[Critique] LE BGG – LE BON GROS GÉANT
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Titre original : The BFG
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Steven Spielberg
Distribution : Ruby Barnhill, Mark Rylance, Rebecca Hall, Penelope Wilton, Bill Hader, Rafe Spall, Adam Godley…
Genre : Fantastique/Aventure/Adaptation
Date de sortie : 20 juillet 2016
Le Pitch :
La petite Sophie vit dans un orphelinat à Londres. La nuit, en général, elle ne dort pas beaucoup et préfère déambuler dans les couloirs de l’établissement et lire sous ses couvertures à la lueur d’une lampe torche. Un soir néanmoins, sa routine est perturbée par des bruits en provenance de la rue. C’est alors qu’elle fait la connaissance du BGG, un habitant du Pays des géants, qui s’empresse de l’enlever pour éviter qu’elle ne prévienne les autres humains que de telles créatures existent bel et bien. Une belle amitié ne tarde pas à naître entre le géant et Sophie. Pour autant, au Pays des géants, tous les habitants ne sont pas aussi bienveillants que le BGG…
La Critique :
Quelques mois à peine séparent Le Pont des Espions et Le BGG. Steven Spielberg n’a jamais pris pour habitude de se trop se reposer sur ses lauriers, préférant enchaîner les projets ambitieux mais dans le cas présent, il s’est surpassé. Quand on parle de Spielberg justement, difficile de cacher son enthousiasme. Bien que son cinéma ait engendré plusieurs candidats à la relève des plus convaincants car armés d’un solide savoir-faire et de la dose de candeur nécessaire, il reste l’un des maîtres absolus. Celui que l’on cite souvent comme référence, que ce soit dans le domaine du fantastique ou dans un registre plus sérieux. Le fantastique et le merveilleux d’ailleurs sont de retour chez Spielberg lui qui avait consacré ces dernières années à des films plus adultes, plus sombres, car ancrés dans une réalité historique. Avec Le BGG, le cinéaste adapte ainsi le célèbre auteur Roald Dahl, qui a déjà eu ce genre d’honneur avec Charlie et la Chocolaterie ou encore James et la Grosse Pêche, en s’appuyant sur un scénario de la regrettée Melissa Mathison, avec laquelle il avait déjà collaboré sur E.T..
À chaque sortie d’un nouveau Spielberg, la tendance pousse ses fans à établir des classements. À juger le film à l’aulne de ses précédents faits de gloire. Le BGG est-il du niveau d’E.T. ? Les ressemblances entre les deux productions encouragent-elles vraiment à une telle comparaison ? Le réalisateur a-t-il retrouvé la magie, après avoir évolué dans des univers beaucoup plus terre-à-terre ? Quand on débat à propos du maestro, tout est possible. Beaucoup considèrent par exemple Hook comme l’un de ses plus mauvais films mais les années ont conféré à ce dernier une patine qui a poussé beaucoup de ses détracteurs à revoir leur jugement, tandis que les nouvelles générations l’ont vite considéré comme un classique du genre. Et ce Bon Gros Géant alors ? Et bien malheureusement, force est de reconnaître qu’il y a peu de chances qu’il soit un jour reconnu comme l’un des meilleurs longs-métrages de Spielberg. Et pour cause : quelque soit le bout par lequel on le prend, il s’avère décevant à plus d’un titre…
Il était légitime d’attendre beaucoup (trop?) de ce BGG. Qu’on soit fan de Spielberg ou de Roald Dahl d’ailleurs, tant le mariage de l’univers de ces deux maestros ne pouvaient pas en toute logique déboucher sur quelque chose de fade. Les similitudes mentionnées plus haut avec les aventures d’E.T. faisant d’une certaine façon le reste. Le tout renforcé par la présence de Melissa Mathison, dont c’est donc le dernier scénario. Les trailers ayant fini de nous mettre l’eau à la bouche, en nous promettant un doux retour en enfance doublé d’une nouvelle histoire enchanteresse focalisée sur une amitié hors-norme. On se