Tropique de la violence de Nathacha Appanah 4.5/5 (11-09-2016)
Tropique de la violence (179 pages) est paru le 25 août 2016 aux Editions Gallimard.
L’histoire (éditeur) :
«Ne t’endors pas, ne te repose pas, ne ferme pas les yeux, ce n’est pas terminé. Ils te cherchent. Tu entends ce bruit, on dirait le roulement des barriques vides, on dirait le tonnerre en janvier mais tu te trompes si tu crois que c’est ça. Écoute mon pays qui gronde, écoute la colère qui rampe et qui rappe jusqu’à nous. Tu entends cette musique, tu sens la braise contre ton visage balafré ? Ils viennent pour toi.»
"Tropique de la violence" est une plongée dans l’enfer d’une jeunesse livrée à elle-même sur l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien. Dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et nous révéler la violence de leur quotidien.
Mon avis :
Tropique de la violence nous donne l’occasion d’une immersion totale, sans tabou ni cliché, dans Mayotte à travers différents portraits sincères et brutes.
Métropolitains, mahorais, clandestins, les regards sur l’île sont différents, entre petits paradis luxuriants et « immense camps de clandestins à ciel ouvert » où règne violence et trafics en tous genres, mais un même sentiment commun d’abandon et de révolte domine. Nathacha Appanah expose la réalité crue, par les voix des morts et des vivants. Exposés à la violence (qu’ils subissent ou qu’ils exercent), Marie, Moïse, Bruce, Olivier et Stéphane parlent, se parlent, exposent et livrent la révolte qui gronde, celle qui appelle l’identité à tous les points de vue.
Département d’outre-mer français, on peine à croire que cette petite île de l’archipel des Comores fasse partie de la France tant la différence est de taille. Quotidiennement desservie par des embarcations pleines de migrants, fortement nourrie de croyances ancestrales qui perdurent et laissent des traces, on a le sentiment qu’elle a été délaissée par l’Etat et livrée à elle-même, comme ces jeunes qui vont chercher les fruits aux arbres pour se nourrir, sautent dans l’eau du ponton pour se laver et imposent leurs dictats et les coups pour survivre. La tension grandit au fil de l’intrigue et traduit, à la manière d’un témoignage, à quel point Mayotte est au bord de l’implosion….
Je ne savais rien de leur histoire avant d’ouvrir le roman et chaque page tournée a été une découverte (les liens qui unies les personnages, les lieux magiques et inquiétants, l’histoire de chacun…) et je ne peux que vous conseiller de ne pas trop en savoir. Il y a une force indescriptible dans ces lignes. L’auteure a beau avoir une écriture parfois poétique et douce, elle insuffle un tel désespoir (que la polyphonie accentue inévitablement) au fil des pages que le roman devient de plus en plus poignant. Les derniers mots m’ont coupé le souffle !
En bref : Tropique de la violence est un roman percutant par sa justesse et par la réalité dure qu’il expose.