La bibliothèque d’un individu le définit souvent plus fidèlement que toutes les biographies. Elle révèle des faces cachées, met fin à des idées reçues, fait émerger des passions inattendues. Le scénariste et réalisateur, mais aussi écrivain et surtout dialoguiste d’élite qu’était Michel Audiard en offre un exemple frappant. Longtemps, l’intelligentsia le traita par le mépris, lui qui n’avait pour tout diplôme qu’un CAP de soudeur, qui affichait une réelle prédilection pour le cyclisme, qui collectionnait à l’écran les succès populaires et émaillait ses dialogues de cette langue de la rue, gouailleuse et imagée qu’il partageait avec ses héros, flics ou voyous, tout en maîtrisant avec un égal bonheur le langage bourgeois des financiers que l’on rencontrait dans Les Grandes familles.