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À Varsovie, un écosystème start-up en pleine expansion

Publié le 04 août 2016 par Pnordey @latelier

Depuis quelques mois Varsovie mène la danse dans l’écosystème start-up polonais. Ses atouts ? Un gouvernement impliqué, des formations de qualité et une jeune population motivée. Plongée au coeur de la ville natale de Marie Curie.

60% des start-up polonaises sont bootstrappées d’après le rapport 2015 sur l’écosystème start-up en Pologne de Pilot. C’est à dire que les fondateurs financent leur activité avec ce qu’ils ont et les revenus générés servent de levier de croissance. Ce chiffre est révélateur de la jeunesse de cet écosystème, en particulier dans la capitale. En découvrant le fonctionnement et le cycle de vie des start-up à Varsovie l’année dernière, “je revoyais la France d’il y a environ quatre ou cinq ans”, se rappelle Thibaut Rouquette, associé et responsable écosystème à D-Raft Ventures. “Il y a une vraie ébullition qui m’a rappelé le lancement des premiers Startup weekend en France et cette énergie autour des start-up dans tout le pays.” À une différence près, puisqu’à Varsovie, “ils bénéficient de l'expérience de l'Europe de l'Ouest, des écosystèmes londoniens et berlinois. Cela va plus vite, ils s'adaptent donc plus vite. Ils peuvent construire en deux ans, l’écosystème qu’on a construit en France en cinq ans.”  

Qu’est-ce qui explique ce sursaut polonais ? Pour Thibaut Rouquette, il faut se tourner vers le passé pour comprendre. Le pays a en effet été complètement ravagé alors qu’il était sous influence soviétique pendant la seconde guerre mondiale. “Au moment de la chute du mur et du retrait des Soviétiques, la Pologne s’est internationalisée et reconstruite avec succès. S’en sont suivies deux décennies de croissance à plus de 3%.” Une période propice au développement. Varsovie ne correspond plus aux clichés d’une Europe de l’Est pauvre. “C’est une ville très bien organisée, très propre, où tout le monde parle anglais. Une vraie capitale européenne, très dynamique, avec beaucoup d’internationaux.” Et depuis peu, un environnement d’autant plus propice aux jeunes pousses que l’Etat soutient le mouvement.

Varsovie montre la voie aux autres villes polonaises

La capitale montre la voie depuis un an et demi. Ce n'est pas complètement avoué mais je crois que Varsovie a dépassé Cracovie. C'est là que se trouve le gouvernement, là aussi que les plus importants programmes ont été lancés, que le Google Campus s’est installé”, précise Thibaut Rouquette. Avec ses 9 millions de touristes par an et sa population jeune, la capitale attire les investisseurs et les entreprises technologiques comme IBM ou Cisco.

Varsovie a gagné en influence depuis que l’implication étatique s’est renforcée ces dernières années. “Les lobbies poussaient à donner des droits aux entrepreneurs, pour qu’ils soient plus reconnus. Et le gouvernement a commencé petit à petit à écouter jusqu'à en faire une priorité.” Le changement de majorité l’an dernier n’a pas remis en cause la tendance, explique l’associé à D-Raft Ventures. “Si, sur le point de vue économique on n'a pas encore de visibilité pour mesurer les conséquences de ce changement de gouvernement, sur le plan des start-up, il est clair que le nouveau gouvernement est favorable à l’écosystème”. Le fait que “plusieurs initiatives [ait] été consolidées, rassemblées sous l’égide d’un seul ministère pour booster l'investissement start-up et les aider d’abord à s'implanter et ensuite à s'internationaliser”, l’illustre. Les ministres participent désormais régulièrement à des évènements de jeunes pousses et sont plus accessibles. “Il y a un vrai soutien de la part du gouvernement, cela a mis un peu de temps à arriver mais maintenant on les voit, ils sont à l'écoute et c'est très facile d'aller leur parler.”

Le quartier historique de Varsovie en Pologne

Le quartier historique de Varsovie reconstruit dans les années 1950 - Mariola S / Shutterstock.com

Pour accompagner cette volonté de favoriser le développement des start-up, l’Etat polonais peut également compter sur des capitaux européens. Sur la période 2014-2020, plus de 82 milliards d’euros ont été investis dont 10,8 pour les programmes Smart Growth (pour favoriser l’innovation ainsi que la recherche & le développement) et Digital Poland (pour la digitalisation ou numérisation du pays). Le gouvernement a également annoncé l’ouverture prochaine d’une plateforme d’investissement de 630 millions d’euros qui seront injectés dans des start-up dans les prochaines années. “Les premiers VC en Pologne fonctionnaient avec de l’argent de l’Union Européenne, ça a été très mal investi pendant longtemps”, confie Thibaut Rouquette. “Mais on a fini par voir émerger des investisseurs beaucoup plus expérimentés et les premières success-stories  polonaises.”

