" En roulant le scalp entre ses doigts, elle voulut y voir un signe.Depuis des mois ces êtres de malheurs, ces odieux corbeaux qui avaient fini par l'obésder, voilà qu'elle les tenait dans ces mains, maintenant elle faisait ce qu'elle voulait de l'objet de son effroi, ils ne lui feraient plus jamais peur ces oiseaux funestes au contraire, elle en jouait de cette peurà présent, comme elle aurait du le faire de tout un tas de choses dans sa vie."
Pour ce premier jour de rentrée des classes, un focus sur ne lecture quasi ndispensable qui tranche un peu avec une rentrée littéraire où le sombre et le sérieux règne en maitre : Repose-toi sur moi , le dernier roman en date de l'impeccable Serge Joncour ( L'amour sans le faire, l'écrivain idéal, l'idole) est assurément un roman qui fait du bien à l'âme et au coeur et qui donne envie de lire, sans être un feel good book trop mièvre et à l'eau de rose comme les livres d'Anna Gavalda ou Marc Levy, tant la plume de Joncour est maitrisée et subtile.
Avec le récit de cette rencontre entre deux êtres et, deux mondes amenés à cohabiter sans normalement jamais se croiser, Joncour prend tous les ingrédients de la comédie romantique ou sentimentale, mais en l'acrant dans une réalité sociale profonde et pleine d'acuité..
Repose toi sur moi- une phrase tirée du livre, quasiment à la toute fin, mais pas forcément prononcée comme on l'entendrait logiquement- c'est la rencontre inattendue entre Aurore et Ludovic ces individus qui ne vivent pas sur la même planète. Aurore est une styliste au talent connu et reconnu, qui a monté sa propre maison 8 ans plus tôt avec un associé, Fabian. Un mari qui réussit brillamment dans les affaires, deux enfants, un bel appartement, une entreprise dans les quartiers chics, Aurore affiche tous les codes de la réussite, tant personnelle que professionnelle. Ludovic, veuf, ancien agriculteur, s'est reconverti dans le recouvrement de créances. Il habite un immeuble en face de celui d'Aurore, mais en nettement moins huppé. Ils se croisent parfois, intrigués l'un par l'autre, mais ne se trouvent pas grand-chose en commun. Quand il se rend compte qu'Aurore est terrifiée par deux corbeaux qui hantent les arbres de la cour, il décide de les "dézinguer" et de lui offrir leur trophée de plumes entouré d'un joli ruban rouge.
En ville la solitude a un écho démesuré. Il aurait cru que ce serait le contraire, qu’en ville, vivre seul serait un genre de bienfait, une bénédiction, la compensation de toutes ces heures occupées à évoluer au milieu du monde, à être sans cesse entouré. En fait non. »
Serge Joncour, encore plus que d'habitude sans doute dresse un roman plein d'empathie et de trendresse sur nos petits et grands soucis du quotidien, et sur notre envie parfois de grands espaces et de sérénité, loin de cette frénésie de la vie à Paris que l'auteur décrit avec une belle acuité.
Une très belle histoire d'amour et du désordre que celui ci amène dans nos vie, mais qui aborde également pas mal d'autres grandes thématiques, souvent en utilisant une fine pposition des genres ville contre campagne, la précarité contre la richesse éhontée, les mensonges contre la réalité, famille contre isolement, la fragilité- apparente contre la force-idem.. et décrit une réalité sociale-avec des scènes de mise en recouvrement d'une belle ambivalence et qui évite toujours le manichéisme et la caricature.
« C’est elle qui prit l’initiative, il avait des lèvres tellement charnues et douces qu’elle n’eut même pas le temps de se demander ce qu’elle faisait, elle n’eut pas le moindre mouvement de recul tellement elle les voulait encore ses lèvres, elle se plaqua cotre l’arbre, elle était éperdument exaucée, cette cour qui depuis des années lui donnait de l’énergie, cette enclave de sérénité, voilà qu’elle allait jusqu’au bout de cette promesse, pour une fois elle était au cœur même de ce refuge qui la protégeait du monde, il faisait nuit maintenant, et dans l’obscurité, sous ces feuillages, tout était plus sombre encore, parfaitement caché.
.Mais ce que réussit sans doute encore mieux Joncour c'est la peinture de cette valse des sentiments, cetet dichotomie entre ce qu'on pense et ce qu'on dit, et ce désir plus fort que la raison et les craintes d'être rejeté..aussi bien physiquement que moralement, pour essayer de résister dans un monde hostile, cruel et trop souvent égoïste.
.L'amour chez Joncour prend différentes formes, parfois totalement contraires, , ; l'espoir, auquel on a envie de s'ancrer sans totalement oser, la nostalgie d'un passé révolu, qui réconforte mais qui brise aussi les ailes, cette envie de s'appuyer sur l'autre alors que pourtant l'inconnu effraie parfois, tout dans ce beau roman sonne vrai et touche au coeur ..Ce que nous dit Joncour dans ce livre, c'est qu'au fond, ce qui rapproche les êtres est finalement plus fort que ce qui les sépare.
En brossant deux personnages ceux d’Aurore et de Ludovic’une grande complexité- dommage que les personnages secondaires le soient forcément un peu moins- Repose toi sur moi comme tous les grands romans nous pousse à nous poser des questions sur nos propres vies interroge notre monde et nos choix, ainsi que la vulnérabilité des êtres et la confiance en l'autre..
Un très beau roman, d’une grande pudeur et d'une belle délicatesse à lire impérativement en cette rentrée littéraire..
Repose-toi sur moi Serge JONCOUR
427 pages - Editions Flammarion - Parution le 17 Août 2016.