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Peter Robinson, Saison sèche

Par Argoul

Un été de grande sécheresse, l’un des trois lacs réservoirs du Yorkshire découvre le village enseveli depuis 1953. Un jeune garçon aventureux l’explore, cherchant le Talisman de son monde magique. Il grimpe sur un appentis au toit de schiste encore debout et puis… Voilà que le thriller commence.

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Cela fait 7 ans que l’inspecteur divisionnaire Banks est en poste à Eastvale. Sept ans de bonheur. Mais l’auteur se doit d’expliquer pourquoi un enquêteur si talentueux stagne au même poste dans une campagne perdue. Il fait donc s’abattre sur le pauvre inspecteur une série de revers qui permettra à son inventeur de le garder en place… Le Chef du poste a changé, l’amical Grinsthorpe a cédé la place à l’ambitieux Riddle. Banks a mouché l’incompétent lors d’une précédente enquête. Est-elle publiée en français ? Le côté dilettante de l’édition française pique ici ou là dans une œuvre, sans voir que le roman policier anglais fonctionne par série : le jeune policier s’affirme et devient inspecteur, le lecteur voit ses enfants grandir. C’est ce qui fait le charme des Grands Détectives 10/18 – mais Christian Bourgois a su donner à cette collection de vrais directeurs, pas une série d’amateurs comme Albin Michel.

Le gamin aventureux du village englouti sent le toit s’écrouler sous lui. Il s’effondre dans la fange, corps et bras plongés dans la boue visqueuse. Deux dalles de schiste qui glissent l’évitent de peu. Le cœur affolé d’y avoir échappé, le garçon s’extirpe de la terre, ses doigts agrippent quelque chose. Il s’agit d’une main humaine toute racornie !

Banks a été relégué depuis des mois à la paperasserie. Sa femme Sandra l’a quitté après 20 ans de mariage. Ses enfants sont grands, son fils Bryan réussit tout juste son diplôme et se lance dans le rock. Banks a dû déménager, il a trouvé à se réfugier dans une fermette du 18ème siècle à restaurer, à l’écart d’un village. Il vit en ours, se soûle la gueule et fume trop, il délaisse ses amis. Mais c’est lorsque le haineux Riddle lui confie l’enquête sur ce mort depuis 1953 au moins, qu’il se requinque. Rien de tel que le travail pour se réinvestir.

Plongée dans les profondeurs – tout le roman est dans le symbole. Profondeurs du village englouti, où il se passait de drôles de choses sous les apparences ; profondeurs de l’histoire entre 1940 et 1945 où Britanniques et Américains, mobilisés pour la même cause, fraternisaient à coup de whisky, de musique et de queue (dans cet ordre) ; profondeurs d’imagination d’un garçon de 13 ans qui fouille la réalité à la recherche du Mythe, sans bien faire la distinction entre les deux en cette ère vidéo ; profondeurs psychologiques d’Alan Banks, déstabilisé par son divorce, ses enfants émancipés et par sa carrière qui a pris l’eau ; profondeurs d’Annie Cabot, co-enquêtrice, major relégué dans un bled, ex-fille de hippies, yogi et végétarienne ; profondeurs de Jenny Fuller, psychologue amie de Banks, partie vivre le grand amour et enseigner en Californie, où son amant l’a délaissée pour des « pétasses blondasses » de 20 ans plus jeunes…

Nous avons donc un cadavre, une enquête qui frise la recherche historique, un auteur de romans policiers comme témoin et l’histoire personnelle de Banks comme support. Le tout se noue et se dénoue non sans rebondissements ! Le squelette trouvera son nom, l’assassin sera identifié et puni, ce qui permettra à l’auteur de dire toute l’horreur qu’il pense de certaines peines. Peter Robinson, auteur d’une vingtaine de thrillers, sait se renouveler. A vous donner envie d’aller passer l’été dans le Yorkshire pour se pénétrer des paysages tourmentés et des gens compliqués, taiseux de nature.

Peter Robinson, Saison sèche (In a dry season), 1999, Livre de Poche 2006, 544 pages


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