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[Critique] LA VENGEANCE DANS LA PEAU

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] LA VENGEANCE DANS LA PEAU

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Titre original : The Bourne Ultimatum

Note:

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Origine : États-Unis
Réalisateur : Paul Greengrass
Distribution : Matt Damon, Julia Stiles, Joan Allen, David Strathairn, Scott Glenn, Albert Finney, Edgar Ramirez, Paddy Considine, Daniel Brühl…
Genre : Thriller/Action/Suite/Saga/Adaptation
Date de sortie : 12 septembre 2007

Le Pitch :
Six semaines après sa cavale à Moscou, Jason Bourne refait surface alors que les trouvailles d’un journaliste anglais révèlent l’existence d’un nouveau programme d’assassinat, l’opération Blackbriar. L’agente Pamela Landy n’est plus à sa poursuite, mais Noah Vosen, directeur adjoint de la CIA, a d’autres projets. Avec une nouvelle génération de tueurs lancée à ses trousses, Bourne remonte le fil de ses derniers souvenirs jusqu’à New York : là où tout a commencé…

La Critique :
S’intensifiant à chaque nouveau chapitre, la saga Jason Bourne a la réputation d’avoir révolutionné le cinéma d’action – pour le meilleur et pour le pire, d’ailleurs – mais c’est seulement avec La Vengeance dans la peau qu’on commence un peu à voir le miracle. Affûté, efficace, et ridiculement divertissant, ce film soi-disant « pop-corn » n’est pas seulement un modèle de savoir-faire, c’est aussi une réfutation passionnée à la notion idiote et répandue qu’il est nécessaire de mettre son cerveau en veille afin de pouvoir aimer un film d’action. On parle ici d’un exemple hyper-perspicace du cinéma de genre, avec des nuances politiques effervescentes qui s’inscrivent directement dans l ‘ici et le maintenant. Qui a dit que le blockbuster n’était pas un art ?

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Nous avons rencontré l’assassin amnésique de Matt Damon pour la première fois en 2002 dans La Mémoire dans la peau, signé Doug Liman. Redécouvrant ses compétences quasi surhumaines en cavale à travers l’Europe avec l’innocente Marie (Franka Potente), l’aventure originale de Jason Bourne détourna de façon post-millénaire la série d’espionnage de Robert Ludlum, avec une romance discrète qui n’était pas sans rappeler les étincelles maladroitement attachantes qui s’étaient attisés dans la série Before Sunrise.

Après son déchirant Vol 93, c’est Paul Greengrass qui saisit les rênes de la saga en 2004 avec La Mort dans la peau, et à peine quelques minutes dans le nouveau film, la douce Marie prit une balle dans la tête. Faisant partie de l’espèce menacée des suites qui approfondissent et développent l’original, ce second chapitre envoya Damon sur une aventure plus sombre et plus isolée, face à face au tueur à l’intérieur de lui-même et tentant de réparer les maux de son passé. La Vengeance dans la peau se déroule donc entre la confrontation finale désespérée à Moscou avec son prédécesseur, et l’épilogue feel-good new-yorkais qui avait été mandaté par le studio et n’avait jamais vraiment bien clôturé l’ensemble. Ayant perdu la personne qui lui était cher et encore tourmenté par des souvenirs de meurtre, Jason rentre enfin au bercail pour affronter les hommes qui ont fait de lui ce qu’il est.

Pendant ce temps, les choses se gâtent à Langley. Pamela Landy, l’agente futée de la CIA incarnée par Joan Allen et qu’on voyait changer de camp dans le dernier film pour devenir l’alliée de Bourne au lieu de son adversaire, vient d’être mise sur la touche par le directeur adjoint Noah Vosen, un scélérat en chemise amidonnée joué par David Strathairn. Sorti juste avant l’arrivée du smartphone, ce troisième Bourne montre une Amérique entrant dans une nouvelle ère de sécurité nationale, surveillant tout le monde sans être elle-même surveillée. Il se trouve que le projet Treadstone qui transforma Jason Bourne en monstre de Frankenstein était juste la pointe de l’iceberg, et un malheureux reporter du Guardian (Paddy Considine) laisse échapper beaucoup trop d’infos secrètes dans les journaux pour que des gens comme Strathairn puissent bien dormir la nuit.

