C’est ainsi, soir après soir,
que nous sommes devenus mortels,
accusant la fatigue, le froid
et la distance des corps soudain
rendus à la pesanteur, comme si
la pomme en sa rondeur tenue
dans nos mains pâles, leur échappant,
avait éparpillé sur la terre
les restes en nous de l’ancien paradis.
C’est ainsi, nuit après nuit,
que nous sommes devenus seuls
comme les miroirs des chambres d’enfants
dans la maison expropriée : ouverts
sur la tapisserie des anges qui se décolorent,
et sans autre perspective désormais
que la démolition, pierre à pierre,
de ce qui fut aussi notre ciel
de lit, l’histoire sans fin
recommencée de l’amour ô flasque
otage du temps et de l’ennui)
*
This is how, evening after evening,
we became mortal
blaming fatigue, cold,
and the distance of bodies suddenly
exhausted into heaviness, as if
the apple in its roundness held
in our pale hands, escaping them
had scattered on the earth
what was left in us of the old paradise.
This is how, night after night
we’ve become alone
like the mirrors in children’s bedrooms
in a foreclosed house: open
on the fading angel wallpaper
and henceforth with no other future
but demolition, stone by stone
of what was also the canopy
above our bed, the story endlessly
repeated of love O flaccid
hostage of time and boredom)
***
Guy Goffette (né à Jamoigne, Belgique en 1947) – Le pêcheur d’eau (1995) « Chantier de l’élégie » – Translated by Marilyn Hacker