doutait que Spielberg allait forcément apporter sa touche, tout comme sa scénariste allait nécessairement épaissir le propos du livre, qui reste un ouvrage destiné aux enfants. Mais non… À l’arrivée, Le BGG n’est qu’un film pour les gamins. Une aventure charmante, mais très simpliste. Ce qui est loin d’être déshonorant entendons-nous bien, mais plutôt déconcertant de la part d’un artiste qui, toujours, a tenu à proposer plusieurs niveaux de lecture pour ne jamais livrer des spectacles unilatéraux, quelque soit le contexte de l’histoire qu’il entendait illustrer. Ici, le film est comme le bouquin. Le résultat est conforme, mais plutôt plat. Et comble du comble, pas toujours très beau…
Encore une fois, il convient de relativiser. Le BGG contient de vrais morceaux de bravoure. Après tout, on parle de Spielberg et pas du premier venu. Même en pilotage automatique, comme c’est un peu le cas ici, Spielberg reste Spielberg. C’est particulièrement visible dans la seconde moitié du film d’ailleurs, avec notamment l’attaque des géants, de loin le passage le plus virtuose. Mais il est compliqué de faire l’impasse sur une production design très inégale. Oui les effets-spéciaux sont parfaits, mais non, l’apparence des personnages n’est pas non plus magnifique, comme espérée. Le Bon Gros Géant lui-même, campé par Mark Rylance, n’est pas totalement convainquant, et c’est pire quand on s’intéresse à ses congénères. Leur monde ne démontrant pas d’une imagination débordante non plus. Pas de quoi crier au scandale bien sûr, mais vu qu’on cause d’un film de Steven Spielberg, on se doit de se montrer très exigeant.
Pour ce qui est de l’histoire, on le répète, celle-ci est très basique. Le film va plutôt vite. Pour ne pas ennuyer les plus jeunes, comme le ferait un livre pour enfants. L’introduction est très courte, on voit vite le géant, mais on s’aperçoit aussi de la minceur d’enjeux pas vraiment palpitants. Le BGG contient les principaux gimmicks du genre auquel il appartient. Spielberg applique à la lettre une recette qu’il a largement contribué à peaufiner, mais peine à l’élever ou encore à la renouveler. On ne sent pas ici un investissement particulier, tandis que se déroulent des péripéties à l’intensité moyenne et à l’intérêt inégal. Jamais le spectacle ne nous emporte très loin et jamais ou presque les intentions initiales ne se matérialisent à l’écran avec la force escomptée.
Le BGG est donc un gentil film avant tout destiné à nos charmantes têtes blondes. Le sous-propos est quasiment inexistant dans ce conte de fée aux relents de déjà-vu, même si les comédiens font le job (avec une mention pour la jeune surdouée Ruby Barnhill, qui rappelle que Spielberg est l’un des meilleurs quand il s’agit de diriger des enfants). Tout est très premier degré. Encore une fois, si à côté, le réalisateur avait fait preuve d’un peu plus d’audace et de lyrisme, cela n’aurait pas été un problème mais voilà… rien ne vient perturber une routine à laquelle nous sommes habitués. Si Le BGG avait été signé par n’importe qui d’autre, un peu plus d’indulgence aurait été la bienvenue, mais dans le cas présent, l’heure est à la déception. Au fil de sa carrière, Spielberg nous a souvent rappelé à quel point il était important de nourrir l’enfant qui habite chacun de nous à coups de larges dose de fantastique et de merveilleux. Avec cette aventure au pays des géants, il peine lui-même à se montrer convainquant. Comme si il avait un peu bâclé le boulot, avant de passer à autre chose d’autrement plus stimulant. Et ce qui s’annonçait potentiellement comme l’un des temps forts de l’année cinéma de n’être au final qu’un gentil divertissement plutôt anecdotique, qui aura bien du mal à rester dans les mémoires.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Metropolitan FilmExport