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Analphabétisons en choeur

Publié le 19 octobre 2013 par Annepaulerville

qui demande d'organiser dans les établissements scolaires une dictée et une course

pour sensibiliser les élèves et rendre la solidarité plus visible.

La dictée était intitulée " Changer le monde " et signée Joël Dicker,

prix Goncourt (des lycéens) et Grand Prix de l'Académie Française.

Elle comportait quinze fautes de grammaire !

La preuve ici : http://ela-asso.com/wp-content/uploads/2013/09/Dict%C3%A9e-20131.pdf

Certains esprits seront peut-être heurtés par la virulence de la réaction suivante (partagée par nombre de collègues). Qu'ils sachent que la violence est du côté de ceux qui maltraitent la langue.

Car violence a été faite au français, à ceux qui essaient d'en acquérir la maîtrise et à ceux qui tentent de la transmettre. C'est en effet seulement par respect pour les élèves volontaires et les gentils organisateurs que j'ai accepté de leur dicter ce texte et de corriger leurs copies.

J'ai néanmoins pris la liberté de ne pas collaborer à ce massacre, de rétablir la syntaxe correcte lors de la dictée et de corriger en conséquence.

Les bons sentiments n'autorisent pas tout.

Tant d'inconscience enrobée de tant de bonne conscience est impressionnante.

Pousser la solidarité jusqu'à montrer combien la dégénérescence évolutive du français est avancée, et handicaper les élèves dans l'apprentissage de leur langue semble aller au-delà de la générosité requise en pareille circonstance.

Massacrer la syntaxe ne guérira personne. On atteint là des sommets de démagogie jeuniste à donner le vertige (ou la nausée, c'est à voir).

Que dirait-on si, en guise d'épreuve sportive, on demandait aux élèves de s'abîmer les articulations en courant le cross sur les talons sans plier les genoux, comme on a brisé les articulations syntaxiques de la langue dans ce texte ?

Que dirait-on si l'on demandait à des professeurs de mathématiques de faire copier des équations fausses aux élèves ? Pourquoi, alors, accepte-t-on que des professeurs dictent des phrases incorrectes écrites dans un français écorché vif ? D'ailleurs, même les élèves, pourtant peu familiers de l'imparfait du subjonctif, ont été choqués.

Qu'un éditeur choisisse de publier un auteur dont la seule " audace " consiste à assécher la langue et aligner les clichés sans même prendre soin de masquer l'indigence de la pensée, c'est triste, mais c'est son droit.

Que l'on décide ensuite de faire copier à des dizaines de milliers d'élèves de collège un texte comportant pas moins de quinze fautes de syntaxe et un vocabulaire d'une pauvreté affligeante, c'est inadmissible.

Qu'on lui décerne en plus le Goncourt (des lycéens) et le Grand Prix de l'Académie Française, voilà qui est des plus inquiétants sur l'état de santé de la littérature française. Elle aussi, décidément, " va moins bien qu'hier et bien mieux que demain. "

Ce texte somptueux fournit même aux élèves un magnifique slogan :

" On s'en fout, de la grammaire, aujourd'hui ! " dont on peut être sûr qu'il ne sera pas tombé dans de sourdes oreilles. Qu'importe si ce n'est qu'un personnage qui le dit sans avoir l'aval de son auteur (et rien n'est moins sûr) : la focalisation du discours et le statut du narrateur, voilà bien de quoi l'élève moyen se moque éperdument !

D'ailleurs, (et ce n'est pas innocent) c'est bien le même personnage qui énonce cette réjouissante exclamation, qui explique la maladie et qui projette de " changer le monde ". Rien que ça ? Voilà une pépite de grandiloquence qui réussit le tour de force d'allier boursouflure et platitude avec une béate assurance.

Il semblerait donc que oui, la langue et la littérature françaises soient elles aussi atteintes de leucodystrophie. Rarement adéquation du fond et de la forme aura été moins pertinente.


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