Après avoir posé des yeux émerveillés sur l'exposition du même nom à l'abbaye royale de Fontevraud, me voilà plongée dans la lecture de l'ouvrage qui théorise les réalisations des différents architectes.
Ré-enchanter le monde, sous la direction de Marie-Hélène Contal, 2014
Première conclusion : c'est très pointu et... très philosophique. Parce que, voyez-vous, l'architecture est fortement liée à l'humain et donc à ses modes de vie et de pensée. Les architectes lauréats ou initiateurs du Global Award for Sustainable Architecture pensent l'architecture, figurez-vous., comme un humanisme plus que comme un amas de mesures et de chiffres froidement assemblés. Parfois, face à nos édifices publics modernes, on se demande qui est le farfelu qui a pondu un projet si peu fonctionnel. Dans les cas précis qui sont abordés dans le livre et dans les réflexions qui le peuplent, on comprend tout le processus de grattage de tête, de prise de bec entre l'envie de beau et l'envie d'utile, la seconde l'emportant parfois ouvertement sur la deuxième. Il faut maintenant relever des défis essentiels, faire face à des problèmes qu'il est impossible de contourner lorsqu'on se veut un architecte humaniste : construire avec ce qui existe déjà, réduire les coûts pour coller à des situations économiques désastreuses et qui rendent impossible pour beaucoup l'accès au logement, bâtir des lieux de communication dans des sociétés toujours plus individualistes et qui fomentent l'isolement. Je me suis notamment intéressée à plusieurs projets:
- celui du Rural Studio, installé dans une petite ville sans histoire de l'Alabama, qui se propose de construire des habitations à 20 000 dollars pour des populations marquées par la pauvreté. L'originalité du projet réside dans le fait que le groupe d'architectes travaille et vit en complète immersion dans la ville, avec les habitants, et ne se contente pas de construire du bâti mais aussi de l'humain, en créant par exemple une ferme collective à un endroit où les gens souffrent d'obésité à cause d'une mauvaise alimentation.
- celui de Teddy Cruz à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, zone marge et marginale composée de deux villes totalement contrastées : la riche San Diego et ses rêves d'immigration d'un côté, la pauvre Tijuana, sa misère sociale et sa violence de l'autre. Bâtir dans une zone de conflit, voilà tout le défi que se propose de relever l'architecte guatémaltèque. Construire pour des populations établies en presque favelas, agglutinées à la frontière et attirées par le travail qui peut leur être proposé de l'autre côté par des entreprises qui les exploitent sans leur donner en échange la possibilité d'avoir un logement décent.
- celui de Gilles Debrun qui travaille en Belgique sur des projets visant à rendre son humanité à une ville cloisonnée entre quartiers défavorisés et ghettos de riches, à des métropoles engluées dans le trafic automobile mais dépourvues de toute socialisation possible
Pour le reste, la théorie s'adresse beaucoup à des spécialistes ou à des esprits déjà formés à ce genre de réflexions et je reconnais n'être pas allée explorer le livre en profondeur. Simplement, je suis heureuse de l'avoir dans ma bibliothèque en tant que recueil de projets innovants et humains qui disent bien ce qu'ils veulent dire : l'architecture telle que ces gens la proposent n'est autre qu'un art engagé.