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NICE et la presse

Par Laporteplume
NICE et la presseDe plus en plus souvent, la carte de Presse devient la compagne surprenante de la kalachnikov. Aujourd'hui, elle l'est du camion fou. Une curieuse forme de complicité les rassemble qui a de quoi inquiéter et faire réfléchir le citoyen en mal de respect, le législateur en mal de projet de loi, pour une fois… utile voire nécessaire. Car… 
Dès les premières heures d’après la tragédie de Nice, les commentaires de télévisions dites « d’information en continu », même ceux des chaînes publiques sous perfusion de notre redevance, ont balancé à la France entière et au monde les nom, prénom, date et lieu de naissance, profession, dossier médico-psychologique et situation de famille du criminel. Pour couronner cette vomissure médiatique nauséabonde, est apparu son visage, en très gros plan qui, comme ceux des auteurs des précédents actes terroristes criminels, habite désormais notre quotidien. Pas un jour, pas un journal sans ce portrait accompagné de détails d’état-civil qui font de lui, désormais, notre familier, peut-être même notre… héros ! En quelques heures, nous avons été invités à connaître ses ascendants mieux même, parfois, que les nôtres, son origine géographique et sociale, ses descendants, ses goûts et passions, son comportement avec les amis, femmes en particulier, ses difficultés intimes, le tout analysé et expliqué par les prétendus « experts » de tout poil, tous annoncés comme plus compétents les uns que les autres, en procession, à la queue leu leu dans les studios, impatients d’y aller de leur promo particulière sous couvert d’aide à la compréhension de la situation offerte aux imbéciles que -pour eux- nous sommes. Rares sont les titulaires de carte dite « de Presse » qui semblent s’apercevoir qu’ils font d’un délinquant extrême un héros, d’un criminel un… exemple. Sans doute l’obligation de résultats financiers, et les exigences actionnaires de leur organe (ils sont presque tous propriété de banques et de grands industriels proches des pouvoirs), qu’il soit journal papier, voix de son maître radiophonique ou étrange lucarne, les aveugle-t-il au point de ne plus se rendre compte eux-mêmes de la portée de leurs propos, de l’impact de leurs images, des dégâts provoqués sur les esprits (pas seulement les plus faibles !) par leur attachement pathologique au sensationnel.  Certes la liberté de la presse est fondamentale et sacrée en démocratie (nombre de nos grands anciens se sont battus, sont morts, pour l’acquérir, puis la défendre et nous léguer ce précieux héritage), et nous devons tout faire pour la protéger, mais… sommes-nous encore en démocratieExhiber ainsi ces individus couverts de sang, c’est les rendre beaucoup plus présents dans notre vie quotidienne que des millions d’individus qui, en silence, créent, accompagnent, enseignent, font survivre sans cesse notre devise républicaine, qui connaissent le sens du mot LIBERTE, qui partagent l’action en faveur de l’EGALITE, qui invitent à avancer pas à pas -entre les obstacles élevés sur notre chemin de citoyens par les spéculateurs de toute nature- vers la FRATERNITE. Exhiber ainsi ces tueurs, ces vecteurs de souffrance, les présenter comme des vedettes d’un insupportable spectacle dont la haine est le personnage principal, montrer qu’ils sont enfin reconnus et qu’ils existent, c’est donner envie de se faire reconnaître ainsi comme vivants aux yeux du monde entier à toutes celles et tous ceux qui, produits par notre société de l’avoir plutôt que de l’être, se sentent oubliés, ignorés, rejetés, qui se sentent déjà morts avant même d’avoir vécu. C’est faire leur promotion. Il serait bon que, dans les écoles de journalisme (pour demain), dans les rédactions (pour aujourd’hui), on se souvienne qu’informer n’est pas synonyme de manipuler, que rapporter des faits n’est pas vendre des objets de consommation courante, qu’un peuple n’est pas un marché, qu’un journal n’est pas une poubelle ouverte accompagnée de commentaires destinés à faire croire que les ordures qu’elle contient sont… de l’or. Le comprendre, puis l’admettre, contribuerait sans doute à assainir une atmosphère devenue irrespirable.Partout la conscience et la vigilance citoyennes s’imposent chaque jour davantage. Là, peut-être, plus qu’ailleurs ! Salut et Fraternité. NICE et la presse

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