Fin mai nous avons été conviés à la visite de la manufacture Michel Cluizel, des chocolats français d’exception. Direction la Haute-Normandie pour une journée découverte, visite des locaux, rencontre avec la famille Cluizel, dégustation et atelier. Un programme chargé et chocolaté en compagnie d’une team de choc(olat). Une grande première pour nous qui n’avions jamais réalisé un reportage autour de métier de la cuisine.
Les chocolats Michel Cluizel existent depuis 60 ans et sont le fruit d’un travail familial. Une belle histoire d’héritage où l’on se perd dans les prénoms de ces trois générations. Marc Cluizel c’est le grand-père, celui qui a décidé avec son épouse Marcelle de s’installer à Damville pour y faire des chocolats. Marc Cluizel c’est aussi le petit-fils qui a repris le flambeau avec ses soeurs Sylvie et Catherine. Le nom de cette entreprise familiale, Michel Cluizel, vient du père, celui qui a développé l’entreprise en faisant bâtir en 1971 l’usine de 1800m2 que nous avons visitée. Un micmac de prénoms qui témoigne l’importance de la famille dans cette aventure.
Lorsqu’il se présente à nous, Marc Cluizel (pas le grand-père, mais le fils de Michel) nous parle d’emblée de l’importance du goût et de sa volonté de pouvoir gérer chaque moment de la fabrication des chocolats. Ici, les seuls produits à entrer dans l’usine sont des matières première nobles et puis c’est tout. Si un chocolat doit être à la nougatine ou au spéculos, on fabriquera la nougatine et les spéculos. Et pas question d’utiliser des arômes ! Une bonne matière première est goûteuse naturellement. Un gage de qualité dont il nous parle les yeux brillants, un sourire immense sur les lèvres et un entrain des plus sincère.
Marc Cluizel est un passionné ça ne fait aucun doute. Un passionné catégorie bavard pouvant parler de chaque détail de la manufacture des heures entières. Durant la visite, Catherine, sa soeur, devait gentiment le stopper pour passer à autre chose et être dans les temps. Sans elle nous serions sans doute encore là-bas à parler fève de cacao. C’est d’ailleurs pour cette raison que Catherine accompagne parfois les visites menées par son frère. Lorsque le planning est serré il faut bien faire avancer les troupes. Surtout que cette journée était bien remplie. Nous avons commencé par revêtir une superbe charlotte et une blouse blanche nous donnant d’un coup d’un seul une allure à tomber ! Une fois le fou rire passé, nous sommes allés à la rencontre du chocolat en commençant par la fève de cacao.
Michel Cluizel fait parti des rares chocolatiers de France à torréfier les fèves de cacao dans son entreprise. Ce travail autour de la torréfaction est primordial pour Marc. Mettant en parallèle le vin et le chocolat, il a décidé de sélectionner les fèves en fonction de leur terroir. Pour cela, il a supprimé les intermédiaires entre les planteurs et sa manufacture. De cette façon, les prix ne sont pas soumis aux aléas de la bourse du cacao et la rémunération faite au planteur peut être ajustée dans un soucis de proposer des conditions de travail justes et honnêtes. Cette traçabilité lui permet de nommer ses chocolats en fonction du lieu de provenance des fèves. Qu’ils viennent de Mocaya au Mexique, de Los Anconès à Saint-Domingue, ou de Mangaro à Madagascar, les chocolats auront tous un goût vraiment unique. Après avoir fait la connaissance des machines à torréfier et avoir pu goûter le cacao liquide sorti tout juste de la machine (attention gros shoot amer pour les papilles) nous avons pu déguster la meilleure praline de l’univers. Ni plus ni moins. Fabriquée à l’ancienne à partir d’amandes entières et de sucre, cuites dans des chaudrons en cuivre puis broyées lentement sur des meules en granit, cette praline nous a simplement transporté Si la manufacture Michel Cluizel peut encore se permettre d’utiliser de telles machines c’est que des techniciens Géo Trouvetou sont sur place, réparant les anciennes et concevant les nouvelles qui permettront de créer des chocolats uniques. À partir de là, on doit bien avouer avoir un peu perdu les pédales face aux saveurs qui se présentaient à nous. Entre les coques de nougatine enrobées de chocolats, les gingembrettes (comme les orangettes mais avec du gingembre…une merveille) et autres petits délices sucrés on ne savait plus où donner de la tête.
C’est à ce moment que nous sommes arrivés sur la chaine de confection des mendiants. Sur un tapis roulant s’avancent des palais de chocolat encore fondus sur lesquels des ouvrières viennent poser à la main une amande grillée et sucrée, une noisette, une pistache et un petit bout d’orange confite. Ces femmes souriantes et concentrées nous ont laissé admirer leur coup de main. Quelques minutes nous a suffit pour comprendre toute la complexité d’un travail aussi répétitif. Pour éviter de malmener leur corps en effectuant chaque jour le même geste, elles changent régulièrement de poste. Entre les longues enfilades mécaniques, les ouvriers disant haut et fort que cette entreprise c’est la leur et le soin apporté à chaque détail, nous avons retrouvé un peu la même ambiance que chez Farrow and Ball. Un sentiment de proximité et de réel savoir faire artisanal.
Une fois la visite terminée, nous étions repus de chocolat et en retard pour le déjeuner mais ravis d’avoir eu un bel aperçu de cette entreprise. Au cours du repas, nous avons pu discuter avec Catherine qui nous a parlé de la force d’un patrimoine et de ses premiers pas au sein de l’usine familiale. Travailler aux côtés de son frère et sa soeur a été un réel choix qu’elle a pris tout juste âgée de vingt ans. Depuis ce moment, elle est responsable de la boutique du 201 rue Saint Honoré à Paris et invente très souvent des décors en chocolat et autres friandises. Mais, chaque vendredi, elle retourne en Haute Normandie pour retrouver l’usine et les questions de développement dont elle débat avec Marc et Sylvie. Ces retours aux sources sont importants pour envisager une beau développement. Aujourd’hui, les enfants de chacun se posent des questions quant à leur future implication dans l’entreprise familiale. Pour Catherine ce choix doit vraiment venir d’eux. Reprendre les rennes c’est aussi devoir se battre pour faire assoir sa légitimité et, même si elle ne changerait pour rien son parcours, elle peut comprendre que l’on puisse vouloir autre chose.
De retour à la manufacture, nous avons eu droit à un cours de cuisine pour apprendre à travailler différents produits de leur gamme Secret de Pro. Grué de cacao, mini gramme de chocolat ou poudre de cacao brut font partis de ces ingrédients que de nombreux chefs utilisent dans leur cuisine et que Marc et ses soeurs voulaient proposer au grand public. C’est vrai que, bien souvent, on fait attention à acheter de bons légumes, des graines de qualité mais on se contente d’un chocolat dessert des plus basiques pour nos pâtisseries. Certes le top du top a un prix mais la différence de goût est indéniable.
En terminant cette journée, nous avons eu l’impression d’avoir fait un tour dans un livre de Roald Dahl. Nos papilles étaient en ébullition et nos estomacs pleins. Une belle expérience qui nous donne envie d’en savoir plus sur les métiers liés à la cuisine, aller frapper à la porte d’un boulanger, d’un poissonnier et les suivre quelques heures. C’est tellement enrichissant pour nous, passionnant, et on espère pouvoir rendre cette richesse dans nos articles ! On vous embrasse, belle journée !