(à G.P.)
Oui, les femmes peuvent avoir la pulsion sexuelle tout aussi aiguisée que celle des hommes.
Sandy avait toujours trouvé injuste ce mythe qui voulait que seuls les hommes avaient quelques fois des urgences sexuelles à combler. Oui, parfois, elle aussi avait des envies tout simplement animales qui ne la rendaient pas moins humaines et pas putes pour deux sous.
Elle avait beaucoup voyagé et, à 31 ans, avait eu la chance de goûter à toute sorte d'hommes.
Si il était Français, il était condescendant et se permettait de te tirer les cheveux et de te traiter de salope pendant l'acte. Il aimait aussi les entrejambes bien poilus et non rasés. Il te voyait, tirait les clés par terre et sans préambule disais "Allez! maintenant!" que vous soyiez plongée dans un livre ou en train de boire un café, il fallait opérer.
Si il était Britannique et sous la barre des 30 ans, il avait encore toute ses dents et serait assez charmant pour attendre de se rendre à la chambre, mais trop saoul pour faire quoi que ce soit qui vaille. Il vomirait, perdant du coup son charme, et ni vous, ni lui, n'aviez plus alors la tête à quoi que ce soit qui vaille. Sinon dormir. Dans deux chambres différentes. Mais vous vous seriez embrassé et caressé avant le changement d'haleine. Si vous étiez chanceuse, il ne vous vomissait pas dessus.
Si il était Allemand, il serait mince, stoïque, fin, et saurait comment bien faire l'amour, mais pas longtemps. Juste le temps de bien jouer des hanches de manière saccadée. Il ne parlerait pas pendant l'acte parce que personne sur terre n'avait encore réussi à donner un accent sexy à la langue allemande depuis 1945.
Si il était italien, il baisait aussi très bien, mais n'avait peut-être pas pris sa douche avant. Il croirait aussi qu'il existe quelque chose comme "une gentille gifle" pendant l'acte, ce qui est non seulement faux, mais idiot. Il te laissera de l'argent sur le comptoir, même si tu es sa copine.
Si il était japonais, il voulait vous attacher.
Si il était Australien, il se couchait sur le dos et te laisserais tout faire.
Si il était Irlandais, il te ferait rire, te compterait des blagues cochonnes et ça te paraîtrait sexy, mais plus il te ferait rire, plus il boirait et plus il boirait, pour chaque jour que tu serais avec se créerait un monstre différent.
Si il était autochtone, il serait sans poil, intense, mais taciturne. Seulement si sobre. Si en boisson: à fuir.
Si il était des États-Unis, il ne vous intéressait pas, parce qu'avant quoi que ce soit, il était atteint du complexe de Dieu. Peut-être depuis sa naissance.
Sandy pensait à tout ça en se disant "Je ne suis pas une pute ou une fille facile avec toute ses expériences, je suis tout simplement une femme de mon temps, Qui savait comment se faire plaisir comme un homme le ferait de la même manière. Elle ne se vantait de rien, mais au fond d'elle-même, au niveau sexuel, elle se savait comblée.
Ou du moins, colorée.
Même à 36 000 pieds dans les airs, elle l'avait fait.
Québécair, Transworld. Northeast, Eastern, Western pis Panamerican.
Mais justement, à 31 ans, elle ne savait plus où elle en était rendue.
Bernard, quel nom vieux, Bernard...et pourtant il avait 8 mois de plus jeune qu'elle.
Il était aussi dans l'aviation.
Il l'a faisait planer.
Ses pulsions n'étaient surtout pas freinées.
Mais peut-être, stationnées.
Ça l'a fait sourire.
Tout en lui donnant un frisson.
Elle ne connaissait pas ce type de turbulences
Les yeux dans l'océan plus bas, la tête dans les nuages.
Le coeur en apesanteur. Elle voulait du tombeur.
Et il était Québécois.
Comme elle,
seulement parfois...