Partager la publication "[Critique] NARCOS – Saison 2"
Titre original : Narcos
Note:
Origine : États-Unis/Colombie
Créateurs : Chris Brancato, Carlo Bernard, Doug Miro
Réalisateurs : Gerardo Naranjo, Andrés Baiz, Josef Wladyka.
Distribution : Wagner Moura, Boyd Holbrook, Pedro Pascal, Joanna Christie, Juan Pablo Raba, Paulina Gaitán, Bruno Bichir…
Genre : Drame/Thriller/Adaptation
Diffusion en France : Netflix
Nombre d’épisodes : 10
Le Pitch :
Acculé par les forces de l’ordre du Bloc de Recherche, Pablo Escobar parvient néanmoins à s’évader de la Cathédrale, la prison qu’il s’était construit. De quoi forcer les agents Steve Murphy et Javier Peña a revoir leurs méthodes pour enfin venir à bout du cartel de Medellín. Mais si Escobar échappe encore aux autorités, il doit désormais se cacher, avec sa famille. La traque dont il fait l’objet favorisant les affaires de ses concurrents du cartel de Cali, qui accentuent également la pression sur le baron de la drogue. Escobar décide alors d’intensifier encore un peu plus la violence de ses méthodes…
La Critique :
Nous avions laissé Pablo Escobar en fâcheuse posture, après une première saison haletante, dont l’objection était d’illustrer la naissance du cartel de Medellín et la montée au pouvoir d’un homme à la fois considéré comme un héros du peuple et comme l’un des individus les plus dangereux de la planète. Un premier acte exemplaire dans sa façon d’appréhender Escobar, dont l’impact imposa d’ailleurs rapidement la série parmi les meilleures « adaptations » de la vie de celui qui imprima au fer rouge l’Histoire de la Colombie. Escobar qui a souvent fait l’objet de films et séries, qu’il s’agisse de fictions (Blow par exemple), de biopics (Pablo Escobar le patron du mal) ou d’œuvres à la croisée des chemins (le récent Paradise Lost avec Benicio Del Toro). Narcos s’étant pour sa part directement positionné dans une démarche réaliste, avec images d’archives intégrées au montage à l’appui, histoire de rappeler régulièrement que tout ce qui se passe à l’écran a bien eu lieu dans la vraie vie. Un processus extrêmement efficace qui, combiné au talent des réalisateurs embauchés, à la clairvoyance des showrunners et au boulot d’acteurs en état de grâce, a largement suffit à inscrire Narcos dans la grande histoire des séries TV, tout en haut de la pile des pourtant souvent excellentes créations Netflix.
Très attendue, la saison 2 réussit ainsi l’exploit de ne rien lâcher, tout en offrant quelque chose d’encore plus intensif. C’est très fort.
C’était un peu quitte ou double. C’est d’ailleurs le cas à chaque fois qu’une série qui a vraiment cartonné à tout points de vue débarque avec une autre saison. On a hâte mais on redoute aussi que tout s’écroule par excès de zèle. En cela, le premier épisode rassure et emballe simultanément. L’étau se resserre autour d’Escobar et le rythme s’intensifie. Le nombre de personnages secondaires est un peu moindre. Du moins c’est l’impression que ça donne. Du coup, ceux qui restent en profitent pour s’imposer. Tata, la femme d’Escobar, pour commencer, qui jouit de l’interprétation toute en nuances de la formidable Paulina Gaitán. Elle n’est plus seulement l’épouse qui voit son mari la tromper à tour de bras au fil de sa terrifiante ascension, mais devient une force vive, dont l’influence constitue l’un des piliers de la vie et de la résistance de Pablo. Leynar Gomez, l’un des nouveaux venus, campe lui aussi avec beaucoup de conviction l’homme de main Limon. Un fidèle du patron, dont le rôle est ici réellement souligné. Du côté de la DEA, si Boyd Holbroock poursuit son interprétation du gringo avec dévotion et caractère, Pedro Pascal pour sa part, profite également d’une partition plus étendue. Jusqu’alors un peu effacé par rapport à son collègue, il prend les devants et contribue à illustrer la chaotique organisation des autorités, confrontées à la sauvagerie d’un Escobar acculé, qui incarne à lui tout seul l’adage qui veut qu’un animal n’est