Partager la publication "[Critique] WARCRAFT : LE COMMENCEMENT"
Titre original : Warcraft
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Duncan Jones
Distribution : Travis Fimmel, Toby Kebbell, Paula Patton, Ben Foster, Dominic Cooper, Ben Schnetzer, Clancy Brown, Robert Kazinsky…
Genre : Heroïc-Fantasy/Fantastique/Aventure/Action/Adaptation
Date de sortie : 25 mai 2016
Le Pitch :
Le monde des orcs se meurt. Afin d’assurer leur survie, ces redoutables guerriers décident de s’en remettre à un sorcier, qui parvient à ouvrir un portail vers le royaume d’Azeroth, dans l’espoir de le coloniser. La guerre gagne alors rapidement le monde des humains. Des humains qui luttent vaillamment, sans pouvoir empêcher les orcs de gagner du terrain. Cependant, parmi ces derniers, des voix commencent à s’élever pour condamner les décisions et le mode opératoire de leur leader. Une alliance entre les deux peuples est-elle possible ? Là est tout l’enjeu du conflit qui s’apprête à commencer…
La Critique :
Le but de Warcraft est simple : parvenir à toucher les 100 millions de joueurs de World of Warcraft à travers le monde et réussir à fédérer les néophytes. Le tout dans un grand élan qui, dans l’idéal, serait comparable à celui que souleva la trilogie du Seigneur des Anneaux, de Peter Jackson. Le Seigneur des Anneaux, d’ailleurs, on y revient toujours. Mais après tout, c’est là que tout à commencé. C’est là que Tolkien a donné naissance à un monde à part et avec lui, à toute une série de codes qui, encore aujourd’hui, servent de base à des récits ensuite exploités par la littérature, le cinéma, les jeux-vidéos ou même la musique. Quand on parle d’heroïc-fantasy, Tolkien et ses créations, sont partout. À commencer par Warcraft. Pas le film, le jeu, qui s’est largement appuyé sur Le Seigneur des Anneaux pour créer le terreau dans lequel allaient pousser les racines d’un univers amené à accueillir des millions de joueurs, toujours plus avides de découvrir les suites qui firent de cette franchise l’une des plus célèbres de l’Histoire. Adapter au cinéma Warcraft, pouvait donc sembler étrange et entraînait une seule question primordiale : le long-métrage avait-il la moindre chance de s’élever au niveau de son modèle sachant qu’il s’appuyait sur une œuvre vidéo-ludique elle-même largement inspirée de la même saga ? Une interrogation d’ailleurs au centre de toute la problématique concernant les adaptations de jeux-vidéos. Car après tout, pourquoi est-il si difficile de transposer un jeu au cinéma ? Pourquoi les purges se multiplient ? Il y a beaucoup de raisons et souvent, le script ou le réalisateur sont en cause. Mais au fond, c’est surtout ce problème-là qu’il faut souligner : quand le serpent se mord la queue, y a-t-il forcément quelque chose de bon à en tirer ? Resident Evil par exemple, découle de La Nuit des Morts-Vivants et des autres films de la trilogie de Romero. Les métrages ont bien essayé de s’en détacher mais maladroitement, ce qui en a fait des trucs difformes. Pareil pour Max Payne, qui aurait certes pu être plus réussi, si un vrai réalisateur avait pris les choses en main, mais qui devait forcément se heurter aux modèles qui ont rendu possible le jeu. Avec Warcraft : Le Commencement, c’est pareil. Malgré Duncan Jones, malgré les acteurs et malgré les millions de dollars, il était quasiment impossible qu’à l’arrivée, le film n’évoque pas de manière trop évidente Le Seigneur des Anneaux. Et fatalement, quand on se frotte à quelque chose d’aussi monumental, difficile d’imposer sa singularité…
Là est probablement le seul gros « défaut » de Warcraft. Avec ses orcs, ses humains, ses nains et ses elfes, impossible de ne pas faire la comparaison. Surtout quand le long-métrage cherche la faute, en prenant pied dans des environnements très proches de ceux que l’on peut voir dans la trilogie de Jackson. Les armures aussi sont similaires. Et tant pis si le scénario ne joue pas sur les mêmes ressorts car au fond, dès le départ, les jeux sont faits.
Restait donc à Duncan Jones, qui remplaça Sam Raimi à la réalisation, à ne pas se laisser démonter par la pression et à donner du corps à son adaptation, nageant à contre-courant d’une sorte de malédiction qui semble toucher le cinéma quand il s’attaque aux objets de culte des gamers.
