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Les sondages à la con de l’Équipe

Publié le 18 juin 2008 par Benjphil

62 millions de sélectionneurs obligent, chacun à son mot à dire sur les matches des bleus et même au-delà. Le plus inquiétant, c’est la place que donne le quotidien du sport et de l’auto à la « populocratie ».
Tous les jours l’Équipe nous offre une consultation SMS/Internet à propos de l’actualité sportive plus ou moins chaude. Histoire d’avoir du grain à moudre et orienter sa prose dans le sens du poil d’un lectorat qui ingurgite dans ses quatre estomacs (telle la vache) la culture footballistique de bas étage et la recrache telle quelle sur le zinc du café des sports.
Si le degré zéro d’un tel exercice n’est pas à prouver (après tout Fogiel et France 2 Foot résonnent de la même manière), l’on est en droit de s’interroger sur la pertinence des questions posées chaque matin. Exemples à l’appui sur la dernière semaine.
Dimanche 8 juin :
portugal
Au lendemain du premier match du Portugal à l’Euro 2008 qui a vu les lusitaniens s’imposer 2-0 contre la Turquie, l’Équipe a lancé sa campagne de sondage sur l’Euro en demandant : « Le Portugal est-il le grand favori de l’Euro 2008 ? » Une question éminemment débile puisqu’elle en appelle à la réflexion sur un match alors que, brouillon une bonne partie du temps, la bande à Cristiano Ronaldo ne s’est assuré de ce succès qu’à la 93è minute lorsque Raul Meirelles a marqué le second but de son équipe. Ce sondage en appelle aux émotions de la forte communauté portugaise vivant en France, aux amateurs de cette équipe ou de Cristiano Ronaldo, à ceux qui sont allés au Portugal en vacances, à ceux qui préfèrent qu’après tout ça soit les hommes de Scolari plutôt que les Italiens. Rien qui ne s’argumente sur des qualités de jeu, sur la gestion des hommes, de la pression… À juste titre puisque le faire sur le ressenti d’un match relève davantage de la devinette de fond de comptoir plutôt qu’autre chose.
Au moins, l’on a évité que le quotidien ne pose la question pour chaque nation ayant gagné son premier match par deux buts d’écart dans la compétition. Je m’attendais à ce que l’Équipe demande si l’Espagne ne l’était pas à son tour après sa victoire 4-1 contre la Russie.
Jeudi 12 juin :
Diarra_Malouda

L’heure est déjà grave, la France n’a pas été foutue de remporter la victoire face à la Roumanie qui avait verrouillé le match (0-0). Du coup, les doigts vengeurs et accusateurs des scribouillards de l’Équipe pointent les carences offensives des bleus qui avaient pourtant des consignes portant clairement sur le repli défensif plutôt qu’un pilonnage massif et improductif des cages de Lobont. Florent Malouda en premier. Raymond Domenech est ce qu’il est et lors d’un entraînement, des journalistes perchés dans les arbres avec leurs jumelles aperçoivent Lassana Diarra évoluer au poste d’ailier gauche un petit quart d’heure ce qui provoque la question SMS/Internet du lendemain : « Lassana Diarra doit-il remplacer Florent Malouda dans le système de Raymond Domenech ? » Alors d’accord le joueur de Portsmouth a une côte d’enfer auprès du sélectionneur. Ok, il a joué quelques matches en poste d’arrière droit, mais il manquait alors Willy Sagnol (notamment contre l’Italie à San Siro). Certes, Diarra est un joueur ultra polyvalent. Mais a-t-on entendu quelqu’un demander à Raymond Domenech s’il comptait faire évoluer Diarra à ce poste contre les Pays-Bas ? Peut-on envisager en toute lucidité que Diarra remplace Florent Malouda quand le sélectionneur possède des joueurs bien plus compétents à ce poste comme Ribéry, Govou, Benzema, Henry ou Anelka (qui ont tous joué à ce poste à un moment ou un autre de leur carrière sauf Anelka, mais qui aime beaucoup s’excentrer). L’on doit alors se demander par quel vicelardise, le sélectionneur fait-il jouer Diarra à ce poste ? Pour quel contexte ? Dans quelle disposition tactique ? En demandant simplement si Diarra doit remplacer Malouda dans un système sous-entendu équivalent, l’Équipe table sur les ignorances des choses du football de ses lecteurs (au mieux) ou les prend vraiment pour des cons (au pire). 
Samedi 14 juin :
domenech_choix_tactique
Après tout cette question est la suite logique de celle du jeudi 12 en tenant compte de la défaite, que dis-je, branlée de l’équipe de France contre les Pays-Bas (4-1) : « Raymond Domenech a-t-il fait de mauvais choix tactiques ? »
Versatile, l’opinion publique qui donnait carte blanche au sélectionneur sur l’autel de la finale de la Coupe du Monde 2006 (il y a deux semaines encore) retournera-t-elle sa veste à cause d’un nul et d’une défaite ? L’opinion publique va-t-elle permettre au quotidien de mettre en branle sa machine à claque et son lobbying pour leur futur sélectionneur à eux qu’ils aiment plus que les autres (Didier Deschamps) ? L’analyse tactique se borgne dans notre beau pays à penser que les absents auraient toujours fait mieux. Et pourquoi pas pire ? Si ça se trouve, dans une configuration tactique plus plaisante à la rédaction de l’Équipe, les bleus en auraient pris deux de plus. Personne ne développe cette idée. C’est pourtant loin d’être aberrant.


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