Je me suis réveillé, je me suis levé, et ensuite je me suis assis un moment sur une chaise, sur la terrasse de la maison. L'air était bon, et j'avais besoin de le respirer. Je venais d'échapper à l'un des pires cauchemars de mes nuits.
Tout semblait si vrai, si vraisemblable, si logique, j'étais immergé dans une réalité virtuelle en trois dimensions, je marchais, je courais, j'avais peur.
Je vous raconte juste les grandes lignes. Ça se passait à Luxembourg-Ville, dans le quartier autour de la gare centrale.
Tout le monde tirait sur tout le monde. Enfin, les uns tiraient ou attaquaient à l'arme blanche, et les autres essayaient de fuir, c'était le chaos total. Certains encore prenaient le parti d'en rire, avec une sorte de désespoir enfoui.
Les raisons de cette situation : tout avait commencé
un crime infâme, un homme avait lâchement assassiné sa compagne. Cet homme était blanc et sa compagne noire.
Du coup, des affrontements et des règlements de compte rompirent le calme de la cité.
Mais ce n'était que le début.
Il y eut aussi une grande explosion, l'un des immeubles en face de la gare s'effondra sans crier gare, dans un fracas tonitruant. On entendit le mot attentat se propageant à la vitesse de la lumière. Je me rappelle la panique, les gens courant dans tous les sens, en pleurs et en cris, et au milieu de tout ça, certains en profitaient pour taillader à tout va. Je me rappelle que vous pouviez être tué pour la couleur de votre peau, ou la langue que vous parliez. Votre origine était votre fatalité. Je me rappelle que j'essayais de raisonner les gens. Je leur disais : nous sommes tous frères. On me répondait par un regard triste, un discours militant ou une tentative de suicide. Plusieurs fois, j'ai failli y rester. Mais c'était mon rêve, et je ne pouvais pas mourir. Les autres n'avaient pas cette chance.
J'étais d'autant plus terrifié que ma famille était largement métissée. Mais j'étais seul, ils étaient restés à la maison. Je voulais les retrouver et les protéger. J'évitais les grandes artères, cherchant passage et refuge dans les ruelles pavées et étroites.
Les façades étaient froides et inhospitalières. Pas une âme qui vive. Il y avait bien des cafés qui en leur temps avaient été multiculturels. Mais en ce soir de funeste mémoire, ils avaient décidé d'arborer chacun une couleur communautaire spécifique. Histoire de regrouper les ethnies, qui se pensaient plus fortes en restant cloîtrées chez elles.
Je ne savais où aller. Portugais, Latino-américain, Français, Africain, j'étais tout cela à la fois. La pression de la guerre exigeait que je choisisse mon camp.
Ce que je refusais de faire.
Alors je courais dans la nuit, assistant impuissant à l'effondrement d'une civilisation.
Des cris et des hurlements invisibles déchiraient l'ambiance estivale.
Arrivé sur une petite place endormie, je décidai de m'asseoir sur un banc public.
Je devais reprendre mes esprits et réfléchir au cours des choses.
Comment les choses avaient-elles pu se dégrader à çe point ?
Mon cœur battait fort, le danger rôdait sur terre. L'obscurité avait des griffes. À tout moment, je pouvais être lacéré.
Des ombres chinoises tournoyaient autour de moi. Je sentais des poignards et des lames tranchantes prêtes à bondir.
J'étais tétanisé. Je décidai de téléphoner chez moi. Salut. Viens vite me chercher, mais prends bien gare à ne t'arrêter nulle part. Les zombies sont partout.
Oui, j'étais plongé dans un monde de zombies affamés de chair et de sang.
L'humanité avait disparu. Nous n'étions plus que quelques survivants à pouvoir supporter la clarté du jour.
Et j'avais peur. Je tremblais.
Certains des personnages les plus maléfiques que j'ai croisés dans mon rêve avaient des traits familiers. Ils avaient basculé du côté obscur de la force.
Je ne vous révélerai pas les noms. Ce récit se veut universel et non accusatoire.
Heureusement, tout cauchemar a une fin. Et vers 5h du matin, j'ouvrais les yeux, content de retrouver la torpeur de ma chambre.