Un metteur en scène pour la première fois confronté à la pression d’un blockbuster qui était programmé dès sa mise en route, pour initier une franchise.
Duncan Jones fait face. Il fonce dans le tas et prend à bras le corps une histoire qu’il a lui-même adaptée, en se donnant pour objectif d’enfin offrir aux fans le film qu’ils méritent et qui saura les venger de tous ces navets qui pendant trop longtemps ont sali au cinéma des hits du jeu-vidéo. Est-ce que le résultat est pour autant à la hauteur des espérances ? Globalement oui. Même si, encore une fois, difficile de ne pas régulièrement penser au Seigneur des Anneaux.
Warcraft débute son histoire en nous projetant dans le monde des orcs. Des créatures entièrement réalisées en images de synthèse, grâce à la motion capture qui, à l’écran, ont une présence et une prestance véritables. Impressionnantes, elles sont aussi charismatiques et parviennent à communiquer les émotions nécessaires à l’installation d’une empathie indispensable. Cela dit, les choses se compliquent dans les séquences d’affrontement, où le film atteint clairement ses limites, renouant, et non ce n’est pas une bonne nouvelle, avec ses origines vidéo-ludiques. En d’autres mots, on a souvent l’impression de se retrouver en face d’une cinématique issue du MMORPG, quand humains et orcs s’entrechoquent, alors qu’un sorcier haut perché fait pleuvoir sur les troupes des éclairs qui viennent paradoxalement appuyer le côté factice du show. Ainsi, les bastons n’ont jamais la même puissance et n’atteignent que très rarement le niveau de réalisme de celles des Deux Tours par exemple, dans lequel les orcs n’étaient au fond que des types super baraqués grimés. Rien ne vaut les effets en « dur ». Ici, Duncan Jones maîtrise la technologie mais celle-ci a ses limites. En particulier quand le réalisateur s’amuse à faire des clins d’œil au jeu, comme quand il survole le champs de bataille, mettant involontairement une distance entre le spectateur et ce qui se déroule à l’écran et accentuant le risque de voir les néophytes raccrocher et les fans du jeu se sentir frustrés.
En revanche, rien à dire du côté des architectures ou des costumes, tous bluffants la plupart du temps. Dans son ensemble, Warcraft, sur un plan visuel, fait le job. Il instaure un univers, sait rendre beaucoup de ses personnages attachants (le héros, incarné par Travis Fimmel, est impeccable et répond aux attentes) et évite majoritairement d’en faire des caisses, de tourner à vide et/ou de sombrer dans le ridicule.
Le fait de voir un véritable auteur et non un pur technicien s’attaquer à un tel projet, lui permet de s’élever. Suffisamment en tout cas pour parvenir à nous régaler de vrais morceaux de bravoure et à nous surprendre à deux ou trois reprises, quand l’histoire se paye le luxe d’aller à contre-courant. On imagine que le fils de David Bowie a dû batailler pour imposer ses idées et le long-métrage trahit malheureusement parfois une genèse difficile. Il y a un petit côté bancal qui fait que le souffle n’est jamais aussi puissant et éloquent qu’espéré, mais pour autant, jamais aussi anecdotique que redouté non plus.
Pris en étau entre ses références et ses ambitions, Warcraft se présente à nous tel un film potentiellement détestable pour les gamers et pour les autres. Il y a aura toujours des joueurs hardcore pour déplorer tel ou tel manque et beaucoup d’autres préfrontale revoir Le Hobbit. D’autres par contre, et c’est de ce côté que nous nous situons, sauront apprécier la nature sincère de la démarche de Duncan Jones. Un réalisateur méritant, qui a su fédérer ses acteurs et, compte tenu des circonstances, maîtriser un gigantesque barnum, d’un point de vue technique et narratif. Ils seront touchés par l’émotion visible dans les yeux de ce chef de clan déchiré et de cette héroïne incarnée par Paula Patton qui donne de l’épaisseur au projet.
Adapter ce genre de chose est complexe. Et si Warcraft aurait probablement pu être encore meilleur, il aurait pu être surtout largement plus mauvais. Les suites, si suites il y a, sauront peut-être affiner le propos, corriger les défauts, et confirmer les espoirs que porte en son sein ce luxueux premier chapitre.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Universal Pictures International France