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La légèreté

Par Fibula

La légèreté

Image trouvée sur le site de Dargaud

Presque deux ans après la tuerie de Charlie-Hebdo du 7 janvier 2015, Catherine Meurisse, dessinatrice au journal depuis 10 ans au moment des faits, nous offre avec La légèreté un récit poignant de l'année qui a suivi cette tragédie. Essayant de retrouver la mémoire des petits instants qui ont précédé le massacre, bousculée par les drames qui se sont enchaînés à la suite du 7 janvier, dont le drame du Bataclan le 13 novembre 2015, Catherine Meurisse va rencontrer son salut dans l'art, la beauté et l'humour, que l'on décèle par petites touches dans La légèreté.
« Faire ce livre était une façon de réordonner les choses, de trouver l'apaisement. » (Télérama, 1er mai 2016)
Rédigé en deux fois, les pages 7 à 71 de juin à août 2015 et les pages 72 à 133 en janvier et février 2016, La légèreté nous fait passer par toutes les étapes du choc post-traumatique, de la perte de mémoire à la dissociation, en passant par le profond désespoir et le questionnement existentiel.
Certaines pages de La légèreté, d'une fulgurante beauté, éclairent le récit d'espoir. Celles-ci, réalisées à l'aquarelle et aux couleurs chatoyantes, contrastent avec les épisodes où l'auteure se remémore ses anciens collègues assassinés. Elle rend un vibrant hommage à ceux-ci, sans exagération, par des détails à première vue insignifiants mais qui prennent de l'ampleur lorsque mis en contexte. Ainsi, Catherine Meurisse tente de se souvenir d'un dialogue d'une belle poésie avec Mustapha, le correcteur de Charlie Hebdo, dont on a moins parlé. La renaissance de Catherine débutera alors qu'elle commencera à se remémorer ce dialogue. Lorsque le beau la touchera de nouveau.
« Par la symbolisation, l'art a permis une médiation entre la violence et moi. J'ai ainsi eu le sentiment d'approcher la mort, les corps de mes amis, en douceur et sans peur. Ces corps, sublimés par la sculpture, n'étaient pas morbides, leur marbre blanc, scintillant, était d'une beauté à couper le souffle. Mon voyage à Rome, au contact des statues et des vestiges antiques, signes d'immuabilité, signes de la violence de l'Histoire suspendue par le temps, m'a permis de retrouver un peu d'éternité, après l'effondrement du 7 janvier. » (Télérama, 1er mai 2016)

On prend conscience aussi dans ce livre du quotidien d'une protection policière, de l'attention médiatique soudaine, parfois violente, que les "survivants" ont dû subir, de la lourdeur, enfin, de chaque journée qui passe et qui amène son lot de cauchemars. Cette légèreté recherchée, si difficile à trouver quand on a vu l'horreur. On repense avec incompréhension à ces actes, à tous les actes d'horreur que certains subissent et on a envie de se rouler en petite boule et de se mettre à pleurer, à crier, ou à serrer un arbre dans ses bras.
« Toi, tu es là depuis toujours, tu ne meurs pas, tu ne tombes pas. Si on te tire dessus, ton écorce engloutit la balle »

La légèreté

p. 73


La légèreté, de Catherine Meurisse, Éditions Dargaud, 2016, 136 pages
Liens intéressants : 
L'entrevue de Catherine Meurisse à l'émission On n'est pas couché (18 juin 2016)
Dany Rousseau fait un parallèle entre la bd de Catherine Meurisse et le livre de Luz, Ô vous, frères humains, d'après l'oeuvre d'Albert Cohen (Futuropolis, 2016), sur le site Bdmétrique.
Humeur musicale : Nick Cave, The Skeleton Tree (Bad Seed Ltd, 2016)

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