La grande majorité de La Vengeance dans la peau est un jeu sans relâche du chat et de la souris, alors que Bourne suit une piste d’indices à travers le monde, traqué de partout par une réserve apparemment inexhaustible « d’équipes d’assaut » et « d’atouts activés avec des ordres d’exécution ». Le frisson du film provient du fait de regarder Jason en train d’élaborer des stratégies pour déjouer ses poursuivants, improvisant des échappatoires à partir de situations impossibles avec une débrouillardise à la MacGyver et bien entendu aidé par ses techniques de combats ultrarapides.

Filmant le tout presque exclusivement avec des caméras à l’épaule, Greengrass nous garde rapprochés, voir écrasés contre l’image avec une proximité que d’autres cinéastes n’oseraient même pas tenter. Dans La Mort dans la peau cette technique titubait occasionnellement vers l’incohérence, mais lui et le chef-opérateur Oliver Wood semblent avoir trouvé un juste-milieu, ne sacrifiant jamais la clarté pour l’impact viscéral.

À tout moment, on nous donne toujours assez de temps pour voir et comprendre qui est où, qui est qui, et exactement ce qui se passe à l’écran (une séquence incomparable de filature à l’intérieur de la gare de Waterloo est peut-être le meilleur moment de la série tout court, véritable chef-d’œuvre de relations spatiales). Dan Bradley, assistant réalisateur et chorégraphe des cascades de la série, trouve une fois de plus des moyens ahurissants de placer la caméra à l’intérieur de voitures en pleine collision, le point culminant étant un carambolage au cœur de Manhattan qui excède même le niveau des courses-poursuites dans les volets précédents.

Plus ou moins une séquence de course-poursuite qui envoie non-stop pendant 115 minutes, La Vengeance dans la peau est l’un des films d’action les plus intenses, nerveux et propulsifs de ces dernières années, précipité constamment en avant vers un moment palpitant à un autre et renforcé par des touches personnelles elliptiques qui en disent beaucoup avec leurs brefs silences. Tout au long, on aperçoit des reflets et des échos aux deux premiers épisodes, comme si le métrage lui-même s’interrogeait sur les péripéties de son passé et décidait de les réinterpréter en quelque chose de moins sensationnaliste, plus triste et plus réel. Avec un respect exceptionnel pour l’intelligence de son public, toutes les énigmes principales de la saga sont résolues, racontant une histoire complète avec une résolution si définitive qu’à l’époque Damon avait blagué que toute suite devrait s’appeler La Redondance dans la peau.

Mais ce qui finit par devenir l’élément le plus intéressant est la sévérité morale qu’impose Greengrass à la série. Les combats et les morts dans ces films font mal, apportant avec eux un énorme prix psychologique. Damon, comme toujours, sous-joue le rôle avec brillance, prononçant peut-être deux pages de dialogue à tout péter, évoquant le tourment du personnage uniquement à travers l’élégance de son physique et un regard hanté. Les révélations finales de La Vengeance dans la peau, avec leurs allusions austères à la détention et la torture par l’eau, surgissent d’un véritable sentiment d’outrage : une peur et une haine pour l’administration de George W. Bush où le patriotisme de jeunes hommes est perverti et utilisé à des fins néfastes par un gouvernement parano et désenchanté.

Avec le recul, c’est souvent à travers le divertissement qu’on peut apercevoir les anxiétés de toute une époque, émergeant juste derrière le fun et le plaisir du spectateur. Un homme part à la recherche de son passé, et découvre qu’il est devenu un monstre. La Vengeance de la peau n’est pas seulement le meilleur de la trilogie – c’est carrément un classique du genre.

@ Daniel Rawnsley

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  Crédits photos : Paramount Pictures France


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