L'exposition Mande actuellement à la Nonciature Bruxelles lors de ce CULTURES 2016, veut présenter côte à côte des oeuvres en bois, en bronze et en terre cuite du delta intérieur du Niger afin de montrer l'existence d'un style commun, Soninké, daté du 11ème au 18ème siècle.
Le propos est intelligent, servi par des oeuvres exceptionnelles, un article fouillé de Kristina Van Dyke sur les représentations des maladies dans la statuaire en terre cuite et celui, tout aussi érudit, de Bernard de Grunne sur la statuaire Soninké et Djenné-Djeno dans l'ouvrage accompagnant l'exposition.
Et cependant la raison cède le pas sous l'émotion... La démonstration très vite nous importe peu car c'est véritablement le sentiment de tragique qui nous envahit. C'est bien de cela dont il s'agit lorsqu'on juxtapose les figures du delta intérieur du Niger comme elles le sont ici : styles archaïque, pré-classique, classique... On a le sentiment de vivre l'inéluctable destin d'un peuple condamné à lutter contre de terribles maladies (variole, lèpre,écrouelles...) : une enchère du pathétique !
Pas de pustule spectaculaire sur cette statue masculine dont la tête repose entre les jambes, seules les côtes saillantes montrent sa maigreur et son affaiblissement et les quelques serpents présents sur ses jambes, posés de manière irréaliste, semblent vouloir symboliser un mal que rien n'arrêtera...
Résignation ou combat ? Que nous montrent ces statues ? On veut croire, à l'image de cette représentation de Soundiata Keïta, le fondateur de l'empire du Mali, qui, infirme, commence à se relever et à affronter les épreuves, que l'espoir fût là à un moment donné dans ce Mandé ancien.
Plus tard n'a-t-on pas nommé la belle ville de Djenné, la « bénédiction divine », l'albarka ; les survivants de Djenné-Djeno furent-ils ceux qui ont su combattre ce sort si funeste ?
Le titre est emprunté à la citation : "La beauté est un alliage humain de grâce accidentelle, de destin funeste et d'espoir". Michael Cunningham
Photos de l'auteure, juin 2016