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Tant pis pour toi

Publié le 05 septembre 2016 par Lana

En lisant le livre de Christophe Malinowski,  « Etre soignant en psychiatrie », j’ai compris pourquoi le « tant pis pour eux » de ma psychiatre m’avait fait tant de mal.

Ce « tant pis pour eux », elle me l’a dit à propos des patients qui faisaient semblant d’aller bien en sortant de chambre d’isolement. Elle me disait que l’isolement donnait de bons résultats, je lui ai dit évidemment, les patients font semblant d’aller bien pour ne pas y retourner, vous ne le saviez pas? Non, m’a-t-elle répondu, eh bien tant pis pour eux. Là-dessus, notre entretien s’est terminé. Pendant quinze jours, j’ai repensé à ça, ça me faisait mal ce « tant pis pour eux », très mal. Je me suis dit il faut que je lui explique, elle ne peut pas penser ça, pas vraiment. Alors je lui ai  redit mon point de vue, le non-choix de ces patients, qui ne pouvaient que faire semblant pour ne pas être maltraités à nouveau. Elle a dit « tant pis pour eux, je le maintiens ».  Alors j’ai perdu confiance et je n’ai plus été voir ma psychiatre.

Je n’ai jamais parlé à ma nouvelle psychiatre ni à mon médecin généraliste de ce qui avait entraîné cette rupture. Ca paraissait tellement dérisoire. Quatre petits mots. A propos de chambre d’isolement, moi qui n’ait même pas été isolée.

Dans son livre, Christophe Malinowski nous raconte l’histoire de Tomasz, dont l’hospitalisation volontaire se transforme en hospitalisation sous contrainte avec mise en chambre d’isolement et contention. Après ça, parce qu’on ne l’a pas écouté, parce qu’on n’est pas venu à sa rencontre, il comprend que s’il veut sortir, il doit faire semblant d’aller mieux, donner aux soignants ce qu’ils veulent, dire ce qu’ils veulent entendre.  Alors, tous se réjouissent du succès de son hospitalisation.

J’ai pensé exactement la même chose que lui quand j’ai été hospitalisée. Heureusement plus rapidement, heureusement sans autant de dommages, mais c’est comme ça que je suis sortie, en faisant semblant d’aller bien, en disant ce qu’il fallait. Comme pour Tomasz, il n’y avait pas de confiance possible. Et il n’y en aura plus jamais, pas dans l’institution.

Alors le « tant pis pour eux », ce n’était pas seulement une histoire de chambre d’isolement que je n’avais pas connue et de patients abstraits. Il était aussi pour moi. Moi aussi j’avais fait semblant. Et à cela, ma psychiatre, en le disant et en le maintenant, répondait qu’elle préférait voir son prétendu succès que des souffrances bien réelles. Que ma souffrance bien réelle. Et cela, je ne lui pardonnais pas.


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