jamais plus dangereux que lorsqu’il est blessé. Et Pablo justement… C’est bien sûr toujours lui le centre de gravité. On s’intéresse aux membres du cartel de Cali, aux enquêteurs et aux vicissitudes de leurs existences touchées de plein fouet par l’influence de leurs ennemis, mais c’est pour l’instant toujours Escobar qui mène la danse. D’une part parce qu’il s’agit d’un personnage terriblement ambigu, effrayant, dérangeant, mais aussi fascinant (ce qui est aussi dérangeant), qui interroge à lui seul notre attrait pour ces figures maléfiques de l’Histoire, mais aussi et surtout parce que Wagner Moura, son interprète, fait à nouveau très fort. Moura a compris le personnage, pourtant complexe. Il est tellement bon, qu’il sait faire appel à notre empathie envers le monstre qu’il joue. Il nous aide à piger pourquoi jusqu’au bout, Escobar fut (et est toujours dans certains endroits de la Colombie) considéré comme un bienfaiteur, sans masquer ses nombreuses zones d’ombre. Il rend à Escobar son humanité avec tout ce que cela sous-entend. Grâce à Moura et à la brillante écriture des scénaristes, le chef du cartel de Medellín acquiert une dimension profondément authentique. Au-delà de la « légende » quelle que soit la manière dont cette dernière considère cette figure incontournable de l’Histoire contemporaine. Ainsi, la série prend le temps de nous montrer l’intimité d’Escobar. Les moments en famille sont particulièrement forts car ils vont nous présenter un bon père de famille, soucieux du bien-être des siens. Un époux aimant et un fils très attaché à sa mère. De quoi faire écho aux propos du fils de Pablo, qui a toujours affirmé qu’Escobar était un bon père, sans occulter l’atrocité de ses actes et leurs tragiques répercutions. Parfois, Narcos sait aussi se faire contemplative, dispensant du même coup une poésie en forme de pause avant le dénouement inexorable.
Là est le pouvoir de cette formidable série. Tout réside dans l’ambiguïté du personnage clé, parfaitement retranscrite. Ce qui amène la question suivante : Narcos peut-elle survivre à Escobar ?
Quoi qu’il en soit, il est tentant d’affirmer que cette saison 2 est encore meilleure que la précédente. On connaît les protagonistes, l’action est plus présente et jamais vaine, le sens de la mesure du scénario est impeccable et la réalisation, plus audacieuse, comme le démontre l’incroyable plan-séquence qui sert à nous plonger dans l’assaut de la maison d’Escobar, cible d’un déluge de balles meurtrières.
La force du show produit par José Padilha consiste à nous proposer un spectacle à la fois divertissant et addictif, mais également très concerné. Le récit trouve de nombreux écho dans la situation actuelle du monde. La corruption est montrée du doigt par exemple, tout comme le caractère parfois perfide de l’ambition. Le montage, toujours généreux en images d’archives, assure à la série de rester dans une âpreté appréciable car pertinente, tandis que la voix-off nous empêche de nous perdre dans les méandres d’une traque parfois complexe, tant ses ramifications s’étendent de parts et d’autres. Ainsi, lentement mais sûrement, Narcos prépare l’avenir. Les showrunners sont conscients qu’il sera difficile de continuer mais savent aussi s’y prendre pour nous rassurer, dévoilant une ambition nette et précise, qui ne cède jamais aux sirènes d’un sensationnalisme de bas-étage.
En Bref…
La saison 2 de Narcos ne s’arrête jamais. La pression s’accentue et à l’écran, l’action devient frénétique. Emmenée par l’incroyable prestations de ses acteurs, Wagner Moura en tête, Narcos fait preuve d’une maîtrise de tous les instants, laisse toujours place à l’émotion et s’interdit tout discours unilatéral. Et vu le résultat, on ne peut qu’approuver cette approche toute en nuances. De quoi faire de cette nouvelle immersion aux côtés du plus célèbre des narcotrafiquants une épopée sauvage et tragique dont on ne ressort pas indemne.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Netflix France