Les clefs de bagnole. 1 heure 34. France. Comédie. Sortie en France le 10 décembre 2003. Réalisé par Laurent Baffie avec Laurent Baffie, Daniel Russo, Pascal Sellem, Gérard Depardieu, Alain Chabat, Jamel Debbouze, Michel Galabru, Jean-Marie Bigard, Dani, François Rollin, Marcel Gotlib…
Il est difficile de réaliser un bon film. Laurent Baffie l’a compris et emmène Daniel Russo dans une aventure ubuesque et décalée, à la recherche des clefs de bagnole qu’il a perdues. En réalité, ses clefs sont dans sa poche gauche, mais tout cela n’est qu’une allégorie de la vie, de l’amitié et de l’aventure. Une aventure dans laquelle Baffie joue son propre rôle, à la fois d’acteur, de réalisateur, de scénariste et de personnage.
« – T’as vu qui c’était ?
– Qui ?
– Le fromager.
– Bah oui, c’est Depardieu et alors ?
– Ça t’épate pas ça ?
– Non, moi ce qui m’épate, c’est que tu arrives à avoir une superstar comme Depardieu et que tu lui refiles un petit rôle minable de fromager. Alors ça oui, ça oui, ça oui, ça m’épate !
– Attends, on s’en fout, on a Depardieu au générique. Maintenant qu’il soit fromager ou Président de la République, on s’en tape complétement ! »
Cela faisait un moment que j’avais envie de me revoir « Les clefs de bagnole ». J’ai toujours était assez amateur de l’humour de Laurent Baffie et bien que ce long métrage soit un peu différent de l’image du « sniper » que l’on peut avoir de lui, j’ai tout de suite été pris au jeu lorsque j’ai découvert cette aventure en salles à tel point que je m’étais empressé à l’époque de me procurer le dvd.
Autant le dire tout de suite, mon ressenti au sujet de ce projet n’a pas changé. Je sais que cinématographiquement, on ne peut pas parler d’un grand film, ni même d’un chef d’œuvre mais je suis toujours aussi fan de ce « scénario » écrit par Laurent Baffie. C’est complétement stupide certes mais l’ensemble fait preuve d’une telle autodérision que je trouve l’exercice extrêmement convaincant.
A côté de ça, sous son apparente légèreté, j’apprécie beaucoup la critique qui est faite sur le monde du cinéma. Il y a beaucoup de tendresse mais tout le monde en prend pour son grade que ce soit les personnalités issus du milieu qui se prête volontiers eux aussi à l’autodérision (les refus sont exceptionnels) ou encore les différentes recettes pour faire un film qui sont utilisés dans leurs caricatures la plus extrêmes.
A travers ce récit grotesque, Laurent Baffie me régale avec sa leçon de cinéma. Démocratisant tout un vocabulaire, il s’amuse avec ce monde tout en se faisant plaisir. Peu importe la logique ou la crédibilité, on s’amuse un point c’est tout. De la zoologie, le nombre 23 qui est son nombre fétiche… Tout est prétexte pour passer un bon moment.
Ce qui est encore plus remarquable à mes yeux, c’est que derrière cette façade clownesque qui va dans de multiples directions, le film sait rester cohérent avec son sujet. Cette quête de clefs est bien sûr qu’un prétexte, on ne s’en cache même pas, mais l’ensemble des scènes, refus compris, ce retrouve parfaitement bien relier. Le scénario réussit à nous faire croire en sa légitimité avec une construction loin d’être aussi fourre-tout que ce que l’on s’imagine.
Avec plusieurs casquettes à son actifs, Laurent Baffie dans son propre rôle est très à l’aise. Je me souviens que la première fois, j’avais été surpris de ne pas retrouver ici son humour noir qui est devenu sa marque de fabrique. La surprise n’en fut que plus agréable surtout que le comédien enchaîne les répliques et les gags de façon fort savoureuse et naturelle.
