Les chercheurs de l’Université de Californie du Sud ont mis au point une machine algorithmique qui analyse la voix parlée des patients et qui est capable de détecter des critères significatifs de diagnostic de la dépression.
Une machine à décoder vos affects
Cette machine investigue vos inflexions vocales afin de mettre en évidence certaines modifications spectrales des voyelles, observées chez des personnes atteintes de troubles psychologiques et neurologiques. Ces altérations spectrales ne sont pas décelables durant les entretiens cliniques. Il ne s’agit pas pour autant de remplacer le médecin ou le psychologue par une nouvelle technologie mais bien d’apporter un élément objectif supplémentaire pour la pose du diagnostic. Cette machine à « décoder les affects » cachés dans les sons met donc en œuvre trois procédés : un processus de décodage de la voix parlé, une analyse des formants des voyelles et un procédé de calcul basé sur un algorithme qui synthétise les données.
Dépression : trop de mauvais diagnostics
En effet, une étude réalisée aux USA en 2009 sur 50 000 patients a mis en évidence que la moitié seulement avaient été bien diagnostiqués. Nombre de médecins généralistes ont tendance à sur-diagnostiquer les dépressions plutôt que de passer à côté de cas symptomatiquement complexes dont ils n’ont pas toujours l’expertise requise pour les déceler. De ce principe de précaution, il en résulte une surconsommation de médicaments anti dépresseurs souvent inutiles et dangereux pour la santé.
La voix monocorde du déprimé
Car la dépression est une maladie très hétérogène qui revêt différentes formes et causes. L’observation de ses symptômes parmi de multiples possibles est toujours un défi à relever pour le médecin généraliste qui doit en faire la synthèse pour établir un diagnostic psychiatrique fiable. Selon les chercheurs californiens, les altérations de l’expression parlée, souvent non décelables par une simple écoute, ont fait l’objet de nombreuses communications scientifiques. Ces études ont révélé que les patients déprimés ont un discours monocorde, une parole réduite et peu articulée, avec des temps de silence plus importants entre les phrases.
Le scanner de voyelles
L’une des principales spécificités de cette technologie est de « scanner » le discours global du patient puis de le réduire à une analyse spectrale des voyelles A, I et U ciblée sur les fréquences des deux premiers formants. En effet, on sait que chaque voyelle prononcée résonne sur des fréquences différentes en fonction des résonateurs mis en vibration. Ces résonateurs sont au nombre de trois, respectivement au niveau du pharynx, de la cavité buccale et de la cavité labiodentale. Par exemple, la voyelle A résonne dans le pharynx à une fréquence de 800 Hz (formant 1), dans la cavité buccale à une fréquence de 1800 Hz (formant 2) et monte jusqu’à 2400 Hz (formant 3).
Une technologie prometteuse
Elle a été testée sur un échantillon de 253 personnes en comparant les fréquences des formants des patients à celles dites « normales » et de référence émises par des individus ne souffrant pas de dépression. Les chercheurs souhaitent étudier son efficacité pour le diagnostic de la schizophrénie et de la maladie de Parkinson.
Philippe Barraqué, musicothérapeute, musicologue (Université Paris8)
- Source : IEEE Transactions on Affective Computing
- Pour aller plus loin : CD La voix qui guérit (3 tomes) www.planetevoix.net - Livre La voix qui guérit, éditions Jouvence
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