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Le bobo

Publié le 27 juin 2016 par Le Journal De Personne
Mon fils vient d'avoir 18 ans. Déjà !
Hé oui... ça va vite quand on ne compte pas... quand on raconte.
Il vient me voir pour avoir ma bénédiction et mon soutien, qui, croit-il, va lui faire le plus grand bien.
Il a juste son bac et n'a pas envie de se retrouver à la fac. Il croit déjà avoir la tête sur les épaules et une sainte horreur de tout ce qui n'est pas drôle. Il sait ce qu'il veut et il le veut tout de suite. Il veut devenir "Steward". Le métier de rêve... pour celui qui voudrait faire le tour du monde en huit jours... Ça vole haut et ça gagne bien sa vie.
Il voulait que j'appuie sa candidature auprès de quelqu'un de très haut placé dans AIR FRANCE ONE. C'est l'un des dirigeants de la compagnie. Mon fiston voulait un piston ! Tout simplement.
J'ai essayé de creuser parmi ses mobiles cachés et je n'ai pas eu de surprise en apprenant qu'il était amoureux d'une hôtesse... un petit caprice à deux : "s'envoyer en l'air"...
À chacun selon ses affections... j'ai dit oui... sans faire mine de réfléchir.
Il avait les larmes aux yeux, Icare, mon fils... il était aux anges de me voir presque aussi décidée que lui.
Tu ne le sais peut être pas, lui dis-je, mais il me suffit de passer un coup de fil... et ta candidature sera retenue... tu intègreras leurs rangs plus vite que prévu.
Mais, parce qu'il y a toujours un met sur la table sinon à quoi ça sert d'avoir une table ?
Mais... mais... Est-ce que tu sais au moins ce que c'est ? Ce que c'est qu'un Steward ?
Oui, m'a répondu mon fils ce héros... Et il a commencé à me le profiler, à me louer ses belles traversées, ses moyens et ses longs courriers, le peu de choses à faire à bord, les avantages des free shop et du trafic en tous genres : tabac, alcool, devises...
Je le reconnais il était bien renseigné. Disons "surmotivé" comme tous les émotifs.
Je lui ai dit ok... mais... Que tu le veuilles ou non, un Steward est un garçon de café.
À bords, à bâbords ou à tribords : ça reste un garçon de café.
Bien sûr qu'il n'y a pas de sot métier sauf si c'est un sot qui l'exerce.
Je n'ai rien contre mais il faut que tu le saches : tu as choisi d'être un larbin, d'être servile en croyant servir les autres, obligé de sourire, de dire "à votre service" à un animal qui te parle mal... et BOUM BOUM BADABOUM ! Je l'ai vu se décomposer.
Il m'a fait de la peine... mais Dieu ne m'a pas créée pour que je me soumette à n'importe quelle monture sous prétexte que c'est celle de ma progéniture...
En revanche, lui dis-je, parce qu'il y a toujours un bémol, si par exemple tu avais un doctorat de philosophie en poche, tu détacherais la fonction de l'organe, tu ne serais plus garçon de café mais quelqu'un qui joue à être garçon de café... mine de rien : ça change tout !
La corvée devient un passe-temps, un divertissement pour quelqu'un qui sait ce que c'est que s'orienter dans la pensée.
Je m'attendais aux pires injures : élitiste, idéaliste, café-philo-bobo...
Mais pas du tout... mon fils n'est pas un sot... il a bien avalé le morceau et s'est inscrit en classes préparatoires pour faire philo, comme quoi les chats ne font pas des chiens... sauf si on fait philo !

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