Chanson douce de Leïla Slimani 4/5 (21-07-2016)
Chanson douce (227 pages) sort le 18 août 2016 aux éditions Gallimard.
L’histoire (éditeur) :
Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame
Mon avis :
« La nounou est comme ces silhouettes qui, au théâtre, déplacent dans le noir le décor sur la scène. Elles soulèvent un divan, poussent d‘une main une colonne en carton, un pan de mur. Louise s’agite en coulisses, discrète et puissante. C’est elle qui tient les fils transparents sans lesquels la magie ne peut pas advenir. Elle est Vishnou, divinité nourricière, jalouse et protectrice. Elle est la louve à la mamelle de qui ils viennent boire, la source infaillible de leur bonheur familiale. » Page 59
Avec ce nouveau roman Leila Slimani frappe très fort. Le drame, annoncé dès le début par la description d’une effroyable scène de crime, est à peine croyable tant la violence et l’incompréhension bouleversent. Commence ensuite, dans un style tranchant, incisif et à l’émotion retenue, le décorticage précis des faits qui ont conduit à la tragédie des Massé.
Direction, un bel immeuble du XXème arrondissement, où Paul et Myriam Massé, parents de deux jeunes enfants, ont sauté le pas. Myriam, qui n’en pouvait plus de vivre enfermée dans la maternité (arrivée au point de jalouser la vie sociale et professionnelle de son époux), a décidé de reprendre le travail lorsqu’une alléchante opportunité s’offre à elle. Après un casting draconien, elle trouve la perle. Et quelle perle ! Louise devient très très vite indispensable et impose son ordre, ses qualités de cuisinière, de couturière et bien sûr d’excellente nounou. Mais cette discrète bonne femme cache un profond malaise, et peu à peu cette fin devient parfaitement inéluctable…
Chanson douce est un roman très difficile par son sujet mais finement écrit. La lecture s’avère très vite addictive et la manière, un peu comme dans un thriller, d’imposer une atmosphère lourde, tendue, dans une écriture nerveuse et directe, donne un rythme qui va crescendo. La lecture se fait tout du long en apnée.
Personnellement j’ai beaucoup aimé ce roman. Percutant aussi bien par son fond que par sa forme (il y a l’a une vraie puissance littéraire), Chanson douce est un mélange de complexité, de sordide et de réalité contemporaine qui ne laissent pas indifférent. La proximité qui s’installent entre Louise et les Massé, la grande crédibilité des personnages, des faits, des sentiments, les éléments qui justifient les différentes actions rendent le texte aussi stimulant qu’inquiétant. Leila Slimani frappe fort et frappe surtout là où ça fait mal. Notre société, passée ici au scalpel, rend presque cette tragédie inéluctable.
Un texte déroutant !