Cette histoire de mariage annulé pour défaut de virginité de l’épouse est assez intéressante et révélatrice.
Il semble que la plupart des mariages annulés par la justice de nos jours (80% ais-je ouï sur radio France ce matin) le soit pour mariage arrangé ou forcé ou pour bigamie (ce qui suffit à nous éclairer sur les populations concernées en principe). Une minorité l’est pour des causes diverses (infertilité, découverte d’une caractéristique de la personnalité du conjoint non connue ou dissimulée lors de la signature du contrat de mariage, comme un passé criminel ou une sexualité déviante).
Le mariage reste un contrat entre deux parties contractantes devant la loi. Pour rester sur le terrain profane...
Ce qui nous choque, au dela de l'aspect simplement juridique, nous occidentaux, est le motif d’annulation de ce contrat –la non virginité de la femme, mais non la rupture du dit contrat (pour mensonge sur une "qualité essentielle de l'épouse"). Ce motif nous parait scandaleux car il y a bien longtemps que la virginité de la future épouse n’est plus une condition siné qua non d’une union maritale entre deux occidentaux. Mais un Oriental ne raisonne pas comme nous et la virginité de sa future épouse est bien sur déterminante et engage son honneur…pratique d’allure médiévale ou barbare de ce coté de la Méditerranée, mais fondamentale de l’autre coté…
Finalement, ce qui est dérangeant dans cette affaire est l’irruption de la tradition musulmane, du droit musulman dans notre tradition, notre culture laïque occidentale.
L’Europe compte aujourd’hui plus de 50 millions de musulmans installés définitivement en terre chrétienne depuis une voire deux générations maximum, situation totalement inédite au regard de l’histoire de ce continent sur lequel le Sarrasin ou le Turc ont toujours constitués une menace. Il me parait illusoire de considérer que ces femmes et ces hommes, en si peu de temps, vont se transformer en occidentaux par une acculturation miraculeuse et sans douleur… Raisonnablement, ils demeurent des orientaux, vivant en occident, tant bien que mal et essayant de vivre leur culture orientale dans le cadre laïque de nos sociétés sécularisées.
Cette décision de justice apparaît donc fondée en droit –français/occidental, mais scandaleuse, inacceptable au regard de considérations morales/culturelles occidentales qui, à juste titre, considèrent que la sexualité ou la religion relèvent de la liberté de chacun(e).
Or, compte tenu de l’importance des flux migratoires européens en provenance de pays musulmans (qui s’apparentent parfois à une véritable substitution de populations), il faut sans doute s’attendre à une multiplication de ce genre de situations conflictuelles entre des valeurs juridiques et morales de ces deux civilisations antagonistes. Et s’il est probable qu’une partie de ces populations vont progressivement s’occidentaliser à notre contact, il me parait illusoire de penser que l’occident puisse rester lui-même et ne pas s’orientaliser.
Il suffit pour s’en convaincre de considérer le nombre d’endroits en europe ou s’appliquent de fait les lois ou la tradition musulmane (certaines banlieues de Seine saint denis ou de la région lyonnaise en France, le quartier de Mollenbek en Belgique, Hollande, Angleterre, etc).
Dans le même ordre d'idées, les cris éffarouchés des partis politiques de tous bords et des organisations bien-pensantes (Ni putes ni soumises, LDH, etc) me semblent relever d'une tartuferie stratosphérique. Les mêmes qui cautionnent voire encouragent ces flux migratoires -et donc l'implantation en europe de ces populations aux moeurs et coutumes étrangères depuis plus de trente ans- ne peuvent pas sérieusement s'indigner qu'elles puissent réclamer la prise en compte de leur culture d'origine dans notre code civilisationnel.
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«Je suis chaque jour plus convaincu qu'en ce moment nous assistons à un changement dans l'histoire dont l'ampleur égale celle de la chute de Rome, l'avènement de l'Islam ou la découverte des Amériques. Quand les peuples d’Asie et d’Afrique envahirent l’Europe, ce n’était pas de l’impérialisme ; lorsque l’Europe attaqua l’Asie et l’Afrique, ce fut de l’impérialisme. Cette notion nouvelle eut un double usage –pour nourrir le ressentiment d’un côté, la culpabilité de l’autre. L’Occident, certainement à cause de son héritage judéo-chrétien, a une longue tradition de culpabilité et d’auto flagellation. Impérialisme, sexisme, racisme sont autant de termes forgés par l’Occident, non pas du fait que l’Occident aurait inventé ce que nous avons en commun d’héritage humain, et peut-être animal, mais parce que, le premier, il les a identifiés, nommés, condamnés et combattus avec un succès relatif. (…)
Une approche frappante de l’approche contemporaine de cette guerre de quatorze siècles a été donnée le 8 octobre 2002, par le premier ministre français de l’époque, Jean-pierre Raffarin, dans son discours sur l’Irak à l’assemblée nationale. Evoquant devant les députés la figure de Saddam Hussein, il releva qu’un des personnages historiques favoris de Saddam Hussein était son compatriote Saladin, lui aussi originaire de la ville de Tikrit. Au cas ou les députés auraient ignoré qui était Saladin, Jean-pierre Raffarin tînt à préciser qu’il fut celui « qui défit les croisés et libéra Jérusalem ». Qu’un premier ministre catholique présente la prise de Jérusalem par Saladin comme une libération de la domination des croisés, français de surcroît pour la plupart, témoigne d’un cas extrême de nouvel alignement, sinon des loyautés, du moins des perceptions des choses. » (Bernard Lewis, L’Europe et l’Islam, Le débat, mai 2008, p.27)
Je rebondis sur l’article passionnant –et édifiant, de Bernard Lewis, érudit et islamologue renommé, paru dans Le débat de mai 2008. Lewis décrit, avec la hauteur et la profondeur qui lui sont habituels, les rapports complexes et mouvants entre ces deux grandes civilisations. Pour rappeler l’antagonisme constant qui les a concernées et pour évoquer cette troisième vague conquérante de l’Islam en Europe aujourd’hui, après une première vague dans le courant du VII ème siècle, après l’hégire, qui déferla sur tout le pourtour Méditerranéen, puis une deuxième, du XIIIème au XVIIème siècle (conquête de la Russie par les Mongols convertis à l’Islam, impérialisme Ottoman en Asie Mineure, chute de Constantinople en 1453, invasion des Balkans, siège de Vienne, barbaresque en Méditerranée jusqu’à Lépante en 1571).
« Où en est l’Europe ? Aura-t-elle de la chance une troisième fois ? Les musulmans ont en apparence des avantages : ferveur, conviction, ce qui, dans la plupart des pays occidentaux, soit manque, soit est de faible intensité. Ils sont assurés de la certitude de leur cause, là ou les Occidentaux, la plupart du temps, se dénigrent ou s’abaissent. Les musulmans déploient loyauté et discipline, mais l’élément qui joue le plus en leur faveur est la démographie. L’accroissement naturel et les mouvements migratoires entraînent de profondes modifications des populations : il se pourrait que dans un avenir envisageable des musulmans soient majoritaires dans quelques villes européennes, du moins sinon dans quelques pays. Sadiq al-Azm, philosophe syrien, fait remarquer que la question pendante est celle de savoir si c’est l’Europe qui sera islamisée ou l’islam qui s’européanisera. La formulation est pertinente, et grandes sont les conséquences de la réponse qui sera apportée. » (Idem, p.29)