A ses côtés, cela m’a bien fait plaisir aussi que de retrouver Daniel Russo (Daniel). C’est un comédien que j’apprécie bien et que je trouve assez sous exploité au cinéma. Le voir en tête d’affiche me fait donc très plaisir surtout qu’il forme avec Laurent Baffie une association remarquable et complémentaire.
Si pour les refus on a le droit à de très grands noms qui joue bien le jeu de la parodie (il y en a même davantage que l’on peut retrouver dans les bonus du dvd dont des acteurs américains comme Michael Madsen ou Andy Garcia), le film s’octroie quand même quelques seconds rôles savoureux. Le premier qui me vient en tête est toujours Gérard Depardieu (Le fromager) qui n’hésite pas lui-aussi à jouer de son image avec beaucoup d’humour.
Si avec Pascal Sellem (Le serveur) on retrouve un nouveau fidèle à Laurent Baffie qui est également à l’aise, cela me fait plaisir aussi le temps de quelques petites scènes de pouvoir voir Jamel Debbouze (La voix du chien), Alain Chabat (Le vendeur animalier), Jean-Marie Bigard (Le banquier) ou encore Michel Galabru (L’instituteur) chacun recruté pour ce qu’il sait faire de mieux.
A la réalisation, le projet aussi reste cohérent. On est dans du divertissement simple et sans prises de tête donc Laurent Baffie s’amuse aussi. Pas de grands plans de malades mai quelques bonnes idées comme cette séquence animée ou celle en pâte à modeler, pas spécialement remarquable techniquement mais toutefois efficace.
L’artifice du cinéma s’efface pour notre plus grande joie. Gros plans, plans séquences, ellipses, faux raccords, effets visuels simpliste… On a le droit à tout. Laurent Baffie s’amuse avec le cinéma comme Ed Wood en son temps avec ses bouts de ficelles mais ça marche plutôt bien. En tout cas de mon côté, je me laisse facilement prendre au jeu et je m’éclate tout comme j’aime bien aussi la bande originale de Ramon Pipin et le petit passage musical avec Maxime Le Forestier.
Le montage est lui-aussi bien ficelé. Avec une courte durée, on ne voit pas le temps passé. C’est dynamique et jusqu’au bout l’on va tourner en dérision l’univers cinématographique, une parodie poussé jusqu’à son affiche représentant un ticket de cinéma déchiré associé à une « recette de base » pour un film ainsi qu’une tagline qui portera sans doute préjudice au film à sa sortie mais qui s’avère être aussi un bon pied de nez aux critiques facile.
Sorti à l’époque en salles entre « Le seigneur des anneaux : Le retour du Roi » et « Le monde de Némo », ce film n’a clairement pas eu le succès qu’il méritait même si avec le temps, il a acquis un statut de film culte pour certains, moi compris. Incompris par beaucoup de personnes je pense, il fait partie de ses œuvres qui n’ont pas supporté le bashing totalement grotesque (et disproportionné par rapport à ce que l’on veut nous proposer à la base) que certains aime bien faire pour descendre un film qu’ils n’ont pas dans leur estime.
C’est vraiment regrettable car si la forme peut paraître simpliste, le fond peut vraiment susciter quelques débats sur le monde du cinéma. Je reconnais qu’il y a plein de maladresses mais on est clairement en présence d’un faux mauvais film qui maitrise l’outil de la parodie pour en faire un spectacle divertissant.
Pour résumer, ce que je nomme ma « note ressentie » n’a jamais trouvé autant d’impact qu’à travers ce film. En effet, cinématographiquement, « Les clefs de bagnole » possède pas mal d’imperfections mais je lui donne quand même ma note maximale car cela reste à mes yeux un grand plaisir à chaque fois que de revoir cette œuvre sans prise de tête qui s’amuse de son sujet et assume à fond son autodérision. Avec en prime une démocratisation du monde du cinéma, je ne me lasse pas de cette comédie que je trouve toujours très jouissive.