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Restless

Par Aelezig

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Un film de Gus Van Sant (2011 - USA) avec Mia Wasikowska, Henry Hopper, Ryo Kase

Morbide + poétique = gothique.

L'histoire : Enoch a perdu ses parents dans un accident de voiture et a lui-même été dans le coma plusieurs mois. Depuis, il peine à retrouver le sens des réalités. Il converse d'ailleurs avec un ami imaginaire, Hiroshi, kamikaze japonais. Et s'incruste dans des enterrements, fasciné par la mort. C'est à cette occasion qu'il croise le chemin d'Annabelle. Qui est en phase terminale d'un cancer. Pas gai. Mais, amoureux, ensemble, ils vont magnifier les derniers jours de la jeune femme, défiant la mort et la peur en riant de tout et de rien.

Mon avis : Me voilà réconciliée avec GVS... dont je n'avais pas aimé les derniers films. On retrouve ici ce que j'aimais, son originalité, son cynisme léger et ironique, son art de conter une histoire, de nous présenter des personnages qu'on n'oubliera pas...

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Certains verront dans ce film un super mélo. Pensez-donc... un jeune couple d'amoureux, dont l'un est traumatisé par la mort de ses parents, et l'autre en stade terminal, c'est du lourd ! Avec GVS, il faut regarder au-delà des apparences. C'est un magnifique poème sur la mort. Une réflexion très intelligente et très sensible sur cette chose si naturelle, qu'on devrait tous avoir le courage de regarder en face, puisqu'elle viendra de toutes façons. Autant en rire, autant en jouer. Autant prendre un immense recul et profiter de chaque instant que la vie, ce miracle, nous offre. Dans le film, il n'est jamais question de religion, même si le thème de l'au-delà est évoqué avec Hiroshi, qu'Enoch qualifie de "fantôme". Mais plus tard, Enoch - qui a été "mort" pendant quelques minutes - crie de toutes ses forces : "Les fantômes n'existent pas ! Il n'y a rien, après. Rien !" Tout en nous laissant le champ ouvert à d'autres croyances... à travers le regard surpris d'Annabelle.

Cela m'a touchée, cette façon qu'ils ont de défier la mort en assistant à des enterrements, en parlant aux morts des cimetières, en jouant à être mort... alors même que la faucheuse attend Annabelle. J'ai appris à ne pas redouter la mort. C'est comme ça, chaque seconde qui passe nous en rapproche. Autant l'apprivoiser. J'aime me promener dans les cimetières. Ce n'est ni effrayant, ni morbide, c'est apaisant, c'est une communion avec le cosmos.

Bon OK, j'arrête. Vous allez me prendre pour une dingue (mais vous aurez raison). 

Les acteurs sont formidablement castés. Franchement on n'aurait pu imaginer mieux. La très délicate Mia, porcelaine pâle et fragile, sensible, joyeuse, lumineuse. Le sombre Henry Hopper (fils de), blondeur et traits parfaits, mais cette lueur de folie dans les yeux... J'adore !

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Le bémol : GVS nous présente une mort un peu trop idéale ; il est vrai qu'il pouvait difficilement faire autrement, le film serait devenu trop pathos. Mais Annabelle ne montre aucune souffrance ni fatigue ni altération physique. Donc, évidemment, pour sublimer la mort, c'est plus facile... Sans doute est-ce voulu par le réalisateur : c'est bel et bien un poème, une métaphore. D'ailleurs, il y a peu d'éléments qui nous rappellent le monde moderne ; ça pourrait se passer à n'importe quelle époque. Et de cette universalité, la romance sort elle aussi grandie, subtile et tragique. Comme l'intemporelle histoire de Roméo et Juliette.

La presse est enthousiaste, très. Certains disent qu'il s'agit là du plus beau film de GVS. Et paradoxalement, c'est pourtant le commentaire d'un journaliste qui n'a pas aimé que je choisis : "Tout juste y a-t-il là-dedans un principe narratif, exploité auparavant par GVS avec plus de brio, consistant à contempler le tragique à travers un étrange filtre adoucissant, utilisé avec une pudeur câline, comme pour communiquer les turpitudes baudelairiennes à tous les enfants de 7 à 77 ans" (Chronic'Art). Parce que, si ça ne l'a pas touché, ce qu'il en dit est parfaitement juste ! Sauf que, contrairement à ce qu'il semble croire, nous ne sommes pas dupes ; nous les voyons, les filtres, on n'avait pas besoin qu'il nous explique. Mais c'est ça qui est beau, cet équilibre hyper délicat entre pathos et poésie.

Le film n'a fait que 44.000 entrées ! Quel dommage ! Ceux qui l'ont vu, par contre, quel que soit le média (sans doute a-t-il vécu une deuxième vie en DVD, c'est ainsi que je l'ai découvert) sont pour l'immense majorité tout à fait séduits. 


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