Partager la publication "[Critique] BLOOD FATHER"
Titre original : Blood Father
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Jean-François Richet
Distribution : Mel Gibson, Erin Moriarty, Diego Luna, Michael Parks, William H. Macy, Dale Dickey, Thomas Mann, Miguel Sandoval…
Genre : Action/Thriller/Drame/Adaptation
Date de sortie : 31 août 2016
Le Pitch :
Ex-taulard reconverti en tatoueur, John Link tente de surmonter une addiction tenace à l’alcool tout en entretenant l’espoir de revoir un jour sa fille, disparue depuis plusieurs mois. Quand cette dernière le contacte, il comprend néanmoins que les retrouvailles ne seront pas aussi joyeuses qu’espérées. Pourchassée par de dangereux criminels, elle contraint malgré elle son père à retrouver de vieilles habitudes justement à la base de tous ses problèmes…
Le Pitch :
Mel Gibson a approximativement pété une durite en 2004, au moment de la sortie de La Passion du Christ, qu’il a réalisé et porté à bout de bras, tout en s’enfonçant dans les méandres de psychoses diverses et variées. En 2010, il revient par la petite porte avec le thriller faussement badass, Hors de Contrôle, de Martin Campbell. La presse parle alors, à juste titre, de come back. Un an plus tard, il accompagne son amie Jodie Foster à Cannes pour présenter Le Complexe du Castor, dans lequel il tient le premier rôle. La presse, une autre presse, celle qui qui s’intéresse davantage à tous les cinémas tant qu’ils ne sont pas classés dans la catégorie « genre », parle du come back de Mel Gibson. En 2012, il campe dans Kill The Gringo, un type qui rappelle quelques-uns de ses personnages les plus fameux. Là aussi, on parle de come back. Un Machete Kills plus tard, et Gibson se retrouve face à Sylvester Stallone, avec 15 kilos de muscles en plus. Come back ? Oui oui, toujours. Deux ans plus tard et nous voici devant ce Blood Father, dont les affiches clament haut et fort que Mel Gibson est enfin de retour ! Le grand come back de Mad Mel !
Gibson qui n’a donc jamais cessé de revenir depuis son retour, comme pour répondre à une vraie demande de la part d’une partie du public et des médias, mais qui, finalement, à l’arrivée, peine à convaincre. Du moins quand il tient le rôle principal, et si on excepte Le Complexe du Castor, où il est par contre réellement mis en valeur et en totale possession de son art, même si beaucoup semblent l’avoir oublié.
Quoi qu’il en soit, inutile de tourner autour du pot : ce n’est pas avec Blood Father que l’acteur va pouvoir revenir au sommet au yeux de la populace.
Adapté d’un roman signé Peter Craig (il a aussi rédigé le scénario), Blood Father a permis la rencontre de Mel Gibson et du réalisateur Jean-François Richet. Sur le papier, cette histoire de père désireux de protéger sa gamine de vilains dealers sans foi ni loi, avait tout pour déboucher sur un spectacle brutal et sans concession. Sur un bon film d’action baigné dans la lumière crue du Nouveau-Mexique, entre bastons à mains nues, poursuites en bagnoles et fusillades au canon-scié. Richet possédait toutes les cartes en main pour offrir à Gibson une opportunité en or de camper une version extrapolée et bien hardcore de Martin Riggs. Pour nous en mettre plein les yeux et les dents.
Mais c’était sans compter sur Peter Craig et son scénario complètement à la ramasse. Un script qui semble prendre un plaisir vicieux à esquiver toutes les occasions qui lui sont données de faire parler la poudre, et qui préfère se perdre au fil de dialogues relativement débiles et interminables. Parfois, c’est drôle, mais ce n’est jamais totalement volontaire. On rit à une ou deux punchlines avant de comprendre que Blood Father a le cul entre deux chaises. Il passe 1h30 à se demander si il veut être une série B d’action à l’ancienne ou un drame existentiel bourré de prétentions. Il nous cause d’un papa et de sa fifille et de leurs problèmes à communiquer. On n’y croit jamais, et à force d’enchaîner les ruptures de ton et surtout d’échouer quasi-systématiquement à exploiter les codes qu’il entend sublimer, le long-métrage se prend les pieds dans le tapis pour, plus tard, s’encadrer carrément le mur tête la première. Rajoutez à cela des seconds rôles à peine écrits et dirigés, des acteurs en roue libre et une rythmique qui s’embourbe à la moindre occasion et la coupe est pleine.
Côté réalisation, Jean-François Richet ne fait rien non plus pour envoyer du lourd. Avec toute l’outrecuidance dont font parfois preuve ses contemporains quand ils se retrouvent à diriger un acteur américain mythique, il fait mine de vouloir nous livrer un vrai discours et s’échine à se focaliser sur la relation, moisie sur le papier, du personnage de Gibson avec sa fille, et échoue à communiquer les émotions souhaitées. Mais ce n’est pas le plus fautif dans l’histoire. Avec un script aussi bancal, il était difficile de faire quoi que ce soit de convainquant.
Le soucis étant, de manière plus générale, que Blood Father n’assume jamais sa condition de potentiel film d’action bien sauvage. La route qu’il choisit d’emprunter est un peu la même que celle qu’ont balisé de multiples productions Besson. On n’y croit pas, les sentiments sont surfaits et on finit par décrocher. Besson, qui avait au moins eu le bon sens d’embaucher un mec capable de foncer dans le tas pour orchestrer le premier Taken. Blood Father aurait pu s’inscrire dans cette catégorie. Au fond, on ne demandait rien de plus. On voulait voir le Mel Gibson qu’on aime fracasser des tronches à la chaîne. On voulait que Richet monte dans les tours et ne se contente pas de nous jeter un acteur en pâture, en faisant mine de nous flatter avec de fausses références. Chez lui, Gibson pionce dans la caravane de Martin Riggs et tire avec le fusil de Mad Max, mais c’est tout.
Mais Mel, heureusement qu’il est là. Solide, buriné comme c’est pas permis, charismatique au possible, il porte le film à la seule force de ses deux bras (plutôt impressionnants ses bras d’ailleurs). Sa seule présence suffit à faire passer l’envie de pioncer. Mel Gibson reste Mel Gibson, même si le produit n’est pas celui qu’on nous a vendu (Hors de Contrôle souffrait du même problème). Lui il assure. Il est là, avec son regard qui en dit long et son attitude de mec qui a tout vu. Mel revient de loin et au fond, on peut comprendre que Richet ait été embarrassé devant une telle légende. Surtout qu’en l’occurrence, le gars s’y connaît un peu en mise en scène. On imagine ainsi mal comment, quand il a vu le résultat final, Gibson n’a pas regretté d’avoir accepté le deal. D’avoir apposé sa signature en bas du contrat qui le liait à ce faux film d’action, transformé en drame indigent, perdu au milieu d’un univers dont les codes sont, au mieux incompris, ou au pire ignorés.
Alors non, Blood Father ne marque pas le retour de Mel Gibson. Au fond, cela fait longtemps qu’il est revenu. Il faut revoir Kill The Gringo pour s’en convaincre, profiter de sa performance à fleur de peau chez Jodie Foster, s’amuser devant son cabotinage assumé dans Expendables 3 et bien sûr attendre avec impatience son retour à la réalisation avec Hacksaw Ridge. Ce qu’il parvient à sauver dans Blood Father ne suffit pas à amoindrir la déception que ses fans sont en droit de ressentir devant ce film anecdotique et décousu.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : SND