La couverture ne cache rien. C'est l'histoire d'une jeune (mais oui elle l'est encore quoique la jeunesse soit relative) femme qui exprime son désir d'enfant à longueur de journée. Pleine de bonne volonté (on a envie d'écrire l'expression au pluriel) elle multiplie les actions (donc les rencontres) pour réaliser son voeu. Mais ça ne marche pas. Evidemment sinon le titre aurait été "3 mois".
On pourrait penser qu'il n'y a pas de suspense. et pourtant si, au moins sur la méthode qui fera ses preuves : la rencontre fortuite, l'amant régulier, l'ex-copain, la procréation médicale assistée, l'insémination à l'étranger ... le hasard, le destin ...
Ce roman n'est pas un vademecum écrit sous l'influence de Laurence Pernoud. Et si pour beaucoup de femmes J'attends un enfant (1956) fut une bible, on peut prédire que 89 mois le deviendra pour celles qui se désespère de voir tourner l'horloge biologique.
Jeanne, célibataire, vient de fêter ses 33 ans. Elle a toujours rêvé qu'elle se marierait et aurait beaucoup d'enfants. Sauf que le plan ne s'est pas vraiment déroulé comme prévu. Et si le mari potentiel est parti, le désir de bébé, lui, est toujours bien là. Viscéral. Omniprésent. Elle estime que ses ovaires arriveront à expiration dans 89 mois, alors Jeanne décide de mettre les bouchées double et faire un bébé toute seule...Caroline Michel a la plume affûtée. Elle tient le blog d'Ovary et a remporté le prix e-crire aufeminin en 2012. 89 mois est son premier roman.
Avant d'écrire cette fiction, elle a beaucoup réfléchi au schéma amoureux que l’on projette lorsque l’on est adolescent (rencontrer quelqu’un, s'émanciper des parents, vivre un peu puis se marier, faire des enfants) et à la confrontation au principe de réalité qui s’impose.
Désirer et avoir un enfant devrait être naturel mais les choses ne se passent pas comme on le souhaite, quand on le souhaite. La procréation médicale assistée représente un progrès mais la méthode ne marche pas à tous les coups, loin de là, sans compter qu'elle demeure réservée en France aux couples hétérosexuels.
Elle a raconté en interview avoir pris plaisir à lire les forums, à questionner les femmes, et à se renseigner pour construire ses personnages. Il en résulte une comédie douce-amère très vraisemblable mais qui ne verse pas dans le documentaire.
Son personnage semble parfois excessif et pourtant elle ne cesse de se remettre en question. Elle vit dangereusement. Elle fait l'amour sans préservatif ... évidemment sinon comment tomber enceinte naturellement, dit-elle p. 67. Mais quand elle va courir au Père-Lachaise elle ignore la tombe de Victor Noir. On n'est jamais trop informé(e).
Jeanne est féministe mais ne souhaite pas au fond d'elle-même faire un bébé toute seule. Ce sont les évènements (ou plutôt le manque) qui la pousse dans cette direction. Et le roman devient au fil des pages une réflexion sur le mode de vie des trentenaires et sur les absurdités auxquelles nous sommes confrontés.
Entre celles qui tombent enceintes sans le vouloir et celles qui n'y parviennent pas tous les ventres ne se semblent pas avoir le choix. (p. 182)
Humour, tendresse et légèreté sont les ingrédients de ce roman qui traite en fin de compte d'un sujet on ne peut plus sérieux.
89 mois, de Caroline Michel, Editions Préludes, en librairie depuis le 4 mai 2016