
Les conflits familiaux sont de plus en plus fréquents. En tout cas on ose en débattre alors que la rage était peut-être aussi forte autrefois, mais disons qu'elle était "contenue" ou "retenue". On a tant entendu la promesse de droit au bonheur que l'on pense qu'il suffit de s'aimer pour aplanir les angles. Pas du tout. Et quand un enfant devient un enjeu le conflit peut tourner au drame.
Il est présent tout au long du spectacle, symboliquement représenté par une petite chaise et parfois par une musique de berceuse. Il s'appelle Archimède et on peut dire qu'il exerce dans le conflit une poussée phénoménale.
Pierre et Anna sont séparés. Elle se sent trahie. Il se sent persécuté. Ils sont en guerre et pourtant ils doivent se mettre d’accord pour organiser la vie de leur enfant de trois ans.Le rappel à la loi ouvre le spectacle et bien entendu il faudra revenir sur le cadre à plusieurs reprises car la tentation de prendre le pouvoir est constante.
Une médiation familiale doit leur permettre de renouer un dialogue pacifique et de s’entendre. La médiation aboutira-t-elle alors que les deux médiatrices s’opposent, elles aussi, sur la manière dont elles doivent conduire le dialogue ?
La médiation familiale entre dans le code civil le 4 mars 2002. Les Juges aux Affaires Familiales, conscients des difficultés de certains parents à trouver des arrangements en ce qui concerne leurs enfants, proposent de plus en plus souvent ce type de démarche, afin de permettre aux protagonistes d’entrer dans un processus d’apaisement et permettre la résolution de conflits difficiles et parfois traumatisants pour les enfants.
Chloé Lambert a écrit à partir de son expérience personnelle et avec talent une pièce extrêmement bien ficelée qui réussit à être une oeuvre de fiction tout en ayant une valeur universelle.

Isabelle, la plus aguerrie, (Raphaëline Goupilleau) reformule avec bienveillance mais fermeté d'une voix apaisante.
Jeanne, l’assistante et fille d’Isabelle, (Ophélia Kolb) va progressivement jouer un rôle d eplus en plus déterminant.
Pierre, le père, (Julien Boisselier, qui est également metteur en scène) est, contrairement à ce que son prénom promet, une sorte de grand ado fragile, obsédé par les dinosaures, irresponsable et séducteur, maitrisant l'art de la rhétorique. Sa voix m'a fait penser à celle de Francis Huster dont il a toutes les qualités.
Anna, la mère (Chloé Lambert, également auteur, je le souligne) est a priori -mais le spectateur n'est pas dupe- plus sympathique. Ses névroses surgissent assez vite.

Les dialogues sont souvent très drôles. Le père se plaint d'être considéré comme un babysitter potentiel. La mère craint le suicide professionnel. La médiatrice aguerrie promet une bulle de liberté.
Ni juger, ni prendre parti ... mais parvenir à un accord, c'est il est vrai une promesse qui relève de l'utopie. On comprend à travers ce spectacle les limites mais aussi les voies possibles. Rire et émotion sont savamment dosés, autorisant la distraction sans nuire à la prise de conscience. S'amuser si intelligemment d'un sujet d'actualité aussi passionnel c'est suffisamment rare pour saluer ce travail chapeau bas.

La médiation de Chloé Lambert
Mise en scène de Julien Boisselier
Avec Julien Boisselier / Morgan Perez EREZ (du 14/06 au 03/07), Raphaëline Goupilleau, Chloé Lambert et Ophelia Kolb
Depuis le 8 janvier 2016 et jusqu'au 17 juillet 2016
Du mardi au samedi à 21h, dimanche 15h
Théâtre de Poche Montparnasse75, boulevard du Montparnasse, 75006 Paris01 45 44 50 21