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Lettre ouverte à Monsieur le Président de la République : perte dramatique de culture technologique

Publié le 05 juillet 2016 par Halleyjc

Nous sommes enseignants et personnels à l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers et nous exprimons notre soutien à la lettre ouverte des anciens élèves de l’ENSAM à Monsieur le Président de la République.

En effet, les témoignages issus de l’industrie relatifs à l’évolution de la formation aux Arts et Métiers justifient leur inquiétude, que nous partageons. Au‐delà du fort potentiel des étudiants et de leur expertise scientifique démontrée, c’est la déconnexion de la formation avec les attentes du monde industriel qui s’amplifie avec la mise en place depuis septembre 2015 de la dernière réforme pédagogique qui consacre la disparition programmée de la confrontation au réel, socle de notre formation. Elle ne permettra plus la pleine expression de leurs talents et de leur passion.

Cette école constitue l’une des ossatures principales de la culture « d’ingénieurs » dont notre pays a tiré le plus grand profit et a le plus grand besoin pour l’avenir. École de la transmission des connaissances techniques mais aussi de la création et de l’amélioration de celles‐ci par la recherche technologique, elle assure une parfaite cohérence aujourd’hui menacée. Nous tenons fermement à la coexistence de corps enseignants de statuts divers, aptes à assumer leur complémentarité en associant la recherche scientifique et les expertises technologiques qui conduisent à l’innovation.

L’association de la recherche et du développement industriel est une spécificité de l’ENSAM qu’il convient de préserver et développer sur l’ensemble du territoire, ceci ne pouvant se faire qu’avec un fort appui du milieu économique local dont le maintien des représentants au sein du Conseil d’Administration de l’école est essentiel. Cet appui indispensable est menacé par le projet de nouveau décret proposé par notre ministère de tutelle. La crise qui nous secoue trouve également son origine au niveau de la gouvernance de l’établissement.

Le mandat du directeur général semble avoir été rapidement marqué par une forte défiance vis‐à‐vis de l’ensemble des personnels ; et la défiance est mauvaise conseillère. Elle s’est traduite par :

  • ‐ Une absence pour les enseignants dits non chercheurs de perspectives autres qu’une intégration dans les laboratoires ; environnement qui les prive du caractère fortement transversal de leur activité et brise leur capacité d’initiative créatrice ; ils y perdent leur identité et leurs perspectives de carrière ;
  • ‐ Une politique de centralisation qui gonfle l’effectif de la direction générale à presque 200 personnes, sans réduction notable des tâches et responsabilités des entités régionales ;   ‐ Une proportion forte de contrats précaires qui bouleverse le mode de management et limite les perspectives de carrière ; une politique de rémunérations opaque ;
  • ‐ Une gestion des personnels qui provoque interrogations et mal‐être… La communication démagogique autour des changements en cours a tout d’abord séduit le conseil d’administration mais il mesure aujourd’hui l’étendue du désastre, entendant les alertes du personnel et des partenaires sociaux, constatant une situation financière difficile et observant la mise en œuvre de la réforme pédagogique.

L’opposition justifiée du Conseil d’Administration est alors imputée par la gouvernance de l’école à d’autres facteurs, pour ne pas aborder les vrais problèmes, conduisant celle‐ci à faire évoluer le plus vite possible la composition de ce conseil, évitant ainsi toute remise en cause. Oui, nous comprenons la lettre ouverte des anciens élèves au Président de la République en :

‐ Demandant le maintien d’une représentation effective des campus régionaux au Conseil d’Administration de l’École ;

‐ Dénonçant la perte dramatique de culture technologique induite par les réformes à répétition des maquettes pédagogiques.

En évitant la précipitation sur ce dossier, en se donnant le temps d’un réel dialogue, nous espérons qu’une chance sera donnée à la préservation des équilibres indispensables à notre espace de formation. Nous voulons croire que l’industrie française pourra continuer à s’appuyer sur des ingénieurs formés à la technologie dans le grand espace de recherche et de développement en sciences et techniques de l’ingénieur que constitue l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre profond respect.

Pour les enseignants et personnels de l’ENSAM,

Jérôme GAVOIS
Représentant des enseignants au conseil d’Administration


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