Bonjour tout le monde !
J’ai, à mon grand regret, délaissé le blog depuis la fin du mois de mai, pour diverses raisons (nouveau boulot, nouvel appart, conversion en cours au végétarisme, quête de soi et d’identité, lectures passionnantes et j’en passe), mais me voilà de retour avec un article qui, je l’espère, vous plaira !
Vendredi dernier, j’ai participé à l’atelier « Tenkoku » de la Librairie Junku dans le 1er arrondissement de Paris. Tenkoku quésako me direz-vous ? Le tenkoku est une discipline japonaise qui concerne la création de sceau en pierre. Étant passionnée par tout ce qui touche aux arts traditionnels japonais, et ayant été initiée à la calligraphie cette année par ma professeur de japonais, j’ai tout de suite dit oui quand ma copine Eugènie du blog Cocoyuyu m’a proposé qu’on s’y rende ensemble (à ce sujet, il faudra que je fasse un jour un article sur la manière dont on s’est rencontrées avec la délicieuse Eugènie, c’est quand même une sacrée histoire dans laquelle le monde du blog a joué un rôle essentiel).
Les sceaux en pierre sont très importants au Japon puisqu’ils servent à signer les documents importants (en général, on a recours pour cet usage au inkan 印鑑 ou hanko 判子), ou des œuvres artistiques telles que calligraphies ou rouleaux peints. On utilisera alors un tenkoku 篆刻, un sceau plus grand.
L’atelier avait donc lieu à la célèbre Librairie Junku, au 18 rue des Pyramides, un repère de choix pour tous les passionnés du Japon ayant dépassé le stade critique de l’apprentissage des kanjis ou au contraire désireux de s’essayer à la lecture en japonais, cet inimitable combo-de-la-mort-qui-tue, tellement complexe et pourtant si fascinant, composé par l’association des hiragana, katakana et kanjis. Pour ma part, depuis mon retour du Japon c’était la première fois que je posais les pieds dans cet antre pourtant sacré dont le nom est répété sur les lèvres des initiés comme la formule d’un sort incantatoire. En plus, ayant travaillé pendant cinq mois rue Saint-Anne, on peut dire que je n’ai vraiment aucune excuse.
Bref, l’atelier avait donc lieu à la célèbre librairie Junku, par un vendredi de grande chaleur, dans le fond de la boutique. Nous étions huit participantes (il y avait un garçon mais j’estime qu’à sept filles on a le droit de remporter le « e » pour une fois), plutôt jeunes dans l’ensemble à l’exception d’une vénérable et très attachante vieille dame.
L’atelier commence par la sélection du caractère à graver : pour ma part, puisque bien sûr je suis une indécrottable tête-en-l’air, j’avais complètement oublié qu’Eugènie m’avait dit d’appeler l’atelier pour leur donner les kanjis que je voulais graver. La professeur de tenkoku, la calligraphe Miki Umeda-Kubo, n’avait donc que mon prénom en katakana, カミ-ユ (kamiyu), mais ne souhaitant pas faire de calligraphie en katakana, avait choisi un kanji pour moi. Il s’agissait d’un caractère signifiant hana (fleur) mais différent du très connu 花 : la prof avait choisi 華, qui peut se lire ka. Légère déception à ce moment donc, mais étant la seule responsable de mon propre oubli, je n’ai pas osé demandé qu’on me propose une calligraphie pour les caractères que j’avais choisi (avant d’oublier de les communiquer).
On choisit ensuite la pierre : des couleurs allant du gris anthracite au rouge carmin, des textures plus ou moins malléables, veineuses, cassantes… Je choisis une magnifique pierre gris cendré, puis la professeur japonaise nous montre comment la frotter contre du papier abrasif dont je ne connais pas la terminologie exacte. On installe ensuite la pierre dans un savant dispositif destiné à la maintenir immobile pour le reste des opérations, et on la recouvre de peinture rouge (obtenue en frottant de l’encre solide contre une pierre à encre mouillée).
C’est là que les choses se compliquent : après avoir scotché du papier carbone sur le seau, il s’agit de décalquer le caractère à l’envers sur la surface pas si grande que ça de la pierre. Une fois le travail terminé, je montre le résultat à la prof, et là c’est le drame, j’avais mal fixé le papier carbone, ça a bavé partout, on n’y voit rien, et comble de l’horreur : il y a un éclat dans un coin de la pierre. La prof essaie de poncer l’autre bout, avant de décider que cette pierre est inutilisable et de m’en donner une autre, d’un rouge aux teintes d’ocre du plus bel effet. Et là, c’est reparti pour un tour, je refais tout, mais cette fois, plus question pour moi d’utiliser le papier carbone, d’autant que la calligraphie du caractère que j’ai choisie est très épurée, des traits tout simples, pas de courbe, un ensemble symétrique : le dessiner à l’envers ne devrait donc pas poser de problème.
Une fois ce travail terminé, nous repassons au feutre noir le tracé des caractères, puis le vrai challenge commence : la gravure. On utilise des biseaux à embout fin pour graver dans la pierre tendre. Il s’agit d’un procédé d’une minutie rare, où le moindre dérapage un peu appuyé peut suffire à gâcher le tracé. Je me suis immergée dans la concentration et la précision requises par l’exercice, mettant de côté tous mes tracas passagers, l’esprit tourné seulement vers la pierre et le biseau, mes yeux suivant dans ses moindres tremblés la trajectoire timide du biseau.
À plusieurs reprises, j’ai montré mon travail à la professeur, et à plusieurs reprises il m’a fallu reprendre la courbe, l’épaisseur et la profondeur de certains passages, pour finalement obtenir un caractère quasi-enfantin, une figure tribale ou de cervidé, qui me fait penser au caractère d’une langue primitive ou à un totem.
Les autres productions étaient également très étonnantes et réussies, particulièrement celui d’Eugènie qui est vraiment parvenue à créer un ゆ (yu) d’une pureté absolue.
L’atelier s’est déroulé dans la bonne humeur et les rires, chacun apprenant des erreurs des autres et encourageant son voisin : une expérience que je renouvellerai avec plaisir et qui me donne envie de m’acheter le matériel pour réaliser d’autres sceaux à la maison. Si l’atelier Tenkoku vous tente aussi, vous pouvez contacter la Librairie Junku pour connaître leurs prochaines dates. À titre indicatif, l’atelier coûtait 28 € et la pierre seule 17 €.
E pour avoir un autre retour sur cette expérience, je vous conseille d’aller lire l’article d’Eugènie sur le même sujet