Partager la publication "[Critique] CONJURING 2 : LE CAS ENFIELD"
Titre original : The Conjuring 2 : The Enfield Poltergeist
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : James Wan
Distribution : Vera Farmiga, Patrick Wilson, Frances O’Connor, Madison Wolfe, Simon McBurney, Franka Potente, Steve Coulter…
Genre : Épouvante/Horreur/Suite
Date de sortie : 29 juin 2016
Le Pitch :
Lorraine et Ed Warren, les célèbres spécialistes en paranormal, sont dépêchés dans le nord de l’Angleterre, auprès d’une famille aux prises avec un poltergeist particulièrement retors. Un cas qui défraya en son temps la chronique et qui, encore aujourd’hui, est décrit comme la plus spectaculaire (et la plus documentée) affaire non élucidée ayant attrait avec le paranormal…
La Critique :
Un peu d’histoire : tout débute en 1977 dans la banlieue nord de Londres. Peggy Hodgson, qui élève seule ses quatre enfants, Janet, Margaret, Johnny et Billy, semble être la cible d’un esprit malveillant qui provoque dans le foyer des phénomènes dont les autorités, puis les médias qui s’empressent d’accourir, se font eux aussi les témoins. On recense plus d’un millier d’événements paranormaux dans la maison d’Enfield. Meubles qui se déplacent tout seul, jouets qui volent dans les airs, bruits et voix étranges… Rien ne semble vouloir calmer le poltergeist qui a pris pour cible la famille. La police, désemparée, fait alors appel à des médiums et autres spécialistes en la matière, dont certains n’hésitent pas à montrer du doigt Janet, la fille de 10 ans de Peggy Hodgson, sur laquelle les phénomènes semblent se focaliser. Le fait que la gamine soit un jour filmée en train de simuler va d’ailleurs dans le sens de ces théories. Pourtant, Janet elle-même affirme que le fantôme lui a ordonné de tenter de faire fuir les enquêteurs en leur faisant croire à un canular. Lorraine et Ed Warren, le célèbre couple, pour sa part, croit bel et bien que les Hodgson sont la proie d’un démon. Tout comme Maurice Grosse, un autre expert, quant à lui très attaché à Janet, qu’il souhaite sauver à tout prix. Quoi qu’il en soit, en 1979, tout s’arrête. La famille déménage, les années passent et ceux qui habitent aujourd’hui dans la maison n’ont jamais été dérangés par un esprit malveillant ou pas…
Dans Conjuring 2 : le Cas Enfield, les Warren restent longtemps auprès de Peggy et de ses enfants. Ils enquêtent sur le fantôme et aident même la famille dans ses tâches quotidiennes. Dans les faits, que l’on croit ou non à cette histoire, les Warren ne sont restés qu’une seule journée en Angleterre, avant de revenir aux États-Unis. Pour des raisons qui s’expliquent tout à fait, le film de James Wan a pris quelques libertés avec la réalité. Pour lui bien sûr, car comment pouvait-il en être autrement, pas de doute quant à la véracité du cas d’Enfield. C’est d’ailleurs particulièrement bien vu d’avoir choisi cette histoire, célèbre et documentée, qui permet au long-métrage d’à nouveau pouvoir apposer le sceau Histoire Vraie, comme le premier volet avant lui et toute une flopée de films d’épouvante à commencer par L’Exorciste, dont Conjuring ne cesse de se rapprocher sans même essayer de le cacher.
Cela dit, à l’instar du premier, Conjuring 2 ne débute pas par l’affaire d’Enfield mais par un autre cas qui va lui permettre d’introduire son récit et d’enjoliver à sa façon les « faits reels » qu’il entend relater. Annabelle, la poupée maléfique qui eut droit à son propre long-métrage servait d’introduction au premier épisode. Ici, c’est Amityville. On retrouve Lorraine et Ed Warren dans la célèbre maison aux fenêtres flippantes, aux prises avec un démon qui, on s’en doute, ne va pas les lâcher de sitôt. C’est plutôt malin mais au fond pas tant que ça étant donné que cette propension à adopter exactement la même structure, du moins dans la première partie, interdit toute surprise et laisse dans la bouche un petit goût mi-figue mi-raisin de déjà vu.