Un écosystème pas encore spécialisé et de plus en plus tourné vers l’international

L’écosystème local n’est pas spécialisé dans un domaine en particulier. “Même au niveau des programmes du gouvernement ou des accélérateurs ou incubateurs, cela reste général.” L’associé à D-Raft Ventures identifie malgré tout quelques domaines, “même si c’est difficile à dire puisque tout change très vite”. Le secteur historique de croissance est celui du hardware et du beacon. Une conséquence probable du faible coût de la main d’oeuvre. Les jeunes pousses Kontakt.io et Estimote ont réussi dans cette industrie et sont érigés en modèles.

Deuxième secteur prometteur : “celui des technologies liés au service client et au marketing”. LiveChat incarne la réussite. La start-up fait “du SaaS pour le service client : du chat en direct que l’on peut implémenter. Ils sont entrés en bourse à Varsovie en avril 2014 et ont des clients dans le monde entier. Aujourd'hui après deux ans de croissance ils sont valorisés à un peu plus d'un milliard de zloty, soit à peu près 260 millions d'euros”. Livechat a même investi dans une autre jeune pousse : Brand 24, qui développe un outil de monitoring pour les médias sociaux. “Cela montre que la première génération qui a fait que tout s'est accéléré encourage déjà les suivants alors que cela ne fait que deux ans qu'ils sont en bourse.”

La santé est le troisième domaine pour lequel “on voit émerger des start-up intéressantes avec de plus en plus de signes de développement à l’international”. La plateforme de prise de rendez-vous médicaux Docplanner en est un exemple. Comme beaucoup d’autres réussites, l’entreprise est basée à Varsovie mais propose son service aussi ailleurs. Thibaut Rouquette explique: “Les start-up se sont rendues compte que le mieux était d’utiliser la Pologne comme marché test, pour valider localement tout ce qui est créé et tout de suite après, aller à l'international. C’est le cas de ceux qui sont en pleine croissance aujourd'hui, l’équipe de management est très souvent séparée entre la Pologne et la plupart du temps : les Etats-Unis ou Londres, et non pas Berlin comme on pourrait le penser.” Plus de la moitié des start-up polonaises (54%) exportent, principalement aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, d’après le rapport Startup Poland.

Formation et collaborations compensent les lacunes de l’écosystème

Dans tout écosystème, le niveau de formation est clef. Celui de Varsovie crée des vocations comme à la Warsaw School of economics (SGH), “première école de management et d'économie du pays”. Thibaut Rouquette a pu en mesurer la valeur ajoutée pour l’écosystème lors d’un évènement start-up auquel assistaient des patrons de grandes entreprises. “Des start-up étudiantes étaient présentées, les jeunes qui pitchaient leur projet avaient déjà 20, 30 ou 40 employés recrutés au sein de l'université, et généraient déjà des revenus conséquents. Ce n’était plus un projet mais une réelle entreprise avec des partenaires et des clients importants.”  

Parmi les grandes écoles, l’école de commerce Kozminski et l’école polytechnique de Varsovie Polytechnika Warszowska forment également de futurs startupers et/ou chefs d’entreprise. À Varsovie, il n’est pas rare de “voir des trentenaires dans les conseils d’administration”. Moins frileux que ceux de l’ancienne génération qui ont réussi sous l’ère soviétique, ces nouveaux dirigeants “savent prendre des risques pour innover”, confirme Thibaut. “Ces décisionnaires font avancer les choses très vite”. L’écosystème de l’innovation varsovien a donc tout pour progresser, ou presque.

Les Polonais ont tout ce qu’il faut : idées, motivation, enthousiasme, ingénieurs et designers de renommée mondiale... Mais il manque aux entrepreneurs un chemin facile à suivre.” C’est par ces mots qu’est introduit le rapport de Pilot. L’idée d’un écosystème incomplet est partagée par Thibaut Rouquette, pour qui “avant la phase d’amorçage, il y a des gens avec beaucoup d'idées mais qui n'ont pas de mentor pour les aider à aller vite” et “après la phase d’amorçage il y a de beaux produits et de belles entreprises mais qui n'ont aucune idée de la marche à suivre pour passer la vitesse supérieure”.

En revanche, les collaborations entre grandes entreprises et start-up sont bien avancées. C’est le coeur de métier de D-Raft Ventures qui a signé entre 10 et 20 deals l’an dernier, a triplé son chiffre d’affaires en quelques mois et a vu son équipe passer de 5 personnes il y a un an à 12 aujourd’hui et 20 d’ici la fin de l’année, d’après son associé. Une croissance probablement aidée par le fait que la plupart des business models de startup polonaises sont orientés BtoB ou BtoBtoC. Le Startup Connector de Startup Poland a été lancé dans le même objectif et promet d’intéressants partenariats. L’écosystème est donc en pleine effervescence depuis dix-huit mois, mais le meilleur est à venir. Un article de Forbes pressent que la Pologne, en restant sur sa lancée, devienne le moteur de croissance de l’Europe, et intègre le top 20 des écosystèmes de start-up les plus dynamiques du classement Compass. À surveiller !


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