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[Critique DVD] Tout en haut du monde – Un film d’animation stylisé

Par Neodandy @Mr_Esthete

Enfants adultes dessin anime 2016

Façonné par l’ombre et la lumière sans contours crayonnés, Tout en haut du monde s’anime d’une audace risquée, d’idées colorées et d’une originalité aux aspects artisanaux. Primé au Festival d’Annecy en Juin 2015 dans la catégorie « Prix du public« , sorti officiellement dans les cinémas en janvier 2016, le film d’animation cherche désormais une diffusion intime plus étendue et est attendu en DVD et Blu-Ray le 07 juin 2016. 

Bonus DVD / Blu-Ray : Deux suppléments inédits dévoilent les processus créatifs de Tout en haut du monde : 30 mn de making of et l’intégralité du film commenté par le réalisateur Rémi Chayé et les membres de l’équipe de réalisation.

Lente ascension émotionnelle.

« – Mais … Le Pôle Nord, c’est où ? – Tout en haut du monde.« , Dans la tête de l’héroïne de Sasha, la voix du grand-père, jamais revenu du Pôle Nord, résonne tout en incitant à retenter la conquête territoriale russe du point le plus élevé sur Terre capable de (dé)faire les héros.

Prix Tout en haut du monde

Tout en haut du monde se passe au XIXe siècle mais … Ses valeurs éducatives sont sans limites, pour petits et surtout pour les adultes.

La blondeur, le jeune âge ou l’origine aristocratique du protagoniste féminin constituent les seules comparaisons possibles entre les productions animées Disney et Tout en haut du monde : contre l’improbable et un systématique débordement d’émotions à chaque instant (Une histoire d’amour systématique, la rencontre d’amis pour la vie …) s’oppose simplement une aventure réalisable.

Concept tout en haut du monde DVD

Sur la question de la simplicité, l’oeuvre a nécessité de multiples étapes et ébauches avant d’être dans sa forme définitive.

Le parti-pris du long-métrage animé franco-danois, sa lenteur, s’explique par une quantité d’informations politiques ou nationales ancrées dans une époque sérieusement réaliste. Un tel choix, risqué, peut être félicité pour deux conséquences majeures liées entre elles. La première concerne le respect du spectateur, quelque soit son âge, attendu dans une réaction malicieuse. L’absence de frontières entre le Bien et le Mal, la disparition d’un personnage dessiné par ses intentions néfastes,  la volonté d’imaginer des personnages en pleine émancipation dans une société d’apparat masculine : ce sont autant d’éléments inhabituels par rapport aux références précitées. La seconde répercussion tient à l’animation : celle-ci devient un moyen esthétique attrayant en hommage à une écriture, dense, intéressante et réussie tout à fait comparable à une liste de références cinématographiques pleinement épuisée pour mettre en scène Tout en haut du monde.

Creation tout en haut du monde

Tout en haut du monde a le sérieux d’une odyssée et la beauté d’une poésie.

Inspiré par la bande dessinée francophone, Tout en haut du monde brille d’inventivité grâce à l’indépendance féminine d’un portrait principal : Sasha quitte une vie de cour pour une existence à courir, seule, sur la glace friable du Pôle Nord. Marginale fictive impensable dans une société patriarcale russe, le trait de caractère singularise l’enfant au sein d’un monde stable, installé, sûr de ses acquis.

La difficulté du scénario se résumé à son appropriation : l’impression finale et définitive se révèle au fil d’une attention de 77 mn. La séduction visuelle, elle, est instantanée.

Une oeuvre d’affichistes.

Blu ray Tout en haut du monde

La scène du Bal rappellera une référence cinématographique claire. Techniquement, elle fait partie des prouesses de Tout en haut du monde.

L’identité visuelle de Tout en haut du monde, en apparence simple, a supposé une recherche de cohérence pour traduire au mieux l’esprit et la lettre du XIXe siècle. L’aplat, un style discret relégué depuis quelques années décennies, définit le premier contact avec le tout public : sans contours, on l’aperçoit aujourd’hui dans certaines bandes dessinées, avec ses couleurs uniformes, elle s’affichait fièrement en grand format dans le monde de la publicité. Artistiquement, le résultat progression en adéquation au scénario : si les premières minutes s’avèrent abruptes voire tranchantes dans le confort ouaté et lumineux des salons Saint-Peterbourgeois, la fragilité glaciale ou la rudesse des personnages masculins finissent par aboutir à un point d’équilibre esthétique.

Film dessin anime francais 2016

L’ensemble des véhicules ou moyens de transport finissent par avoir un rendu quasi impressionniste. Trains et certains bateaux n’ont nécessité qu’un maximum de trois couleurs. Quant aux personnages, le code couleur est un jeu de lumières, de circonstances et détermine une personnalité.

Talentueusement, l’oeuvre réussit un défi minimaliste et économique : le mouvement mécanique des trains, la saturation des eaux gelées, la somptuosité urbaine de Saint-Pertersbourg concentrent notre attention sur un rendu cohérent et quasi impressionniste sans se soucier un seul instant des couleurs utilisés. Tout en haut du monde encourage une animation vive, couleurs et mouvements confondus, pour consacrer l’essentiel de son temps à un théâtre de personnages où chacun défend un enjeu. Face à l’écran, certaines minutes silencieuses pèsent malgré un certain dynamisme dans l’animation.

Blog Remi Chayé

Avoir opté pour des visages uniformes n’empêchent ni l’animation en 3D ni des expressions cohérentes.

4 Etoiles Test Honnête
En adoptant un format animé et s’inscrivant dans un style hautement coloré, Tout en haut du monde n’entreprend pas un chemin de simplicité : il s’efforce de simplifier, d’unifier et d’uniformiser des idées complexes. Image après image, le réalisateur Rémi Chayé et ses équipes mettent en scène le XIXe siècle, interrogent les adultes à propos d’une conquête vaine et transposent les plus jeunes dans une Russie à l’urbanisme exemplaire en pleine industrialisation. Parmi les sources créatives, L’Aventure de Madame Muir de J. L. Mankiewicz , la stature imposante d’Orson Welles dans Mr. Arkadin ou la filmographie de Luchiano Visconti comptent parmi les références les plus notables. Pour un public jeune, son défaut sera probablement sa densité de dialogues rattrapée par une accroche visuelle chaleureuse et devenue rare. Pour les adultes, Tout en haut du monde s’illustre en qualité d’exception. 

On a aimé : 

+ : Le long-métrage d’animation : un support esthétique idéal et non pas un choix de simplicité.

+ : Sasha : une héroïne indépendante et une aventurière possible.

+ : L’aplat : une décision artistique surprenante.

+ : De nombreuses références au monde du cinéma.

+ : Une écriture maline, détachée  de nombreux clichés et dédiée à narrer une aventure : il n’y a pas de réel méchant, aucun misérabilisme ne concerne les personnages, le coup de foudre ou la création d’une histoire amoureuse est écarte. 

On a détesté : 

– : Un rythme lent. (Les clefs de l’émotion arrivent quasi en toute fin du film.)

– : Énormément d’informations sont transmises dès le début du film.


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