Conjuring premier du nom n’avait lui-même pas grand chose d’original, car toute sa dynamique s’inspirait des grands noms de l’épouvante. Pourtant, il fonctionnait à plein régime parce qu’il prenait son sujet au sérieux, soignait la forme et l’écriture et ne tablait jamais uniquement sur des sursauts et autres effets opportunistes. Là, c’est pareil, mais vu que c’est la deuxième fois, on évolue quand même en terrain connu. Quelque soit la nature des faits, la chanson a déjà été entendu : les Warren évoluent de leur côté, une famille est progressivement hantée, les Warren se posent des questions quant à leur métier qui ne va pas sans quelques risques, la famille n’en peut plus et cherche de l’aide, les Warren décident d’accepter et vont sur les lieux, les phénomènes s’aggravent, etc… Conjuring 2 ne cherche pas à révolutionner le genre. Une nouvelle fois, là ne semble pas être son but. Et puis il faut bien reconnaître que James Wan, l’un des maîtres de l’horreur les plus talentueux des années 2000/2010, n’a jamais vraiment brillé par sa capacité à raconter des choses audacieuses. Lui son truc, ce sont les ambiances et la peur qu’il peut instaurer avec les images. Excellent metteur en scène, il sait s’y prendre c’est indéniable, et préfère pour cela s’appuyer sur des valeurs sûres. À chaque fois, ses longs-métrages font de l’œil à d’autres, plus anciens, plutôt que de chercher à innover, tout en parvenant à s’imposer malgré tout d’eux-mêmes. Au fond, c’est plutôt fort, si on en juge les références de Wan.
Les amateurs chevronnés ne risquent bien évidemment pas de crier à la révolution. Ils devraient pas contre voir dans ce second chapitre la volonté de James Wan de renouveler son contrat de sobriété. Le cinéaste mesure ses effets et adopte une progression qui lui permet d’enchaîner quelques morceaux de bravoure pas piqués des vers, sans tomber dans l’excès. Certaines séquences s’avèrent alors très spectaculaires. Est-ce qu’elles font peur ? Oui, relativement, même si leur impact s’en trouvera amoindri si vous avez passé votre adolescence à ingurgiter tous les grands classiques du genre. Ce qui n’empêche pas de prendre du plaisir à suivre le combat des Warren contre le fantôme d’Enfield. L’environnement joue aussi beaucoup, tout comme la reconstitution une nouvelle fois minutieuse d’une époque qui prend vie grâce à de superbes décors, à une photographie sublime et à une bande-son parsemée de tubes, franchement enthousiasmante. Les acteurs, bien sûr, font le reste. Le duo Vera Farmiga/Patrick Wilson fonctionne à plein régime. Leur relation est à la fois intense et touchante, tandis que du côté de la famille touchée par la malédiction, tout le monde accomplit un boulot remarquable. En particulier la jeune Madison Wolfe, qui joue Janet, et dont la performance s’avère tétanisante et émouvante à plus d’un titre.
L’émotion est d’ailleurs au centre de tout. Assez bizarrement, alors que parfois il s’étire un peu en longueur et table sur des clichés un peu trop rabattus pour faire encore leur petit effet, Conjuring 2 gagne vraiment ses galons quand il mise sur l’émotion. Encore une fois, c’est étrange, mais la meilleure scène du film ne comprend aucun démon. Elle montre juste Patrick Wilson en train de jouer un morceau d’Elvis devant les enfants et leur mère. C’est tout. Une parenthèse poétique qui, en plus de permettre de souligner l’intensité de ce qui va suivre et de ce qui a précédé, démontre bien la nature lyrique et sensible d’un film qui est tout sauf un énième produit bouffé par le cynisme de producteurs désireux de s’en mettre plein les poches. Oui, Conjuring 2 est une suite motivée par l’argent, ça va de soi, mais non, James Wan ne s’est pas laissé corrompre. Si il est revenu, c’est justement pour éviter que l’univers qu’il avait mis en place avec le premier volet, ne devienne le réceptacle d’une horreur bon marché. Mission accomplie.
Non, Conjuring 2 n’est pas très original. Il est même un peu trop long. En revanche, il sait distiller quelques solides frissons et exploite avec une sensibilité à fleur de peau, sans avoir peur de verser totalement dans l’émotion pure et dure, des thématiques ayant trait à la famille et au couple. Du coup, ses personnages sont solides et le dénouement s’avère vraiment touchant. C’est là que Conjuring 2 gagne ses galons. Quand il enrobe ses effets horrifiques pour leur donner plus de substance, indiquant qu’au fond, c’est davantage à une tragédie familiale ou encore à un film sur le couple qu’on a affaire plutôt qu’à un unique film d’horreur. Peu importe que vous ayez peur ou non, mais il y a des chances que vous ressortiez de la salle avec la chair de poule, après avoir versé une petite larme.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Warner Bros. France