dans son rapport avec « l'étranger » sans pour autant utiliser une seule fois le terme de « réfugié ». Dans une ère où le cinéma français se veut directement misérabiliste – jusqu'au scénario –, ce film tente de se détourner d'un concept larmoyant et directement agressif pour en dégager une force qui sort des tripes, de nos vécus et de nos consciences morales.
Mais aussi :
Divines, Houda Benyamina, 2016 (Quinzaine) Caméra d'Or 7/10
Le ghetto n'a jamais été aussi bien représenté que par Divines qui capte parfaitement l'univers rebelle et humain de ces jeunes qui tentent difficilement d'exister dans une société qui les rejette.
Pericle Il Nero, Stefano Mordini, 2016 (Un certain regard) 7/10
Petit produit brute plein de charme au cœur d'une histoire mafieuse touchante et osée.
Madame B, histoire d'une nord-coréenne, Jero Yun, 2016 (ACID) 6/10
L'histoire émouvante d'une drôle de dame dans une épopée altruiste qui ne laisse pas indifférent.
Willy 1er, Ludovic et Zoran Boukherma, Marielle Gautier, Hugo P. Thomas, 2016 (ACID) 7/10
Très drôle et joliment photographié, on adhère au personnage de Willy plein de charme et de naïveté.
Personal Shopper, Olivier Assayas, 2016 (CO) Prix de la mise en scène 5/10
Kristen Stewart est formidable dans ce film autant mystique que plat.
Toni Erdman, Maren Ade, 2016 (Compétition Officielle) 4/10
Maren Ade n'a sans doute pas pensé au spectateur lorsqu'elle a construit son film... Affreusement long et pourtant très touchant.
Mean Dreams, Nathan Morlando, 2016 (Quinzaine) 1/10
Sans réel intérêt, le film se loge dans une médiocrité consternante pleine de clichés et d'aberrations scénaristiques.
Julieta, Almodovar, 2016 (CO) 7/10
Un retour réussit, maitrisé avec une histoire juste qui dans la même veine que les frères Dardenne, questionne la destruction mentale d'une femme et ses répercutions chez autrui face à la culpabilité.
Ma vie de courgette, Claude Barras, 2016 (Quinzaine) 8/10
Petit bijoux d'animation et d'inventivité pour un conte moderne défait de tout clichés.
MATTHIEU EB.
" Grand merci à notre reporter Matthieu qui , parmi les starlettes, c'est fait une place au soleil afin de nous rapporter tous les détails du festival. Merci Matthieu , merci Ciné Panoramix."