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[Portrait d'innovateur] Jérémy Stoss adapte les codes du e-commerce au marché africain

Publié le 26 mai 2016 par Pnordey @latelier

Présentée lors de l’édition 2016 du MIT TR 35 France, Afrimarket, cofondée par Jérémy Stoss, permet à la diaspora africaine d’envoyer des fonds dédiés et à la classe moyenne locale d’accéder à un Amazon africain.

Un innovateur ?

Jérémy Stoss est tombé dans la marmite africaine à la fin de sa formation. Lors de sa dernière année en école de commerce à l’ESCP, son mémoire a porté sur les stratégies d’investissement chinoises en Afrique. “Ça m’a mené à faire des études de terrain sur place”, explique celui qui est ensuite resté sur le continent noir pendant près d’une décennie. “J’ai travaillé à la mission économique de l’ambassade de France en Namibie et puis en Afrique du Sud”, avant de rejoindre le secteur bancaire et le conseil en Afrique de l’Ouest. Après le Ghana, c’est en Côte d’Ivoire qu’il occupe son dernier emploi salarié, dans une filiale conseil du groupe Bolloré, avant de devenir entrepreneur.

C’est là qu’il rencontre Rania Belkahia et Aboubacar Silue, avec qui il lance Afrimarket. “On s’est bien entendu et on a eu envie de monter une entreprise pour répondre aux problématiques qu’on a observé sur place. C’est important de former une bonne équipe avant d’avoir la bonne idée, de trouver des personnes qui ont la même vision du travail.” La bonne idée, ils l’ont eu en se rendant compte de deux choses. D’une part que “les infrastructures de retail étaient faibles par rapport aux besoins de la classe moyenne émergente qui veut acheter des produits et se faire livrer” et d’autre part que la diaspora africaine payait cher pour envoyer des fonds au pays “avec le risque qu’ils soient mal alloués”. Leur société apporte une solution à ces deux difficultés.

Une innovation ?

Afrimarket est une marketplace destinée à l’Afrique sur laquelle il est possible d’acheter une large gamme de produit : du matériel de construction, des produits alimentaires, électroménagers, des animaux vivants…”. La spécificité de cet Amazon africain est qu’il s’adresse à deux types de clientèle. “On vend ces produits à la classe moyenne africaine”, une population majoritairement débancarisée qui paye via portefeuilles électroniques. “On ne leur propose même pas le paiement par carte bancaire”, confie Jérémy.

En Europe en revanche, les clients de la diaspora africaine pour lesquels est conçu le service, peuvent eux payer par carte, ainsi que par chèque ou en espèce dans l’une des 20 agences en France. “Au lieu d’envoyer de l’argent à leurs proches, cette clientèle peut choisir de leur donner directement accès à des produits sur place”. Les articles sont livrés en quatre jours, “partout dans les pays où on travaille, aussi bien dans les capitales que dans les zones reculées”.

L’entreprise a institutionnalisé le “cash-to-goods”, répandu de manière informelle : quand deux boutiques sur les deux continents appartiennent à une même famille, le client peut parfois payer en Europe et retirer le produit dans un pays africain, “avec toutes les problématiques que cela engendre sur la sécurité, les tarifications et autres”. 40 milliards d’euros sont envoyés tous les ans par la diaspora africaine en Afrique. “La demande est très forte et l’offre très faible”, confirme le jeune entrepreneur, “on voit quelques initiatives sur la partie cash-to-goods mais c’est très bien. On encourage la concurrence, il vaut mieux être plusieurs pour évangéliser un marché qu’être seul à payer ce coût-là”.

Quel impact sur l’homme et la société ?

Depuis deux ans, Afrimarket contribue au développement économique des pays où l’entreprise est présente de diverses manières. En “canalisant les dépenses dans le secteur formel” par exemple. En effet, la FinTech “référence exclusivement des marchands qui ont des employés, paient des impôts, des taxes…” Et les “fonds” envoyés le sont donc forcément à travers des produits achetés à des commerçants locaux dans le secteur formel, ce qui n’est pas toujours le cas par Western Union notamment. Afrimarket permet également à des populations défavorisées d’avoir accès à des médicaments grâce à leurs proches à l’étranger. Les ménages au budget limité qui doivent faire des choix ne voient pas toujours la santé comme une priorité “ou alors ils achètent des médicaments de contrefaçon moins chers mais dangereux”, explique Jérémy.

De même, grâce à la diaspora, “on a vu des villages obtenir des équipements pour la première fois comme un réfrigérateur par exemple”. En plus d’améliorer les infrastructures, “la solution Afrimarket permet aussi de recréer le lien avec sa famille. Prendre soin d’elle, faire attention à ses besoins, en achetant des produits utiles, est plus personnalisé que simplement envoyer de l’argent.” Depuis les débuts du projet, “il y a plus de 50 000 personnes en Afrique qui ont déjà reçu des produits de première nécessité via le service”.

Et à l’avenir ?

Aujourd’hui, Afrimarket c’est 50 salariés dont 35 dans 5 pays africains : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Bénin et le Togo. Jérémy Stoss et ses associés ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. “On est en train de finaliser une levée de fonds qui va nous permettre de nous développer au Mali, et puis ensuite peut-être au Burkina Faso.” L’ambition de s’étendre donc mais sans oublier de “se renforcer dans les pays dans lesquels [ ils sont ] déjà présents”.


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