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[Critique] LA MORT DANS LA PEAU

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] LA MORT DANS LA PEAU

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Titre original : The Bourne Supremacy

Note:

★
★
★
★
½

Origine : États-Unis
Réalisateur : Paul Greengrass
Distribution : Matt Damon, Franka Potente, Joan Allen, Brian Cox, Karl Urban, Julia Stiles, Gabriel Mann…
Genre : Thriller/Action/Suite/Adaptation
Date de sortie : 8 septembre 2004

Le Pitch :
Deux ans après avoir trouvé son identité, Jason Bourne pense avoir échappé à son passé. Avec sa douce Marie, il vit paisiblement sur les plages de Goa, en Inde, avec seulement sa mémoire encore fragmentée pour le tourmenter. Mais quand on tente de l’assassiner, Jason se voit contraint de replonger les mains dans le cambouis. Un coup monté a lancé la CIA à ses trousses, et le projet Treadstone n’est toujours pas loin derrière…

La Critique :
Un assassin de la CIA rentre un jour chez lui pour trouver Jason Bourne dans sa cuisine, un flingue à la main. « On m’avait dit que tu avais perdu la mémoire », soupire le tueur.

Bourne braque l’arme sur lui : « Ouais, mais vous auriez quand même dû déménager ».

Cet échange punchy caractérise la brusque confiance de La Mort dans la peau, qui s’inscrit dans la lignée des suites (rares) qui sont supérieures à l’original. Comme Le Parrain II, Before Sunset, L’Empire Contre-attaque et oui, même Spider-Man 2 avant lui, on ne parle pas d’une photocopie du premier. À la place, c’est un film ambitieux à part entière qui amène des personnages familiers dans de nouvelles directions inattendues. Et comme il va de soi avec les congénères cités plus haut, La Mort dans la peau est aussi un ouvrage plus sombre, plus coriace et plus complexe que son prédécesseur.

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Le succès surprise de 2002, La Mémoire dans la peau était un thriller splendidement rude et réaliste, un retour épuré aux polars adultes d’autrefois qu’on a tendance à qualifier de « putain de film ». L’efficacité discrète du réalisateur Doug Liman, les caractérisations habiles du scénario et une performance merveilleusement minimaliste de la part d’un Matt Damon jouant dans un registre complètement différent le rôle d’un assassin amnésique, enrichissent l’ensemble à chaque nouveau visionnage. C’est fou à quel point le film est regardable chaque fois qu’il repasse à la télé.

La Mort dans la peau reprend les choses en main deux ans plus tard, avec Jason et sa compagne Marie (la lumineuse Franka Potente) vivant en cachette sur la côte de l’Inde. La mémoire de Bourne revient par fragments, et de brefs flash-backs à son ancienne profession lui font faire des cauchemars sinistres et spécifiques. Pendant ce temps, à l’autre bout du monde, Bourne est accusé du meurtre de deux agents clandestins de la CIA, ramenant au premier plan toute sa cohorte de l’ancien projet top secret Treadstone (parmi eux Julia Stiles, Gabriel Mann et le trésor national de l’écosse Brian Cox), pour une vicieuse enquête et chasse à l’homme par Pamela Landy, la nouvelle venue de l’Agence incarnée par Joan Allen. Une femme par ailleurs complètement dépassée par les événements.

Il serait injuste d’en dévoiler plus, parce que le scénario (qui ne reprend que le titre du roman de Robert Ludlum et seulement la moitié des contributions de Tony Gilroy) est plein à craquer de twists et de révélations. Plein à craquer est d’ailleurs le bon mot ; dans quelques moments malheureux du film, on surprend les personnages en train de résumer l’intrigue entre eux, juste pour garder l’attention du spectateur.

Plus intéressantes sont les façons dont Paul Greengrass, remplaçant désormais Liman comme metteur en scène de la série, met l’accent sur les coûts humains horribles de ces jeux d’espions. Il y a un meurtre qui arrive très tôt dans le film, choquant et terriblement injuste, et qui plane sur le reste de l’histoire comme un nuage pollué. À partir de là, presque impossible de se rappeler d’un blockbuster qui aurait tenté d’être aussi explicite – ou aussi responsable – quant aux conséquences de la violence.

La Mort dans la peau est rempli d’énergie parano et de séquences d’action absolument ahurissantes – une baston à l’arme blanche se distingue du lot en montrant notre héros lamentablement sous-équipé face à son adversaire, utilisant un magazine enroulé comme arme de défense – et pourtant l’acte de tuer est toujours représenté comme quelque chose de sale et épouvantable. Contrairement à l’esthétique plus-c’est-plus de beaucoup de films d’action bourrés à la testostérone, les quelques combats ne sont pas explosifs et acrobatiques, mais se résument à catastrophes bordéliques, traversées de tristesse et de regrets. Ici, le carnage a du poids et de la gravité, signifiant que le film ne prend rien à la légère (ce qui ne sera pas une surprise pour les fans du Greengrass de Bloody Sunday, son docu-drame irlandais exceptionnel qui reste encore l’un des films les plus viscéraux et bouleversants de ces dernières années).

Alors que le premier volet voyait Bourne en train de résoudre le puzzle de son identité, la suite sombre et audacieuse se focalise entièrement sur son dilemme d’assumer le sang qu’il a sur les mains et de trouver un moyen d’expier les pêchés de son passé. Le chef-opérateur Oliver Wood dénaturalise progressivement le schéma visuel alors que l’histoire se noircit, commençant avec les vives couleurs chaleureuses de l’Inde et s’achevant avec un Moscou glacial, presque monochrome.

Greengrass filme principalement avec une caméra à l’épaule, et c’est ici que le débat commence sur la validité de la shaky-cam, qui rend les gens malades parce que ça bouge dans tous les sens. La faute mériterait plutôt d’être rejetée sur les armées d’imitateurs qui ont suivi , avec tellement de films d’action employant la technique non pas comme un choix esthétique mais comme un raccourci je-m’en-foutiste pour économiser un peu de fric (quoique certains qui ont vraiment des problèmes de nausée et ne font pas juste semblant pour la critique facile seraient avisés de prendre un moment avant de regarder la course-poursuite finale, brutale et traumatisante).

Si Greengrass coupe bien le montage un peu trop vite, les images nerveuses et instables correspondent bizarrement très bien à la performance du talentueux Mr. Damon, furtive et férocement intériorisée. Bourne traverse le film comme un requin, sans un geste de gâché, balançant ses grosses répliques à la va-vite alors que d’autres acteurs moins doués en auraient fait tout un plat avec des larmes et du pathos en rab. C’est un client difficile, mince et costaud sur les bords. Tout comme La Mort dans la peau. Putain de film.

@ Daniel Rawnsley

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  Crédits photos : UIP


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