Le fleuve des brumes de Valerio Varesi 4/5 (07-06-2015)
Le fleuve des brumes (320 pages) est paru le 12 mai 2016 dans la collection Agullo Noir des Editions Agullo (traduction : Sarah Amrani)
L’histoire (éditeur) :
Dans une vallée brumeuse du nord de l'Italie, la pluie tombe sans relâche, gonflant le Pô qui menace de sortir de son lit. Alors que les habitants surveillent avec inquiétude la montée des eaux, une énorme barge libérée de ses amarres dérive vers l'aval avant de disparaître dans le brouillard. Quand elle s'échoue des heures plus tard, Tonna, son pilote aguerri, est introuvable. Au même moment, le commissaire Soneri est appelé à l'hôpital de Parme pour enquêter sur l'apparent suicide d'un homme. Lorsqu'il découvre qu'il s'agit du frère du batelier disparu, et que tous deux ont servi ensemble dans la milice fasciste cinquante ans plus tôt, le
détective est convaincu qu'il y a un lien entre leur passé trouble et les événements présents. Mais Soneri se heurte au silence de ceux qui gagnent leur vie le long
du fleuve et n'ont pas enterré les vieilles rancoeurs. Les combats féroces entre chemises brunes et partisans à la fin de la guerre ont déchaîné des haines que le temps ne semble pas avoir apaisé, et tandis que les eaux baissent, la rivière commence à révéler ses secrets : de sombres histoires de brutalités, d'amères rivalités et de vengeances vieilles d'un demi-siècle...
Mon avis :
Nouvelle maison d’édition fraîchement arrivée il y a quelques semaines sur le marché du livre, Agullo (nom issu de sa directrice Nadège Agullo, co-fondatrice des éditions Mirobole) est une petite équipe de quatre passionnés : Nadège Agullo, Estelle Flory à l’éditorial (ancienne éditrice de littérature étrangère dans différentes maisons d’édition parisiennes), Sébastien Wespiser à la direction commerciale/librairies (ancien libraire parisien) et Sean Habig (ancien créateur d‘identité visuelles de grandes marques et à l’origine du concept graphique de Mirobole Editions). Cette nouvelle maison se démarque par son engagement et la volonté de publier essentiellement des auteurs d’ailleurs, des textes souvent différents (de ceux que proposent les autres maisons d’éditions), plus personnels, pointus et décalés. Bref, voilà donc une maison d’éditons à suivre de près si vous souhaitez faire de belles découvertes !
L’un des premiers textes à avoir vu le jour est Le fleuve des brumes de l’italien Valerio Varesi, auteur de 11 romans (portés par le même héros) dont ce fameux Fleuve des brumes, nominé au Gold Dagger Awaer en Grande Bretagne en 2003.
Le fleuve des brumes est de ces polars sombres étrangers qui vous entraînent plus dans un pays, une communauté, un lieu et un univers que dans une enquête. Oui, on a bien ici affaire à une investigation (classique) dont la disparitions simultanée de deux hommes (l’un retrouvé mort et l’autre resté introuvable) est le point de départ, mais on est davantage porté par l’écriture hypnotique, descriptive et très visuelles de Valerio Varesi et par l’Histoire qu’il dessine et qui sert finalement de ligne directrice à un enquêteur indolent, tenace et faible quand il est question de bonnes gastronomie italienne.
Le fleuve des brumes est un roman lent (les coups de théâtre et l’action ne rythment pas le récit) mais pourtant très prenant. Cette nonchalance dans la progression de l’histoire n’est absolument pas désagréable mais amplifie l’image, l’atmosphère et le portrait du commissaire Soneri. Tout semble ici bien sombre, humide, froid, endormi, brumeux, à l’image de ce Pô. Mais le fleuve peut se révéler tumultueux et dévastateur, comme les rancœurs, sous-entendus et non-dits d’une époque lointaine mais pas si révolue.
Alors oui, Le fleuve des brumes (comme ce titre lui va à merveille !) n’est pas de ces enquêtes qui se déroulent 100 à l’heure et dont vous vous sentez acteur. Ce beau et fort roman se déguste, Il laisse le lecteur (touché par la force évocatrice de la narration) s’imprégner totalement du décor.
Mais ne vous y trompez pas, entre les fouilles du côté de l’Histoire (chemises brunes et artisans communistes) et les découvertes de petits trafics qui habites le Pô, l’investigation avance néanmoins bien jusqu’au dernières page, révélations finales à la hauteur de ce bon polar !
Et parce qu’il s’agit d’une première publication de la part des Editions Agullo, un petit mot sur le livre-objet : la qualité du papier, la couverture d’une grande sobriété avec son bandeau surprenant (je vous laisse le soin de découvrir ce qu’il dévoile) font de cet ouvrage un aussi bon que beau livre.
Proche du travail des Editions Mirobole, Agullo devrait nous apporter de très bonnes surprises, des lectures de qualité venues d’ailleurs (Italie, Roumanie, Russie et Portugal, entre autres) qu’il faudra surveiller de près.