Partager la publication "[Critique] LES 7 MERCENAIRES (2016)"
Titre original : The Magnificent Seven
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Antoine Fuqua
Distribution : Denzel Washington, Chris Pratt, Ethan Hawke, Vincent D’Onofrio, Byung-hun Lee, Manuel Garcia-Rulfo, Martin Sensmeier, Haley Bennett, Peter Sarsgaard, Luke Grimes, Matt Bomer…
Genre : Western/Remake
Date de sortie : 28 septembre 2016
Le Pitch :
La bourgade de Rose Creek subit la terreur de Bartholomew Bogue, qui veut la racheter à bas prix avec ou sans le consentement des habitants. Après avoir essuyé la colère et les balles des hommes de mains de Bogue, deux habitants vont chercher l’aide auprès de Sam Chisolm, un chasseur de primes. Ce dernier embrigade six autres hommes afin de protéger Rose Creek et ses habitants…
La Critique :
C’est une habitude qui commence à laisser à Hollywood : les studios de cinéma recherchent une prise de risque minimale. Résultat : en dehors des adaptations de BD, de livres, de faits divers ou de jeux-vidéo, on a droit à une cascade de remakes, suites, et reboots en tous genres. La tendance s’étant probablement accentuée lorsque, dans les grosses maisons de production, les producteurs passionnés de cinéma ont été supplantés par des actionnaires. Avec un cynisme fou, ils reprennent de plus en plus les films à succès pour les refaire mais en suivant les canons actuels qui plaisent au public. Et cet état de fait a entraîné une lassitude telle qu’un bashing anti-remake a explosé sur internet. Non pas une critique intelligente et constructive, mais un lynchage disproportionné et parfois stupide d’une mauvaise foi hallucinante. On l’a vu récemment avec le remake de S.O.S Fantômes où la polémique a viré au nauséabond. Encore une fois, ça n’a pas loupé. Quand la mise en chantier du remake des Sept Mercenaires a été connue, le film s’est fait descendre par des personnes qui ne l’avait même pas vu. On en est venu à mettre tous les remakes dans le même sac, même ceux qui prenaient le parti de ne pas se calquer linéairement sur le modèle d’origine. De plus, reporter sa haine des remakes sur ce film-là est quelque part hypocrite. À descendre en flammes toute nouvelle version d’un film, autant les descendre toutes. Et Les Sept Mercenaires de 1960 était déjà un remake, soit celui des Sept Samouraïs de Kurosawa. Quoi qu’il en soit la version d’Antoine Fuqua est donc un remake d’un remake.
Pourtant, si on était en droit d’avoir des appréhensions, le film possède quelques atouts. Tout d’abord, le scénariste n’est pas n’importe qui. Nic Pizzolatto est le créateur de True Detective dont la saison 1 a enthousiasmé la critique (à juste titre). En se servant d’un socle, à savoir des gentils qui vont demander de l’aide à une équipe de mecs pas toujours recommandables afin de combattre des méchants (postulat repris à toutes les sauces depuis), le tout dans un western, Pizzolatto a voulu raconter une autre histoire avec des noms de personnages différents. Exit les bandits mexicains (en même temps, vu le contexte actuel, les mexicains n’ont pas besoin de ça pour se faire défoncer par les américains, ce n’est pas plus mal), place à des méchants industriels cyniques et cruels, comme dans Pale Rider (ça déjà, c’est plus d’actu). On retrouvera néanmoins çà et là des traits de caractère qu’on connaissait dans la version précédente chez les personnages.
De son côté, Antoine Fuqua n’est pas un réalisateur de westerns, il n’a pas réalisé que des bons films, mais on lui doit Training Day, excellente relecture des codes du film noir adaptée dans un contexte contemporain, L’Elite de Brooklyn et La Rage au ventre, des films qui plaident en sa faveur. Le directeur de la photographie Mauro Fiore, qui accompagne Fuqua depuis un moment, a bien saisi les codes du western, son travail et bluffant et on a même quelques fulgurances, comme une scène de nuit de toute beauté. Si Les Sept Samouraïs offrait des plans et mouvements de caméra d’école rarement égalés, et que Sturges a offert de beaux moments, Fuqua n’est pas lui non plus un manche avec une caméra. Si certains effets de ralenti sont superflus, les fusillades sont bien chorégraphiées (même si par moments, on reprochera de trop lorgner sur ceux de Tarantino, John Woo et Robert Rodriguez, mais là on cherche la petite bête). On assiste à de belles cavalcades, la tension est travaillée et globalement, les ingrédients d’un bon western sont là. En revanche, on pourra reprocher à Fuqua de trop mettre en avant son pote Denzel Washington au détriment des autres acteurs dont les personnages auraient pu être mieux valorisés.
C’est là où pêche principalement cette version des Sept Mercenaires si on la compare à ses aînés. On retrouve ce qu’on avait reproché au film de Sturges, à savoir une trop grande simplification du film originel (moins accessible à un public occidental et plus complexe) et qui a donné des personnages plus dignes d’un jeu des sept familles. Déjà chez Sturges, les personnages n’étaient pas hyper développés, et c’est toujours le cas. Mais ces personnages étaient tous bien joués. D’un côté, on a eu les monstres de charisme qu’étaient Yul Bryner, Steve McQueen, James Coburn, Charles Bronson, et Robert Waughn. Là, c’est plus inégal. Denzel Washington s’en sort à merveille encore une fois. Le personnage d’Ethan Hawke est très intéressant, très bien joué mais pas assez valorisé. Vincent D’Onofrio est très bon. Chris Pratt fait du Chris Pratt, à savoir le mec cool qui balance des vannes entre deux coups de flingue, et finalement si ça a pu marcher auparavant, là ce n’est plus du tout le cas. Les autres servent quant à eux davantage de faire-valoir assez limités et semblent être là juste pour avoir un indien, un mexicain et un asiatique. Quant au méchant, il est bon, mais l’acteur qui le joue a un physique trop lisse et du coup manque de convaincre totalement. En revanche, la belle Haley Bennett (déjà très bien dans The Hole ou encore Kaboom) s’en sort très bien, et montre en quoi les trois versions du même thème ont évolué avec la société. Dans les deux précédents films, le personnage féminin qu’on voit le plus est soumise au machisme de la société japonaise (dans la version de Kurosawa) et fait presque potiche (dans la version de Sturges) et dans les deux cas, sert à être séduite par le mercenaire (le plus jeune et inexpérimenté). En revanche, là, elle réplique aux hommes, montre un tempérament bien trempé, et se mêle à la bagarre. Bref, une place qui à chaque fois et le fruit de l’époque dont est issu le film.
On pourra aussi souligner le jeu parfois approximatif de certains acteurs. Certaines scènes ne sont pas indispensables. Mais pour autant, Les Sept Mercenaires se révèle un western plutôt bon (certes pas le meilleur de l’année) qui confirme d’une certaine façon le retour en forme du genre depuis quelques années.
En Bref…
Il y a deux façons de juger Les Sept Mercenaires. Soit on le compare aux versions précédentes, et là, non, la version de Fuqua ne vient pas chatouiller le genou d’un des plus grands films de tous les temps et d’un très grand western, soit on ne le considère pas comme remake, et on peut ainsi en conclure que si il n’est pas parfait, il s’avère être une très belle surprise.
@ Nicolas Cambon
Crédits photos : Sony Pictures Releasing France