Bronson d’Arnaud Sagnard 3/5 (31-07-2016)
Bronson (272 pages) est disponible depuis le 24 août 2016 aux Editions Stock
L’histoire (éditeur) :
« Je n’aurais pas dû regarder cette vieille série B avec Charles Bronson. À l’écran, un homme prépare un attentat dans une chambre d’hôtel minable. Longtemps, il observe par la fenêtre l’appartement qu’il fera sauter à la nuit tombée. Un quart d’heure passe sans qu’un mot soit prononcé. Ce quart d’heure a occupé les dernières années de ma vie. Cinq ans à tenter de comprendre comment cet acteur “au sourire de pierre” pouvait produire un tel silence. Pourquoi ce film m’obsède-t-il autant ? Pourquoi creuser dans la carapace d’une vedette défunte ? Un jour, j’ai lu cette phrase : Si les morts pouvaient parler, ils auraient sans doute la voix de Charles Bronson. Je commençais à comprendre : comme moi, il vivait entouré de cadavres et devait se couvrir les yeux pour dormir. Et comme chacun de nous, dès que l’écran s’éteint, l’enfant qu’il a cessé d’être a peur. »
Mon avis :
Ça fait presque 2 mois que j’ai lu ce roman et j’ai tardé à vous livrer mon avis parce que depuis que je l’ai fini je n’arrive toujours pas à savoir si j’ai aimé ou non. Me voilà bien embêtée pour vous donner mon ressenti…
Bronson est un roman évidement sur Bronson…Charles Bronson, mais c'est un titre plus pertinent qu’une simple biographie, car il s’agit d’un vrai roman, celui d’un homme fasciné, voire même hanté, puisque l’acteur semble occuper entièrement l’esprit d’Arnaud Sagnard.
C’est en regardant l’un de ses film (Le flingueur, film de 1972) que l’auteur tombe sous le choc. Hypnotisé par une scène d’une quinzaine de minutes sans un mot, A. Sagnard éprouve le besoin de connaître cet homme présent à l’écran, de décortiquer sa vie, d’enquêter sur cette figure impressionnante, et c’est tout cela qui ressort dans Bronson.
On découvre donc ici l’histoire de Charles Bronson, dont je ne connaissais pas un seul épisode. C’est de ce point de vue une très bonne découverte, d’autant qu’elle n’est pas des plus rose et que l’acteur laisse une trace étrange, un ressenti fait de zones sombres et de curiosité indéniable, et que le narrateur-enquêteur expose également le contexte, l’histoire du cinéma Hollywoodien des années 60-70. Ce portrait est fort, toujours énigmatique et tout en nuances (attachant et inquiétant).
Bronson a eu sur moi un étrange sentiment, j’ai vraiment été conquise par cette espèce de bio. J’ai été embarquée avec beaucoup d’intérêt (presque admirative) pour l’homme qui a réussi à se tirer d’une vie franchement mal barrée, mais décontenancée par certains pans de l’histoire (son engouement pour Wallace Beery, l’avidité des studios et leurs pratiques douteuses pour rentabiliser leur personnel).
D’un autre côté, le choix narratif et les multiples digressions sur la filmographie et des longues descriptions méticuleuses de scènes apportent une langueur (qu’on se représente un peu comme les longs silences des films de l’acteur) mais m’ont dérangée.
Résultat : mitigée n’est même pas le mot qui représente au mieux mon ressenti…je dirais plus troublée. J’ai aimé mais…
Quoi qu’il en soit je suis ravie d’avoir lu ce livre et d’avoir découvert ce qui se cachait derrière ce physique mythique !
« Charles vit au milieu de la troupe. Parfois, il a l’impression de dormir dans un cirque dont toutes les roulottes seraient collées les unes aux autres et où le silence ne se ferait jamais. La promiscuité a une odeur, celle du mélange des différentes sueurs, toutes ayant la même origine mais chacune dissemblable, celle de la nourriture qu’ils partagent et, enfin, celle du linge séchant partout dans la maison. Dehors on ne sent rien, le charbon aspire comme tout le reste l’humidité et les parfums. L’enfant vit dans un monde de trous et de machines, entouré de forêts, parfois cela ressemble à un conte où l’ogre aurait la taille du village lui-même. Charles a de la chance, ses parents ont décidé qu’il n’aurait pas la gueule noire. » Page 16
« Au choix, la mine dévore le cœur, les poumons ou le dos. Charles entre dans l’adolescence et il a déjà perdu son père et ses deux frères les plus proches. Une nervure sillonne son corps désormais, c’est plus que la plupart des adultes qu’il a rencontrés. Sa mère le sait, elle porte des nervures tout autour du corps et de la tête, cela lui fait un magnifique et indélébile collier. » Page 26
« Après avoir cassé des pierres et bombardé un océan, tout ressemble à peu près à une farce. A ces camarades de cours, il confesse tout juste aimer le jeun d’un acteur à gueule de clown nommé Wallace Beery. Cela confirme leur intuition : Buchinsky est un esprit d’enfant enfermé dans un corps d’assassin. Ils ont tort, il faut toujours examiner les idoles des gens de peu. Charles aime Wallace, c’est pour cela que dans ce livre, ils se suivent comme deux chiens, le mineur et l’ogre de la MGM, le débutant silencieux et le bavard oscarisé. Il m’a fallu le poursuivre lui aussi, chercher le bonhomme dans le bonhomme, le personnage caché au fond du sujet. » Page 53